NOTES 9

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Schumpeter est un con

Penrose : la non calculabilité de la pensée

Gaza : tout ce qui est israélien est coupable

Commentaire de Valeur et Richesse de Fourquet

           Théorème de Voyer-Lebesgue

C’est bien ce que je pensais : Husserl voulait voir la vision

Kant : un peu de charabia

Sartre : la notion de sensation est une absurdité

 

Schumpeter est un con

Théorème de Voyer →

Notez bien que Schumpeter n’est pas le seul,

à quelques exceptions près, tous les économistes sont des cons.

Ils ont tous appris les mêmes conneries dans les même écoles

À l’adresse suivante http://2ccr.unblog.fr/2012/12/21/l-argent-sans-foi-ni-loi/ je lis :

(…)

« La création de la monnaie, de plus en plus en plus scripturale, fut désormais l’apanage des banques privées, et aussi de la grande distribution. Lorsqu’un client demande à sa banque un crédit de 200 000 euros pour acheter un appartement, cela ne signifie pas que la banque va chercher de l’argent dans ses coffres : elle crée 200 000 euros par une simple écriture comptable. »

Non, je regrette, ce n’est pas le cas. Lors d’un crédit, il y a bien « une simple écriture comptable » mais la contrepartie du crédit du compte courant du client par sa banque (que nous nommerons banque XYZ par la suite afin d’alléger le texte) n’est pas le débit d’un compte de trésorerie, ce qui serait le cas lors d’un dépôt d’espèces, mais le débit d’un compte d’actifs financier où sont enregistrées les créances.

En créditant d’un trait de plume le compte courant de son client, la banque XYZ s’engage seulement à payer, à vue et à la place de son client, pour 200 000 euros de dépenses. Et pour ce faire, elle utilise l’argent scriptural de la Banque centrale qui est le seul argent ― avec, évidemment, l’argent fiduciaire qui consiste en billets de cette même Banque centrale.

 Quand son client tire un chèque de 100 000 euros sur la banque XYZ afin de payer son maçon par exemple, la banque XYZ n’a même pas à payer 100 000 euros car les croisements de règlements de banque à banque se compensent et à la fin de la journée la banque XYZ aura à payer, par exemple, un petit solde négatif de compensation de toutes les opérations de la journée de 227 euros seulement ou bien, elle pourra encaisser un petit solde positif de 2 367 euros. Du fait de la compensation des paiements, les banques bénéficient d’un énorme effet de levier dû à la grande vitesse de compensation, ce qui explique que leurs réserves légales soient si petites, ce qui n’est pas sans risque. Avec un tout petit solde négatif de 227 euros, la banque XYZ peut très bien avoir fait pour plusieurs millions de paiement parce qu’elle en a reçu elle-même à peu près autant et cela ne nécessite pas du tout de création monétaire.

Si par malheur il se produit un gros déficit de compensation, par exemple 336 754 euros et que la trésorerie de la banque est un peu juste, elle cherchera de l’argent  ― comment pourrait-elle être obligée de chercher de l’argent si elle en créait ? ― sur le marché monétaire interbancaire ou, pour les très grosses sommes, elle mettra des actifs en pension à la banque centrale qui, grâce à cette garantie, lui avancera l’argent qui fait défaut, d’un simple trait de plume qui créditera le compte courant de la banque XYZ à la banque centrale, la contrepartie de l’écriture étant le débit d’un compte d’actifs mis en pension.

À part ça, où se trouve l’argent de la banque XYZ ? Non pas dans ses coffres (où il ya quelques espèces pour les guichets, 10 000 euros par exemple) mais dans les livres de la banque centrale. Or il est interdit pour les banques d’avoir un découvert à la banque centrale. C’est pour cela qu’elles doivent régler leurs déficits de compensation chaque jour.

Seule la Banque centrale crée de l’argent, scriptural et central (Cf. ci-dessous ). La locution « argent central » est mal venue car elle laisse entendre qu’il y a un argent périphérique, alors que le seul autre argent consiste dans les espèces qui, de nos jours, sont des billets de la banque centrale. Il fut un temps où les espèces étaient l’or et l’argent.

Qu’est-ce qui permet de dire que quelque chose est de l’argent ? 1) il éteint les dettes ; 2) on  ne peut le refuser en paiement. Or il est bien évident que si l’on peut accepter en paiement un effet à ses risques et périls, on n’est pas du tout obligé d’accepter cet effet. Donc un effet n’est pas de l’argent. Il n’éteint pas une dette, on n’est pas obligé de l’accepter en paiement.

Prétendre que des créances à trois mois, à deux ans, à cinq ans sont de l’argent est une sottise. On n’est pas obligé d’accepter une créance sur un tiers en paiement, et si on l’accepte, la dette n’est pas éteinte. Elle le sera seulement quand la créance sera honorée.  ― Cela dit on peut vendre et acheter des créances, à ses risques et périls. ― Notez bien que je ne mets pas en cause les agrégats de créances qui sont peut-être d’utiles outils de pilotage. Cela je l’ignore. Mais appeler cela monnaie, argent ou masse monétaire, c’est un mensonge, c’est embrouiller le monde qui a déjà tellement de mal à se comprendre. Toute l’eau de la mer ne suffirait pas pour effacer une tache de sang intellectuelle. C’est une tache de sang intellectuelle.

La création d’argent par les banques commerciale est un mythe soutenu par les économistes je me demande bien pourquoi. Les prouesses des économistes sont bien connues ainsi que les résultats de ces prouesses. Le véritable privilège des banques commerciales est le monopole des règlements, hors règlements en espèces évidemment. Les règlements se passent entre banques : ce n’est pas M. Chouard qui paye son maçon, c’est sa banque qui paye la banque du maçon et si le maçon et lui ont la même banque, cela ne change rien, évidemment. La banque est toujours là, entre M. Chouard et son maçon, comme un gros polochon.

_________________

♦ Comment la banque centrale crée-t-elle de l’argent ? Elle charge un courtier de lui acheter pour, disons, cent millions de bons du trésor non échus. Le courtier les achète sur le marché. Alors la banque centrale va tirer un chèque sur elle-même à l’ordre du courtier. Elle envoie ce chèque au courtier qui l’endosse à l’ordre de sa banque et le lui remet à l’encaissement. Cette banque va créditer le compte du courtier et débiter son propre compte de trésorerie de cent millions d’euros et va remettre ce chèque à l’encaissement… à la banque centrale… qui va passer l’écriture suivante, à réception du chèque : débit du portefeuille : cent millions ; crédit de la banque du courtier : cent millions. Voici donc cette fameuse écriture de création d’argent. Ce n’est pas du tout ce que vous pensiez. Notez bien que c’est la banque du courtier qui est créditée par la banque centrale et non pas le courtier. Le courtier est crédité par sa banque et non pas par la banque centrale. Où se trouve la trésorerie de la banque du courtier ? Dans les livres de la banque centrale. Où se trouve la trésorerie du courtier ? Dans les livres de sa banque. À la suite de quoi tout ce bel argent central va se répandre dans le système à partir de la banque du courtier car ce dernier, va, évidemment, payer ses créanciers etc. Ce procédé est dit, en bon français, open market.

Quand les bonds viennent à échéance le Trésor paye la banque centrale qui passe une écriture qui annule celle de la création. Le montant des bonds rendus au Trésor à titre de pièces comptables est porté au crédit du Portefeuille ; l’argent qui revient au bercail est porté au débit du compte de trésorerie. L’argent créé sort de la circulation.

Petit détail : ces bons du trésor rapportent un intérêt. Qui va les encaisser ? La banque centrale. Voilà donc l’État qui verse une rente à la banque centrale privée ! Du temps où la banque de France était nationale, elle partageait cet intérêt avec le Trésor. Aujourd’hui, c’est tout pour la poche des banquiers associés de la banque centrale privée.

La comptabilité en partie double est très simple : le compte qui reçoit doit ce qu’il reçoit, on le débite donc ; quant au compte qui « donne », le compte qui reçoit lui doit ce qu’il lui donne. On crédite donc le compte qui donne. Ce dernier point est d’ailleurs la preuve que M. Chouard se trompe quand il pense que l’argent qu’il a déposé à la banque lui appartient. Le fait que son compte courant soit crédité indique que ce compte a donné quelque chose. Devinez quoi et à qui. Après cette transaction, M. Chouard n’a plus qu’une reconnaissance de dette entre les mains. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre ; on  ne peut avoir et l’argent et une reconnaissance de dette. Au début de la pratique de la partie double les écritures au journal étaient libellées ainsi : Dû par <nom d’un compte> XXX écus  à <nom d’un compte> XXX écus.

Comme Brasidas je dis : il ne faut pas se laisser impressionner par le nombre des ennemis. Il ne faut pas se laisser impressionner par le nombre de ces crétins d’économistes qui répètent tous la même sottise. Ils ont appris dans les mêmes écoles et ils sont payés pour ça. Moi, j’ai appris sur le tas, en tant que Коммерса́нтъ ♦♦. Je n’étais pas peu fier d’avoir un compte chez de Neuflize, chez Mallet et chez Louis-Dreyfus.

_________________

♦♦ Du temps de Tourgueniev, dans les livres russes, les mots « en français dans le texte » étaient composés en caractères cyrilliques. C’est peut-être toujours le cas car beaucoup de Russes ne sauraient pas déchiffrer les caractères latins et réciproquement les Français ne savent pas déchiffrer les caractères cyrilliques. Le journal Kommersant (créé en 1909) perpétue cette tradition car Коммерса́нтъ ne veut rien dire en Russe. Je présume que ce journal est occidentaliste, mais notez qu’il emploie un mot « en français dans le texte » et non pas anglo-américain. Cocorico !

[zSchumpeter ]

 

[zPenrose]

Penrose

La non-calculabilité de la pensée

La compréhension n’étant pas calculable signifie que les machines ne comprennent pas

Or suivre une règle présuppose de comprendre la règle

Donc les machines sont incapable de suivre une règle

De ce fait, elle ne peuvent pas faire d’erreur, elles ont seulement des pannes

L’erreur est humaine

Une machine, jamais, n’abolira la compréhension

 

Penrose prouve que la compréhension « se dérobe à tout ce qui peut être formalisé par un ensemble de règles ». (Penrose, Les Ombres de l’esprit. InterÉditions, 1995, pages 65 à 69).

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GAZA

Tout ce qui est israélien est coupable

 

Il faut surtout ne pas accepter de pinailler sur « qui c’est qu’a commencé ». Ceux qui ont commencé ont commencé en 1920 et, aujourd’hui, tout le monde peut savoir qui ils sont et comment ils ont fait grâce aux travaux d’historiens juifs israéliens, tant sionistes qu’antisionistes. J’ai fait de nombreuses références à ces travaux sur ce site. Dès 1929, les Palestiniens avaient compris de quoi il s’agissait et ― quoique n’existant pas selon Golda Mémère ― le prouvaient en se révoltant. Ils remirent ça en 1936 tandis que les Anglais montraient à leurs auxiliaires juifs comment pacifier un village… à la baïonnette et que l’Irgoun tuait quelque centaines de civils arabes en posant des bombes dans les autobus et dans les marchés. Par la suite, les Juifs mirent les Anglais à la porte et se chargèrent eux-mêmes du boulot. Ils sont toujours à l’œuvre avec force jérémiades, pauvres malheureux persécutés par les méchants Arabes de Palestine qui, reconnaissez-le, pourraient très bien aller vivre ailleurs. Quels pignoufs ces Arabes, ils s’incrustent ! Quel manque de savoir vivre !

Toute argumentation contre le « renvoi dos à dos » est inadéquate et laisse beau jeu aux criminels, car la vérité n’est pas qu’une partie est extrêmement puissante et l’autre extrêmement faible, mais qu’une des parties a envahi le pays de l’autre et s’efforce de l’éliminer par une solution finale à petit feu : assassinats, persécution, expulsion, terreur. « Tout ce qui est israélien est coupable » (DOC 2012-12-06) ― merci les gars ! je ne l’aurais pas trouvé moi-même : je cherchais les mots, les voilà, il désignent parfaitement la chose, encore merci, bande de nazes ― tandis que tout ce qui est iranien n’est pas coupable, ni tout ce qui est Égyptien, ni tout ce qui est français, ni tout ce qui est hamériquin (quoique pour ces derniers je commence à douter)… etc. Notez bien encore : contrairement à tout ce qui est israélien, tout ce qui est juif n’est pas coupable, du moins je l’espère, car ce n’est pas tous les Juifs qui ont envahi la Palestine. Cependant, les groupes de pression juifs qui militent pour la perpétuation des crimes le sont. Il semble donc que ce « tous coupables » soit une spécialité israélienne unique au monde. Il y avait quelque chose de pourri au royaume de Danemark ; tout est pourri au royaume d’Israël. C’est tout un peuple, en son entier, qui en opprime un autre, il n’y a pas d’innocents en Israël, les civils en Israël sont des civils coupables d’invasion et d’occupation, notamment les habitants de Sdérot qui sont mal fondés à se plaindre des fusées Qassam, ce héros mort au combat : aux jolies colonies de vacances, nous chantions ♫ Ah ! y fallait pas, y fallait pas qu’y yailleu, ah ! y fallait pas, y fallait pas yaller (bis). Voilà, y fallait pas qu’y yaillent, c’est tout, qu’ils ne viennent pas se plaindre. Gandhi : « on ne peut rien reprocher à la résistance arabe face à une adversité écrasante ». L’État juif était coupable avant que d’exister parce que les Juifs qui envahissaient la Palestine avant sa fondation étaient déjà coupables. Ils ont volé l’émancipation des Palestiniens qui sortaient de six siècles de domination turque. Les Arabes furent baisés une première fois par les Anglais et une seconde par les Juifs. Aujourd’hui, des colons viennent de lointains pays pour opprimer, pour couper les oliviers des Palestiniens, pour devenir coupables. Ce royaume est celui de la folie collective, de la fièvre obsidionale.

 

● Ce n’est pas les Palestiniens qui ont envahi la Palestine mais les Juifs par Michel Collon. Donc, les Juifs sont les agresseurs. Donc, ce sont les Palestiniens qui peuvent exercer des représailles et non les Israéliens (les Juifs de Palestine) qui ne font que poursuivre le nettoyage ethnique de la Palestine qui dure depuis soixante cinq ans. L’invasion et l’occupation définitive de la Palestine par les Juifs est un long crime tranquille et particulièrement vicieux, car les bourreaux se posent en victimes : selon eux la dissolution finale des Palestiniens est le crime le plus moral du monde, perpétré par l’armée la plus morale du monde. Notez bien : ils ont envahi la Palestine en ne faisant rien d’autre que se défendre et depuis, ils ne font rien d’autre que se défendre (pauvres chous – chou vient de chéri et non du légume, je lui colle donc un “s”). Au moins les Nazis assumaient leurs crimes et Hitler a su quitter la scène dignement. Gandhi, en 1938 : « Je ne défends pas les excès des Arabes. J’aurais souhaité qu’ils eussent choisi la voie de la non-violence pour résister à ce qu’ils considèrent à juste titre comme une intrusion inacceptable dans leur pays. Mais selon les critères reconnus du bien et du mal, on ne peut rien reprocher à la résistance arabe face à une adversité écrasante. » Que dirait-il aujourd’hui ?

● Travaux pratiques. Une séance de hasbaratin (le débat Yahoo! du 20 novembre – 2/4)  Miss Lévy depuis la Komandantur : « Si Paris était à portée de missiles venus du Luxembourg, nous ne nous poserions pas de questions,  nous riposterions ». Stop ! j’arrête là, j’ai mon compte, ouf ! J’ignorais que le Luxembourg était un territoire non souverain, soumis au blocus, peuplé uniquement de réfugiés français qui d’ailleurs ont établi un gouvernement ; j’ignorais que les Boches nous avaient envahi une nouvelle fois mais, nouveauté par rapport à 1870, 1914 et 1940, avec pour but de rester en France ad vitam aeternam et pour cela d’expulser et de déporter les Français non seulement au Luxembourg, mais en Belgique, en Suisse, en Italie, au Portugal, à Madagascar etc. ; enfin, j’ignorais que miss Lévy fricotait avec l’occupant. En effet, dans ce cas il n’y a pas à hésiter : les réfugiés français du Luxembourg sont parfaitement fondés à envoyer des fusées Dupont (du nom d’un célèbre résistant fusillé par l’envahisseur) sur les boches qui ont volé leurs terres, leurs villages et leurs maisons et qui s’y pavanent. D’ailleurs, ces derniers viennent de détruire, pour la seconde fois, la cathédrale de Reims et ils ont rasé ce qui restait du donjon de Coucy pour y planter une forêt d’eucalyptus, car ils veulent effacer toute trace de notre présence en France. Gandhi le dit bien : on ne peut rien reprocher à la résistance française face à une adversité écrasante.

● Dans un texte du 3 janvier 2009, Gilad Atzmon dit la même chose et de plus explique pourquoi (traduit par Mounadil al Djazaïri) Version imprimable en français 

Selon le discours israélien, les Juifs, c.à.d.. les Israéliens ‘récents’ faisaient quelques feux d’artifices et les ‘Arabes poltrons’ couraient tout simplement comme des idiots. Dans la version israélienne officielle, on ne trouve aucune mention des nombreux massacres planifiés et perpétrés par la jeune armée israélienne et les unités paramilitaires qui l’ont précédée. Il n’y a aucune mention non plus des lois racistes qui interdisent aux Palestiniens de revenir sur leurs terres et dans leurs maisons.

La signification de ce qui précède est assez simple. Les Israéliens ne sont absolument pas familiers avec la cause palestinienne. Dès lors, ils ne peuvent interpréter la lutte palestinienne que comme une lubie meurtrière irrationnelle. À l’intérieur de l’univers israélien avec son caractère judéo-centré et de seule réalité existante, l’Israélien est une innocente victime et le Palestinien rien moins qu’un meurtrier barbare.

Cette grave situation qui laisse l’Israélien dans l’ignorance totale de son passé mine toute possibilité de réconciliation future. Dès lors que l’Israélien n’a pas un minimum de compréhension du conflit, il est incapable d’envisager la possibilité d’une solution qui ne serait pas l’extermination ou le nettoyage de ‘l’ennemi’. Tout ce que l’israélien a la possibilité de savoir sont des variations du récit de la souffrance juive. La souffrance des Palestiniens lui est complètement étrangère. ‘Le droit au retour des Palestiniens’ lui semble une idée farfelue. Même les ‘humanistes israéliens’ les plus en pointe ne sont pas prêts à partager le territoire avec ses habitants indigènes. Ce qui ne laisse guère d’autre possibilité aux Palestiniens que de se libérer eux-mêmes. À l’évidence, il n’y a pas de partenaire pour la paix du côté israélien.

● Le rabbin Brandt Rosen le dit aussi (deDefensa, traduction Dominique Muselet ci-dessous) Plus on est de fous, plus on rit.

Nous pensons qu’on lira avec intérêt ce commentaire du rabbin Brant Rosen sur l’attaque de Gaza par l’armée israélienne. Le rabbin Rosen, de Evanston dans l’Illinois (USA), se présente de cette façon : « Je suis le rabbin de la congrégation juive reconstructionniste d’Evanston, IL. »

Le rabbin Rosen publie cet article sur son blog personnel, (Rabbibrant.com) Shalom Rav, le 16 novembre 2012. (On consultera également le texte original, bien sûr complet, qui comprend un certain nombre de lien renvoyant aux références citées. Nous avons eu notre attention attirée sur le texte du Rabbin Rosen par le site War in Context, qui en reprend des extraits ce 19 novembre 2012.) (deDefensa)

 

 « L’attaque militaire d’Israël contre Gaza de 2008-09 a représenté un tournant important dans ma relation personnelle avec Israël. Je me souviens d’avoir expérimenté une sentiment nouveau d’angoisse, une angoisse que je n’avais jamais ressentie auparavant, en voyant Israël bombarder encore et encore, jour après jour, le peuple vivant dans cette minuscule bande de terre assiégée. Tout en ressentant, bien sûr, une sorte de loyauté tribale envers Israël qui endurait les tirs de roquettes Quassam en provenance de Gaza, j’éprouvais une sentiment nouveau d’inquiétude et de solidarité envers les Gazaouis qui, me semblait-il, subissaient ce qu’il faut bien qualifier d’oppression pendant ce massif assaut militaire.

» Et voilà que ça recommence. Mais cette fois, je ne pense pas que “angoisse” soit le bon terme pour décrire ce que je ressens. Maintenant, ce que je ressens ressemble plus à de la rage.

» Oui, ça recommence. Une fois de plus, 1,7 million de personnes, la plupart des réfugiés qui vivent dans ce qui constitue la plus grande prison à ciel ouvert du monde, subissent une attaque militaire massive de la part de la nation la plus militarisée en possession des armes étasuniennes les plus performantes. Et notre président détourne les yeux -il défend le massacre israélien en disant qu’Israël a le droit "de se défendre contre les salves de roquettes lancées de Gaza contre les civils israéliens."

» Soyons clairs : Cette tragédie n’a pas commencé avec les Qassams. Elle n’a pas commencé avec l’élection du Hamas. Et elle n’a pas commencé avec “l’instabilité” qui a suivi le retrait israélien de Gaza.

» Non, tout cela n’est que le dernier chapitre d’une saga beaucoup plus longue qui a commencé en 1947-48 quand des dizaines  [des centaines de milliers] de[s] Palestiniens [en grand nombre (scores)] ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique [crime contre l’humanité] qui les a chassés de leurs villes et de leurs villages des plaines côtières et de basse Galilée pour les parquer dans une minuscule bande de terre au bord de la Méditerranée. La majorité d’entre eux était clairement en trop grand état de choc pour réaliser ce qui était en train de leur arriver. Certains ont essayé de rentrer chez eux et ont été tués sans sommation. D’autres ont résisté en faisant des raids à l’intérieur de l’état nouvellement déclaré d’Israël. Parfois ils ont réussi mais le plus souvent ils ont échoué. De toutes façons Israël a décidé très tôt qu’il répondrait à chacune de ses attaques de représailles par une démonstration écrasante de force. Et ces attaques de représailles et ces démonstrations écrasantes de force militaire se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui.  

» Je suis parfaitement conscient, évidemment, qu’il y a quantités de lectures politiques du dernier assaut. J’ai lu la presse et je me suis fait ma propre opinion sur “qui a commencé ?”. J’ai aussi lu beaucoup d’analyses écrites par des observateurs israéliens qui pensent que ce n’était pas une réponse aux tirs de Quassam mais bien plutôt une “guerre choisie” déclenchée par une administration israélienne qui essaie d’enregistrer des succès politiques en période électorale.

» J’ai aussi lu un article d’Haaretz qui a circulé partout sur l’exécution récente par Israël de Ahmed Jabari, le chef de la branche armée du Hamas. J’ai aussi appris que jusqu’alors Jabari était “le sous-traitant” d’Israël en matière de sécurité pour la bande de Gaza, et qu’Israël avait littéralement financé le Hamas au travers d’intermédiaires, en échange de la paix et de la tranquillité sur la frontière sud, et que, quand il s’est avéré que Jabari ne parvenait plus à remplir sa mission, il avait été décidé de l’éliminer. Un autre article, écrit par l’Israélien qui a négocié avec Jabari pour la libération de Gilad Shalit, a révélé que les négociations entre les officiels israéliens et Jabari étaient toujours en cours quand Israël l’a assassiné avec un drone.

» Oui, mon côté malsain s’est repu des toutes ces analyses. Et même si je pense qu’elles fournissent un contrepoids nécessaire à toutes les déclarations mythiques émanant du ministère israélien des Affaires Étrangères et du Département d’État étasunien, plus je prends connaissance des dessous cyniques de cette guerre, plus j’ai la nausée. Non, il ne s’agit pas de Quassams, mais ne croyez pas qu’ils s’agisse davantage des élections. C’est seulement le dernier chapitre d’une très longue litanie d’injustices – la dernière tentative israélienne de mettre les Palestiniens à genoux par la force de leur formidable puissance militaire.

» De toutes les analyse que j’ai lues, celle de Yousef Munayyer de la Fondation de Jérusalem/Centre Palestinien, est une des rares qui semble avoir une bonne notion de ce qu’il en est réellement:

»“Le problème que Gaza pose à Israël est qu’il ne va pas s’évaporer – en dépit du grand désir d’Israël de le voir s’évaporer. Gaza est le rappel constant de la dépopulation de la Palestine en 1948, de la folie de l’occupation de 1967, et des nombreux massacres qui ont été perpétrés depuis. Il met aussi les Israéliens dans une position inconfortable parce qu’il représente un problème (sous la forme de projectiles) qui ne peut pas être résolu par la force…” »

 

Pour consulter l’original: http://www.dedefensa.org/…

Traduction: Dominique Muselet (Alter Info)

À part ça le président FAF Babar Flanby normal socialiste poursuit ses époustouflantes aventures, à Varsovie, où il déclare : « La France peut parler et aux uns, et aux autres. Je ne parle pas du Hamas, je parle des pays. » Cette précision, Babar Flanby normal socialiste l’a réitérée quelques minutes plus tard : « La France peut parler à tous, sauf à ceux qu’elle ne reconnaît pas. » (Cf. Christophe Oberlin)

[zPalestine]

 

Commentaire de Valeur et Richesse de Fourquet

26 septembre 2006

/138/ Théorie substantielle et théorie nominale de la valeur. — A partir de là, les choses se gâtent. De la valeur = mesure de la richesse, les économistes en sont venus à prendre la valeur pour la richesse elle-même, à abandonner la notion de richesse et, a fortiori, celle de puissance dont elle n’était que la traduction dans le discours économique. Ce glissement sera achevé par Ricardo et par Marx, qui démarre Le Capital par un exposé de la substance de la valeur, qui séduit l’intellect, mais qui met en scène des personnages conceptuels imaginaires, à l’existence desquels Marx croit dur comme fer.

La valeur n’est pas une mesure, la valeur est une représentation, au sens de Bolzano, mais à part ça, bravo ! Personnages conceptuels imaginaires ! c’est la ménagerie de Marx.

 

A l’opposé de cette théorie substantielle de la valeur, une théorie nominale : la valeur est le nom donné à la mesure commune de ces réalités physiques qu’on appelle biens, services, marchandises, denrées, commodities, conveniences, ou collectivement richesse. La valeur des choses est leur mesure du point de vue de la richesse, comme la longueur, la surface, le volume est leur mesure du point de vue de l’espace, la durée, leur mesure du point de vue du temps, ou la pesanteur, leur mesure du point de vue de la gravitation. Mesure de l’espace, mesure du temps et mesure de la force sont les trois mesures de base de l’esprit. Les autres sont construites à partir d’elles, car les phénomènes du monde sont des combinaisons de force, d’espace et de temps. La richesse est le nom économique donné à la puissance ; nous pouvons donc présumer qu’elle a une relation avec le concept de force.

NON — La valeur n’est pas une mesure. Une mesure est le rapport de deux grandeurs. Certes, la valeur est l’idée d’un rapport. Mais, le rapport dont la valeur est l’idée est : un échange et non pas : le rapport de deux grandeurs. Donc la valeur n’est pas une mesure, ni l’idée d’une mesure. Pour parler comme Bolzano : la valeur est la représentation d’un échange de même qu’une proposition est une représentation d’un état des choses. Et, de même qu’une proposition peut s’avérer fausse, l’échange représenté par la valeur peut s’avérer impossible.

Une grandeur est une partie d’une grandeur. Une mesure est le rapport de deux grandeurs homogènes*. 1) La valeur n’est donc pas une mesure parce qu’elle est l’idée d’un rapport. 2) Quoiqu’une mesure soit un rapport, la valeur n’est pas non plus l’idée d’une mesure parce que le rapport dont elle est l’idée n’est pas le rapport de deux grandeurs homogènes — ce qu’est toute mesure comme on le sait depuis Euclide — mais un échange.

*. Sont homogènes deux grandeurs dont l’une peut être partie de l’autre.

NON — La valeur n’est pas une grandeur, car une grandeur doit pouvoir être partie d’une autre grandeur, or la valeur ne peut être partie d’aucune grandeur. Euclide, Éléments, livre V :

 

♦ Une grandeur est une partie d’une grandeur, la plus petite de la plus grande, quand elle mesure la plus grande.

♦ Une grandeur plus grande est multiple d’une grandeur plus petite, quand elle est mesurée par la plus petite.

♦ On entend par raison une certaine manière d’être de deux grandeurs homogènes considérées comme se contenant l’une l’autre.

♦ On dit que des grandeurs ont une raison entre elles lorsque ces grandeurs, étant multipliées, peuvent se surpasser mutuellement.

♦ On dit que ces grandeurs sont en même raison, la première à la seconde, et la troisième à la quatrième, lorsque des équimultiples quelconques de la première et de la troisième étant comparés à d’autres équimultiples quelconques de la seconde à la quatrième, chacun à chacun, les premiers équimultiples de la première et de la troisième sont en même temps plus grands que les équimultiples de la seconde et de la quatrième, ou leur sont égaux ou plus petits.

♦ On appellera proportionnelles les grandeurs qui ont la même raison.

 

Comme je le notais en 1976 dans mon Enquête, on ne peut additionner de valeur. La valeur ne peut être plus petite, égale, plus grande, multiple, sous-multiple d’une autre valeur. Ce qui peut l’être ce n’est pas la valeur, c’est la quantité d’argent qui est représenté dans la représentation d’un échange. L’argent est une grandeur [je ne dirais plus cela aujourd’hui, je n’avais lu Lebesgue alors. C’est le prix qui est une grandeur de l’argent et non pas du boudin. Théorème de Voyer-Lebesgue : le prix du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin mais une grandeur pour l’argent]. Une quantité [OK, c’est une quantité d’argent qui est une grandeur et non pas l’argent] d’argent peut être plus petite, égale, plus grande, multiple, sous-multiple avec une autre quantité d’argent. Je le notais dans mes commentaires d’un manuscrit : ce n’est pas la valeur qu’on additionne, c’est l’argent, plus exactement des quantités d’argent. On additionne un francs, deux francs, trois francs qui sont des quantités d’argent, fiduciaire ou réel, métallique, et non des valeurs.

La valeur est la représentation d’un échange avec l’argent. L’argent est la représentation de la richesse. Mais le terme « représentation » n’a pas le même sens dans les deux cas. Dans le première il a le sens de Bolzano. Dans le second il a le sens diplomatique, celui de représentant plénipotentiaire devant lequel chacun s’incline. L’argent est la convention générale. L’argent est la coercition générale.

 

OUI — La richesse est une grandeur. La richesse peut être une partie d’une autre richesse. La mesure de la richesse est le rapport de deux richesses. L’unité de richesse est une grandeur. L’unité de richesse est le dollar, car les États-Unis sont très puissants (plutôt, c’est ce que tout le monde pense encore — sauf l’Émir de la Guerre —, mais pour combien de temps ?)

Je suis donc d’accord sur ce point avec Fourquet qui dit plus bas : « La grandeur de la richesse est donc incluse dans le concept même de richesse » de même que chez Euclide la grandeur est incluse dans le concept même de grandeur comme on peut le constater dans ses axiomes, ici même. Turgot dit de même.

NON — La valeur n’est pas la mesure de la richesse.

 

L’opposition entre théories substantielle et nominale de la valeur rejoint le débat philosophique médiéval entre réalistes et nominalistes. Pour éviter toute ambiguïté, jannonce ma couleur : nominaliste. Je le suis devenu : « valeur est le nom de la puissance sociale » (Cf. p. 125) est encore substantialiste. C’est pourquoi je /139/conserve le vieux mot de richesse pour désigner la réalité physique dont la valeur est la mesure. La valeur est la représentation quantitative de la richesse/puissance ; c’est un rapport. Les rapports entre valeurs donnent des informations d’ordre quantitatif, des proportions, des ordres de grandeur : c’est essentiel. Combien de fois, en lisant les historiens, ai-je pesté contre tel ou tel qui donnait un chiffre sans point de comparaison : autant ne rien dire ; le chiffre seul ne signifie rien. Pas la moindre information. L’information, c’est la relation à un autre chiffre.

NON — Le vieux mot de richesse ne désigne pas la réalité physique mesurée par la valeur, ne serait-ce que parce que la valeur n’est pas une grandeur et qu’elle ne peut donc se rapporter à rien, c’est à dire qu’elle ne peut pas être partie [ Dedekind est l’inventeur de la partition qui permet de construire les nombres irrationnels qui ont tourmentés des Grecs sublimes ] de quelque chose, qu’elle ne peut donc mesurer quoi que ce soit selon les termes d’Euclide.

Les choses physiques (pléonasme), certaines choses physiques, choisies par convention au sens de Lewis, c’est à dire par general conforming (cette convention n’est pas une convention car personne n’a convenu de rien), sont les représentantes de la puissance. Chacun s’incline devant ces choses physiques comme devant les représentants d’une grande puissance, comme devant les ambassadeurs d’une grande puissance. Il était surtout connu pour sa grande notoriété. Chacun s’incline devant ces représentants parce que chacun sait que chacun s’incline devant ces représentant, brièvement dit : parce que la situation est connue (Barwise). Ces choses physiques ne sont pas des mesures de la puissance, mais des représentantes de la puissance. Elles représentent la puissance devant chacun et chacun s’incline (Enzyclopädie, § 106 ou § 260). La puissance est une institution, c’est à dire une affaire collective.

La valeur aussi est une représentation, mais au sens de Bolzano ou de Wittgenstein cette fois : elle est la représentation d’un échange comme la proposition est une représentation d’un état des choses. Et l’échange peut très bien s’avérer impossible, comme la proposition peut s’avérer fausse.

 

Mais le rapport de valeur ne donne jamais aucune information de causalité. C’est la limite absolue de la pensée économique. Pour établir des relations de causalité, nous devons sortir du monde homogène et uniforme de la valeur et « voir » le monde de la richesse dont elle n’était qu’une mesure. Mais la richesse elle-même n’étant qu’une réduction économique de la puissance, nous devrons « voir » les rapports de force, les réseaux, les circuits de captage, etc., bref: être généalogiste, et non comptable.

La richesse implique conceptuellement la valeur. — Pourquoi les mercantilistes et Petty considéraient-ils que la richesse n’était qu’une partie de la richesse mondiale totale ? Parce que, dans le mot même de richesse, comme dans celui de puissance, est déjà inclus un rapport quantitatif entre ce dont on parle et l’ensemble de la richesse/puissance du monde. Quand on dit de quelqu’un qu’il est riche, c’est toujours par rapport à une échelle, fût-elle implicite, ou même oubliée. Une personne riche dans la France d’après guerre nous paraît pauvre aujourd’hui, etc. Dans la désignation « riche » et « pauvre », on sous-entend une quantité totale de richesse inégalement répartie. C’est parce que cette quantité est limitée ou rare qu’il y a égalité, ou inégalité. Si la quantité était infinie, le concept égal/inégal n’aurait pas de sens. Dans l’atmosphère abondante, « non mesurée », de la campagne, l’air qu’on respire n’est pas réparti à chaque individu : chacun y puise à volonté.

Il n’y a répartition, donc égalité/inégalité, que s’il y a rareté. La grandeur de la richesse est donc incluse dans le concept même de richesse ; même chose pour la puissance. Il n’y a grandeur qu’à partir du moment où la pensée peut énoncer : « égal à », « plus grand que », « plus petit que ». Une grandeur déterminée suppose une grandeur totale à laquelle elle est implicitement rapportée. Quand je dis : « j’ai respiré une grande quantité d’air », j’entends : /140/ par rapport à mon maximum de capacité respiratoire, et non par rapport à la quantité totale de l’atmosphère, ce qui n’aurait aucun sens : le rapport serait infiniment petit. Quand j’écrivais que « le pourcentage est le mode privilégié de représentation de la quantité » [1980, p. 371], en vérité, je me trompais : il n’y en a pas d’autre. La quantité est, en soi, relation à un ensemble. Donc, le sens du mot richesse s’épuise dans son rapport à un ensemble, bien que nous ne sachions pas encore en quoi elle consiste physiquement. Dans le concept même de richesse réside le concept de valeur défini comme pure mesure de la richesse. Il n’y a pas d’un côté des choses qu’on appelle « richesses », et de l’autre une valeur mesure de ces choses. Non. Il y a des tas de choses qui ne sont « richesses » que si, implicitement, on les compare à un ensemble de choses analogues. De ce point de vue, il n’y a pas de différence entre richesse et valeur ; c’est pourquoi les économistes se sont si facilement laissés avoir par la conception substantielle.

La richesse est une grandeur et la valeur n’est pas sa mesure.

La valeur n’est pas la mesure de la richesse, la mesure de la richesse est, comme toute mesure, le rapport d’une grandeur à l’unité de grandeur. C’est pourquoi « les » richesses ne sont pas « des » richesses, mais des choses dans lesquelles on ne voit que l’argent. Et on peut voir en elles l’argent parce qu’à chacune d’elles est associée une valeur, c’est à dire l’idée d’un échange avec l’argent. La valeur n’est pas une mesure mais une institution : l’association à chaque chose de l’idée d’un échange. La seule différence entre la valeur et le prix, c’est que la valeur peut-être l’idée d’un échange avec n’importe quelle marchandise tandis que le prix est l’idée d’un échange avec une certaine quantité d’argent. C’est aussi simple que cela.

 

Mais la valeur en soi n’existe pas plus que la grandeur en soi. « Grandeur » n’a de sens que quand on précise : « grandeur de tel objet », c’est-à-dire son rapport à un autre objet, ou à l’ensemble des objets du même genre. Il en est de même pour la valeur « valeur » tout court n’a pas de sens, à moins de préciser : « valeur de telle marchandise », par quoi on mesure le rapport de cette marchandise à l’ensemble des marchandises considérées sous l’angle de leur valeur. Il en est de même de la puissance. Dire d’un pays qu’il est une « grande puissance » ne signifie rien d’autre que: il « peut » beaucoup par rapport à la moyenne, c’est-à-dire à l’ensemble de la puissance répartie entre les différents pays. En vérité, « puissance » est un concept vide ; il ne signifie rien d’autre qu’un pur rapport quantitatif à un ensemble. Dans le langage politique le plus chargé affectivement, le mot ultime, c’est « grandeur », un mot vide : la grandeur de la France fut le but ultime du général de Gaulle et des patriotes en général. Sous-entendu grandeur par rapport à la grandeur du monde, ou à la moyenne des grandeurs nationales. Même chose quand on dit que la France doit tenir son rang dans le monde. Quel rang? Le quatrième ou le dixième dans l’échelle des grandeurs mondiales.

Grandeur a un sens même quand on ne précise pas longueur, temps, masse, courant, moment, énergie, puissance etc. Ce sens est, selon Euclide : ce qui peut être partie d’une autre grandeur. En fait, la notion de grandeur en soi implique la notion de grandeur. C’est pourquoi il fallut qu’Euclide axiomatisât. Par ses axiomes, il décrit le comportement de la grandeur puisqu’il ne peut pas la définir.

La question est différente pour la valeur qui n’est ni une grandeur, ni la mesure d’une grandeur. La valeur est l’idée d’un échange qui est associée à chaque chose qui devient ainsi marchandise. C’est précisément la raison pour laquelle elle est toujours valeur d’une marchandise particulière. L’institution « valeur » consiste dans ce fait. Ce que permet l’institution « valeur » c’est justement de pouvoir comparer différentes marchandises sous l’angle de la richesse, qui elle est une grandeur. Seules les grandeurs sont comparables. Ce qui est comparé grâce à la valeur, c’est l’argent qui est représentant de la puissance. C’est l’argent que l’on compare grâce à la valeur, ce n’est pas la valeur. Si la valeur n’existait pas, on ne pourrait rien comparer sous l’angle de la richesse.

 

Valeur ne contient rien de plus que le mot grandeur : une relation, une proportion. Il n’a de sens que dans un contexte sémantique où il est question de biens, services, marchandises, etc. A cette réserve près, il est aussi vide que lui, et il ne peut s’employer, dans le langage, qu’à sa place.

Non, il y a confusion entre grandeur, relation, proportion. Je me suis heurté aux même difficultés en 1975. La valeur n’est pas une relation mais l’idée d’une relation et cette relation n’est pas une proportion mais… un échange. Il s’agit de la publication de la possibilité d’un échange.

 

/141/ Une expression irrationnelle : la « mesure de la valeur ». — Si « valeur » est le nom donné à la mesure de la richesse, parler de « mesure de la valeur » paraît plutôt bizarre. Étant elle-même une mesure, la valeur n’a pas de mesure, pas plus que la longueur n’a de longueur, ou la pesanteur de pesanteur. On peut mesurer la longueur d’un champ ou la valeur d’une marchandise, mais pas la longueur ou la valeur tout court. La « mesure de la valeur » est donc une expression irrationnelle. Quand on parle de « mesure de la valeur », sans s’en rendre compte on substantialise la valeur, on la confond avec la réalité dont elle est la mesure, à savoir la richesse.

1. OUI — bravo ! L’expression « mesure de la valeur » est une absurdité.

2. NON — la valeur n’est pas elle-même une mesure. Bien au contraire, une mesure est le rapport de deux longueurs, de deux masses, de deux forces. La mesure d’une longueur est le rapport de deux longueurs, la mesure d’une masse est le rapport de deux masses, etc., car une grandeur est toujours une partie d’une grandeur. Pour parler comme Fourquet, la grandeur ne peut être envisagée que du point de vue de la mesure. Une grandeur est ce qui est mesurable parce qu’une grandeur est toujours partie d’une grandeur. La valeur n’est aucun rapport mais seulement l’idée d’un rapport et d’un rapport qui n’a rien à voir avec une mesure, avec le rapport de deux grandeurs. Le rapport dont il s’agit est une institution, l’échange.

Ce n’est pas parce qu’elle serait déjà une mesure que la valeur n’a pas de mesure, qu’elle n’est pas mesurable, mais parce qu’elle n’est pas une grandeur. Ne sont mesurables que les grandeurs.

 

Cette confusion n’est pas contingente : elle est constitutive de l’économie politique depuis Adam Smith. C’est d’ailleurs un expert en confusion : ayant déclaré que « le travail est la mesure réelle de la valeur », il parle dans la phrase suivante de « valeur du travail », autrement dit : la mesure de la mesure réelle de la mesure... de quoi ? De la richesse, sans doute ! [WN, I, 5.] En revanche, ce qui n’est pas irrationnel, c’est la détermination de l’unité de mesure, de l’étalon, du langage de cette unité. Le poids s’exprime en grammes, l’espace en mètres, etc. L’unité est généralement conventionnelle. Quelle est l’unité de la valeur ? Ce problème fut un vrai casse-tête pour les anciens, comme en témoigne les écrits de Petty, de Turgot et de Smith.

OUI — Ça c’est bien vrai ! Effectivement Smith entend par « valeur du travail » la valeur, le prix, de l’obéissance pendant un certain temps. La fameuse « valeur du travail » n’est que le prix de la soumission (Dockès). Il faut appeler les choses par leur nom. Ce n’est pas la « force de travail », pur mythe, que le fabricant achète, mais l’obéissance de l’ouvrier, chose très concrète. Ce n’est pas non plus « du travail » que les fabricants veulent supprimer afin d’accroître leurs bénéfices ou simplement d’en faire, c’est du temps d’obéissance d’ouvrier, parce qu’un ouvrier ça mange et ça boit et qu’il faut donc bien lui « donner » de l’argent — de l’argent, notez bien, pas de la valeur — pour ce faire. Ce n’est pas le travail que veulent supprimer les fabricants mais les ouvriers.

Il n’y a pas d’unité de valeur, il n’y a qu’une unité de richesse et cette unité est le dollar ; la richesse n’étant que la représentante de la puissance.

 

La comptabilité nationale ne se pose pas ces problèmes métaphysiques sur la nature de la valeur et son étalon. Elle appelle prix ce que nous venons d’appeler valeur et se borne à compter ou comptabiliser ( = enregistrer sous forme de comptes) les prix tels qu’ils s’inscrivent sur les documents sociaux, mercuriales, factures, comptabilités d’entreprises ou d’administrations, indices de prix, etc. Elle dispose d’une unité de compte propre à chaque monnaie, le franc, le dollar, etc. Autrefois, on mesurait en livres, une unité de compte elle-même mesurée par une unité de poids — car une nouvelle unité de mesure prend appui sur un autre système de mesure déjà existant. Ainsi le joule ou le kilogrammètre est la combinaison d’une unité de poids et d’une unité de longueur, etc.

Voici enfin une représentation, ne la ratez pas. L’unité de compte n’est pas mesurée par une unité de poids mais représente une autre unité de richesse qui consiste dans un certain poids d’un certain métal. Quant aux monnaies entre elles, il me semble que Turgot montre qu’elles sont entre elles comme de simples marchandises et l’euro possède alors une cote en dollar et réciproquement selon que l’on cote le certain ou l’incertain. Dans chaque pays, la monnaie nationale est comme le proxène des monnaies étrangères, elle les représente toutes. Il ne s’agit pas du tout de combinaison d’unités mais d’unités de système différent : MKSA, cgs, MKpS, etc. unités convertibles, comme le sont les monnaies. C’est une question de conversion. On dit : « combien le pouce anglais vaut-il de millimètres ? » 25,4. Dans ce cas, on a bien une mesure. On peut mesurer le pouce avec le millimètre. On effectue le rapport du pouce et du millimètre. On rapporte deux longueurs.

 

A l’âge classique, les économistes s’interrogent sur l’efficacité de la monnaie comme unité de compte. Ils constatent que cette monnaie a la forme d’une marchandise métallique et qu’elle est donc elle-même soumise à des fluctuations. D’où la recherche par Petty ou Smith d’un étalon immuable qu’ils croient trouver l’un dans la terre et le travail, l’autre dans le travail. Mais comme pour /142/ Smith la « valeur du travail » se trouve elle-même dans les biens de subsistance, il est ramené à une autre unité et sa pensée se dilue, faute d’ancrage. L’habileté du travail est difficilement mesurable ; on pose que le travail qualifié est un multiple du travail supposé simple. Cette réduction étant faite, une unité de mesure s’impose le temps de travail, objectivement divisible, calculable et négociable entre travailleurs et patrons. La mesure de la richesse par le temps de travail fait partie de la vie quotidienne : on parle de millions d’heures de travail perdues par grève, ou gagnées par une invention technique.

Ici la mesure rejoint la réalité qu’elle mesure : la quantité de travail globale dont dispose une nation, et qu’elle dépense au cours d’une année de compte, mesure toute la richesse qu’elle crée au cours de cette année. C’est une ancienne intuition économique ; Petty fut le premier à vouloir faire du travail un instrument de mesure pour évaluer la richesse/puissance dans le cadre d’une comparaison européenne – c’était le but même de l’arithmétique politique. Mais ici se pose le problème le plus difficile de toute l’économie politique – de l’articulation entre le travail et l’utilité la quantité de travail dépensé suffit-elle à mesurer la valeur d’une marchandise ? L’utilité de cette marchandise ne convient-elle pas ? Ce problème fut posé et, je crois, résolu par Turgot dans sa théorie de la « valeur estimative » (cf. p. 237).

Valeur virtuelle, valeur actuelle. - Voici une autre idée qui trouvera son plein sens quand nous aborderons la découverte de Turgot ; mais je souhaite que le lecteur l’ait en tête d’ici là. La valeur, étant mesure de la richesse physique, mesure une certaine quantité d’objets existant dans l’espace à un moment du temps. S’agissant d’une marchandise, son évaluation se fait au moment de la vente, donc après qu’elle a été produite. Elle a été produite selon un calcul de probabilité : combien vaudra-t-elle au moment de la vente? Elle porte en elle un certain coût, somme des valeurs des ingrédients - une certaine quantité de travail (vivant ou figé en biens de production) augmentée d’un profit moyen en vigueur au moment de sa fabrication. Une marchandise a donc deux valeurs la valeur calculée au moment de sa production, et la valeur fixée effectivement au moment de la vente.

J’appelle valeur virtuelle celle qui est calculée au moment de la production, qu’on considère parfois (langage substantialiste) « incorporée » ou, comme dira Ricardo, « réalisée » ou « fixée » /143/ dans la marchandise ; et valeur actuelle celle qui est déterminée au moment de la vente, et qui est égale à son prix. (Je mets de côté pour l’instant la différence entre prix de marché et prix naturel, que nous examinerons p. 130.) Contrairement aux apparences, la valeur prétendument « réalisée » dans la marchandise est irréelle; c’est une valeur escomptée, c’est-à-dire comptée à l’avance comme probable; c’est l’objet même du calcul économique; c’est pourquoi je l’appelle « potentielle » ou « virtuelle ». Seule la valeur actuelle est réelle, et elle n’a d’autre réalité que son prix. Je justifierai ces affirmations par la suite.

Faisons une comparaison avec... la puissance, justement. Quand on parle de « puissance », on se représente un pur potentiel : « telle nation est puissante », c’est une grande puissance en ceci qu’on l’estime capable de vaincre les autres en cas de guerre déclarée. C’est tout le problème : la « puissance » d’une nation mesure ce qu’elle pourrait accomplir en cas d’affrontement, mais ce qu’elle accomplit en fait, réellement, est une tout autre affaire : la puissance révèle ce qu’elle peut (c’est-à-dire ce qu’elle vaut) en tant que puissance actuelle, en acte, ici et maintenant, dans l’action elle-même, et pas ailleurs, pas demain. La guerre est le moment de vérité des évaluations de puissance. Telle nation que l’on croyait puissante s’effondre sur le champ de bataille, comme la France en 1940.

Autre exemple. On a coutume de chiffrer la puissance relative des pièces d’échecs ; c’est une indication facilitant les calculs, notamment au moment où l’on accepte un échange de pièces. Mais ce que la pièce vaut réellement c’est la position qu’elle occupe ici et maintenant sur l’échiquier. Une tour clouée derrière une rangée de pions ne vaut rien ; elle ne vaut que potentiellement ; si on ne libère pas son champ d’action, elle n’aura jamais l’occasion de déployer sa puissance. Inversement, un pion, qui en théorie ne vaut pas grand-chose, peut valoir, dans une conjoncture précise, beaucoup plus que la reine elle-même.

La valeur-travail de la marchandise n’a pas plus d’existence que la puissance d’une nation avant la bataille ou celle d’une pièce d’échecs avant l’engagement. La seule valeur existante, c’est la valeur actuelle ; ce n’est pas une chose, mais une pure relation. La vente est à la valeur ce que l’engagement est à la puissance. Voici une énigme philosophique : pourquoi, pour désigner la puissance, cette réalité si mystérieuse de la vie, utilise-t-on le substantif dérivé du verbe « pouvoir » en langue romane (latin potentia), en anglais (may, might) ou en allemand (mögen, die Macht)

   

[zFourquet]  

 

C’est bien ce que je pensais

Husserl prétend percevoir le percevoir, voir la vision, entendre l’audition, toucher le toucher. Or la perception est imperceptible, la vision invisible, le toucher intangible, l’audition inaudible [j’ajouterai : la compréhension est incompréhensible]. L’apparition n’apparaît jamais, cependant elle a lieu et on ne peut douter qu’elle a lieu, qu’elle soit fallacieuse ou non. Husserl a beau tortiller du cul, il chie droit pour finir.

La perception est imperceptible car il peut y avoir perception de vert, mais la perception ne peut pas être verte. Si la perception était perceptible, il y aurait seulement perception de perception et jamais perception du monde. (Frege – et Sartre : le sens est insensible)

Ainsi l’expression « conscience de quelque chose » se comprend très bien de soi et pourtant elle est en même temps suprêmement incompréhensible. Les impasses et les fausses pistes où les premières réflexions conduisent engendrent aisément un scepticisme qui aboutit à supprimer tout cet ensemble de problèmes gênants. Nombreux sont ceux qui déjà s’en interdisent l’accès parce qu’ils ne veulent pas se résoudre à saisir le vécu intentionnel, par exemple le vécu de perception, avec l’essence qui appartient en propre à ce vécu comme tel. Au lieu de vivre dans la perception et d’être tourné vers le perçu pour le considérer et en faire la théorie, ils n’arrivent pas à tourner le regard vers le percevoir [le 19 juin 1959, j’ai tourné mon regard vers le percevoir et j’ai compris… que l’on ne pouvait percevoir le percevoir. La tentative de Husserl était vouée à l’échec. À l’époque, je n’avais pas lu une ligne de Sartre ou de Husserl] ou vers les propriétés qui caractérisent la façon dont le perçu se donne, et à prendre tel qu’il se donne ce qui s’offre dans l’analyse immanente des essences. Si on réussit à adopter l’attitude convenable et si on l’a [180] /tel 303/ fortifiée par l’exercice, si avant tout on a acquis le courage, à force de se dépouiller radicalement de tout préjugé, de se conformer fidèlement aux claires données eidétiques sans se soucier de toutes les théories courantes et factices, on doit sans tarder obtenir des résultats solides et identiques chez tous ceux qui adoptent la même attitude; il devient sérieusement possible de transmettre à d’autres ce que l’on a vu soi-même, de contrôler leurs descriptions, de faire ressortir l’ingérence inaperçue d’intentions verbales vides, de faire apparaître, en les confrontant avec l’intuition, et d’éliminer les erreurs qui peuvent se glisser même ici, comme sur tous les plans où une validité est en jeu. Mais venons-en à la matière en question.

[Idées directrices pour une phénoménologie, § 87]

[Le fameux pommier en fleur : § 88, page 306]

[L’arbre qui brûle et l’arbre perçu qui ne brûle pas : § 89, page 308]

 

[et Recherche Logique 1, § 3 ] : « Ces sont justement ces actes, jusque-là dénués de toute objectivité, qui doivent désormais devenir les objets de l’appréhension et de la position théorique ; c’est eux que nous devons considérer dans de nouveaux actes d’intuition et de pensée, analyser d’après leur essence… »] Cause toujours, mon bonhomme. Il veut se regarder regarder.

[note sur ce passage] : [10] i. « A partir de : “pendant que...” (p.[9]), le texte de la 1ère éd. est le suivant : “Pendant que nous intuitionnons, pensons, mettons des objets en relation les uns avec les autres, et les considérons sous les points de vue idéaux d’une loi, etc., nous ne devons pas diriger notre intérêt théorique sur ces objets, sur eux tels qu’ils apparaissent et tels qu’ils ont validité dans l’intention de ces actes, mais au contraire sur ces actes précisément qui étaient jusque-là dénués de toute objectivité; et ce sont ces actes que nous devons alors considérer dans de nouveaux actes d’intuition et de pensée, analyser, décrire, rendre objets d’une pensée qui compare et distingue.” » Encore plus explicite.

● Pourquoi l’arbre perçu ne peut pas brûler ? Parce que le prétendu arbre perçu n’est pas une espèce d’arbre mais une espèce de perception et que les perceptions ne brûlent pas. « Perçu » n’est pas un attribut déterminant de l’arbre mais un attribut modificatif de la perception  (Bolzano). Quant à l’arbre qui brûle, il ne s’agit pas d’une espèce de perception mais d’une espèce d’arbres : les arbres qui brûlent. Ainsi « brûlant » n’est pas un attribut déterminant de la perception mais un attribut modificatif des arbres. Si l’on tient le participe « perçu » (ou « vu ») pour une qualité de l’arbre, cela conduit au paradoxe suivant : l’arbre est perçu quand il n’est pas perçu. Ou bien on soutient que « perçu » n’est pas une qualité de l’arbre. Dans ce cas l’arbre n’est pas perçu quand il est perçu. Notez que les perceptions ont lieu dans le monde. L’arbre est perçu dans le monde, à sa place et comme il est. J’aime assez la détermination négative de « l’intérieur » par Bolzano. Qu’est-ce que « être dehors » ? C’est être dans l’espace. Donc, qu’est-ce qu’être à l’intérieur ? C’est être hors de l’espace (et non pas à l’intérieur du corps, que ce soit dans le cerveau ou le trou du cul). Donc à l’intérieur il n’y de place pour rien du tout et c’est pour cela que les arbres paraissent où ils sont. Je suppose que ce sont ces considérations qui ont poussé Leibniz à son étonnante expérience de pensée du moulin (Monadologie, § 17) et à conclure que les perceptions avaient lieu dans des points logiques, qui n’occupent aucun espace et sont sans porte ni fenêtres : les monades ou substances simples. Husserl s’est pris les pieds dans le tapis.   

Cf. LE CONSENSUS HUMAIN DÉCIDE-T-IL DU VRAI ET DU FAUX ? (Descombes)

● Ideen I, § 41 : Husserl regarde une table. Il dit : « Je ferme les yeux. (…) Je n’ai plus d’elle [la table] aucune perception. J’ouvre les yeux et la perception reparait de nouveau ». Certainement pas, c’est la table qui reparaît. La perception n’a pas cessé ; elle s’est modifiée, la table non. D’ailleurs Husserl l’admet ailleurs. il dit à peu près : « Je ferme les yeux, la perception ne cesse pas, je vois la lumière rosée de mes paupières ». Il n’y a qu’un caractère qui n’est pas modifié, qui est constant, dans la perception : elle est imperceptible.

● Ideen I, § 97 : Husserl dit : « Une seule perception peut de cette façon englober dans son unité une grande multiplicité de modifications ; tant que notre contemplation reste conforme à l’attitude naturelle, nous attribuons tantôt ces modifications à l’objet réel, comme étant ses altérations ; … » qui peut, à part Husserl, attribuer à l’objet réel les modifications de la perception ? Husserl s’invente des obstacles imaginaire afin de justifier ses kilomètres de charabia. Plus loin :  « Il faut alors apercevoir avec une clarté totale que le vécu de perception pris en lui-même comporte bien dans son essence “l’arbre perçu comme tel” » c’est à dire l’arbre, non pas en tant qu’il brûle, mais en tant qu’il est perçu. Or « est perçu » n’est pas une qualité de l’arbre, l’arbre ne peut jamais avoir pour qualité « le perçu », on ne peut dire : l’arbre a le perçu ou l’arbre a la perception. L’arbre perçu n’est pas une espèce d’arbre mais une espèce de perception. Donc, il n’y a pas besoin de réduction machin-truc pour comprendre ça.

[zHusserl]

 

● Un peu de charabia kantien en vue d’un commentaire de La Transcendance de l’ego de Jean-Saül Partre Cripure de la raison tique, nouvelle traduction française, avec notes, par A. Tremesaygues et B. Pacaud, 1905. Analytique transcendantale, L. 1, Ch. 2, 2e section, § 16 « De l’unité originairement synthétique de l’aperception ».

 

[zKant]   [zSartre]

   

 

Telle est la notion de sensation. On voit son absurdité. Tout d’abord, elle est purement inventée. Elle ne correspond à rien de ce que j’expérimente en moi-même ou sur autrui [de Locke, Durkheim dit qu’il ne sait rien de la sensation, mais ne connaît que l’idée de la sensation ; ainsi, Durkheim dit lui aussi que c’est une invention de psychologue. Il ajoute qu’il n’y a de psychologie scientifique qu’expérimentale. Et j’ajoute que l’introspection est un cloaque et que dans un cloaque il y a de la merde]. Nous n’avons jamais saisi que l’univers objectif ; toutes nos déterminations personnelles supposent le monde et surgissent comme des relations au monde. La sensation suppose, elle, que l’homme soit déjà dans le monde, puisqu’il est pourvu d’organes sensibles, et elle apparaît [Sartre devrait employer le conditionnel, ce qui clarifierait beaucoup son texte. Sartre, il faut bien le reconnaître, est pénible à lire (ce n’est rien à côté de Husserl ou de Heildegger. Je lis en ce moment les Conférences de Paris et là, bas les masques car l’auteur doit parler en langage ordinaire et c’est du charabia, de l’invention de psychologue). Mes amis à qui j’ai offert « La Transcendance de l’ego » ont fait grise mine. Une chose est certaine, Sartre comprend que la notion de sensation est absurde, mais il peine à le dire, il peine à le savoir. On sait lorsqu’on peut dire ce que l’on comprend. Frege dit qu’une idée vraie ne peut pas être confuse, c’est le procédé de saisie de la pensée qui est confus – ce qui cloue le bec à Boileau : ce qui se dit clairement se conçoit clairement. L’idée vraie est toujours claire et elle est commune, c’est la même pour Hitler, Jean-Marie Le Pen et pour vous.] en lui comme /353/ pure cessation de ses rapports avec le monde. En même temps, cette pure « subjectivité » se donne comme la base nécessaire sur laquelle il faudra reconstruire toutes ces relations transcendantes que son apparition vient de faire disparaître. Ainsi rencontrons-nous ces trois moments de pensée :  Pour établir la sensation, on doit partir d’un certain réalisme : on prend pour valable notre perception d’autrui, des sens d’autrui et des instruments inducteurs.  Mais au niveau de la sensation. tout ce réalisme disparait : la sensation, pure modification subie, ne nous donne de renseignements que sur nous-mêmes, elle est du « vécu ».  Et pourtant, c’est elle que je donne comme base de ma connaissance du monde extérieur. Cette base ne saurait être le fondement d’un contact réel avec les choses : elle ne nous permet pas de concevoir une structure intentionnelle de l’esprit. Nous devrons appeler objectivité non une liaison immédiate avec l’être, mais certains accolements de sensations qui présenteront plus de permanence, ou plus de régularité, ou qui s’accorderont mieux avec l’ensemble de nos représentations. En particulier, c’est ainsi que nous devrons définir notre perception d’autrui, des organes sensibles d’autrui et des instruments inducteurs : il s’agit de formations subjectives d’une cohérence particulière, voilà tout. Il ne saurait être, à ce niveau, question d’expliquer ma sensation par l’organe sensible tel que je le perçois chez autrui ou chez moi-même, mais bien au contraire c’est l’organe sensible que j’explique comme une certaine association de mes sensations. Un voit le cercle inévitable. Ma perception des sens d’autrui me sert de fondement pour une explication de sensations et en particulier de mes sensations ; mais réciproquement, mes sensations ainsi conçues constituent la seule réalité de ma perception des sens d’autrui. Et, dans ce cercle, le même objet : l’organe sensible d’autrui, n’a ni la même nature, ni la même vérité à chacune de ses apparitions. Il est d’abord réalité et, précisément parce qu’il est réalité, il fonde une doctrine qui le contredit. En apparence la structure de la théorie classique de la sensation est exactement celle de l’argument cynique du Menteur, où c’est précisément parce que le Crétois dit vrai qu’il se trouve mentir. Mais en outre, nous venons de le voir, une sensation est subjectivité pure. Comment veut-on que nous construisions un objet avec la subjectivité? Aucun groupement synthétique ne peut conférer la qualité objective à ce qui est par principe du vécu. S’il doit y avoir perception d’objets dans le monde, il faut que nous soyons, dès notre surgissement même, en présence du monde et des objets. La sensation, notion hybride entre le subjectif et l’objectif, conçue à partir de l’objet, et appliquée ensuite au sujet, existence bâtarde dont on ne saurait dire si elle est de fait ou de droit, la sensation est une pure rêverie de psychologue, il faut la rejeter délibérément de toute théorie sérieuse sur les rapports de la conscience et du monde.

/354/ Mais si la sensation n’est qu’un mot, que deviennent les sens ? On reconnaîtra sans doute que nous ne rencontrons jamais en nous-mêmes [terme problématique] cette impression fantôme et rigoureusement subjective qu’est la sensation [mais on en parle tout le temps, ce genre de sottise est habituelle dans ce monde. Je suppose que c’est la soumission qui veut ça], on avouera que je ne saisis jamais que le vert de ce cahier, de ce feuillage et jamais la sensation de vert ni même le « quasi-vert » [Bravo !] que Husserl pose comme la matière hylétique que l’intention anime en vert-objet ; on se déclarera sans peine convaincu de ce que, à supposer que la réduction phénoménologique soit possible [N.B.] – ce qui reste à prouver –, elle nous mettrait en face d’objets mis entre parenthèses, comme purs corrélatifs d’actes positionnels, mais non pas de résidus impressionnels. Mais il n’en demeure pas moins que les sens demeurent. Je vois le vert, je touche ce marbre poli et froid. Un accident peut me priver d’un sens tout entier : je puis perdre la vue, devenir sourd, etc. Qu’est-ce donc qu’un sens qui ne nous donne pas de sensation ?

La réponse est aisée. Constatons d’abord que le sens est partout, et partout insaisissable. Cet encrier, sur la table, m’est donné immédiatement sous la forme d’une chose et pourtant il m’est donné par la vue. Cela signifie que sa présence est présence visible et que j’ai conscience [j’en doute, Sartre devrait dire : « Je sais... » et non pas « j’ai conscience »] qu’il m’est présent comme visible [j’en doute], c’est-à-dire conscience (de) le voir [j’en doute, Sartre devrait dire : « Je sais que je le vois » et non pas j’ai conscience de le voir. Savoir n’est pas voir et voir n’est pas savoir, sinon nos frères animaux seraient tous savants : ils comprennent et se font comprendre, mais ils ne disent pas]. Mais, en même temps que la vue est connaissance de l’encrier, la vue se dérobe à toute connaissance : il n’y a pas connaissance de la vue [Bravo !]. [en même temps que l’apparition de l’encrier est connaissance de l’encrier, l’apparition se dérobe à toute connaissance. La vision n’est pas visible, la perception n’est pas perceptible, l’apparition n’apparaît pas, l’audition est inaudible, le toucher est intangible, etc. Toute apparition est apparition de quelque chose, mais l’apparition en tant qu’apparition est le suprasensible (Das Übersinnliche ist also die Erscheinung als Erscheinung – Hegel, Phénoménologie, « Force et entendement »). Il n’y a pas apparition d’apparition, cependant l’apparition a lieu puisque les choses – les apparaissants, du grec phaïno, participe présent, voix médio-passive – apparaissent. On peut douter de ce qui apparaît, mais, quoique l’apparition n’apparaisse jamais, on ne peut douter de l’apparition, on ne peut douter qu’il y a apparition : comment voulez vous douter de ce qui n’apparaît pas ?] Même la réflexion [sa pensée, tout simplement ; on dit d’ailleurs réfléchir pour penser] ne nous donnera pas cette connaissance. Ma conscience réflexive [qu’es-aco ?] me donnera, en effet, une connaissance de ma conscience réfléchie [qu’es-aco ?] de l’encrier, mais non pas celle d’une activité sensorielle. C’est en ce sens qu’il faut prendre la célèbre formule d’Auguste Comte : « L’œil ne peut pas se voir lui-même. » [De toutes façons, l’œil ne voit pas. Cependant, la vache me regarde ? Meuh !] Il serait admissible, en effet, qu’une autre structure organique, une disposition contingente de notre appareil visuel permette à un troisième œil de voir nos deux yeux pendant qu’ils voient. Ne puis-­je pas voir et toucher ma main pendant qu’elle touche ? Mais je prendrais alors le point de vue de l’autre sur mon sens : je verrais des yeux-objets ; je ne puis voir l’œil voyant [et pour cause : l’œil ne voit pas. Certes, on ne peut voir sans œil – pas tout à fait exact, on peut « voir » avec la peau du ventre et une matrice d’électrodes stimulatrices reliées à une caméra soit électromagnétique soit à ultra sons et vous savez enfin qu’est-ce que ça fait d’être un chauve souris, passons –, mais l’œil ne voit pas], je ne puis toucher la main en tant qu’elle touche [Bravo !] [le toucher est intangible : noli me tangere]. Ainsi, le sens, en tant qu’il est-pour-moi, est un insaisissable : il n’est pas la collection infinie de mes sensations puisque je ne rencontre jamais que des objets du monde [Bravo !]; d’autre part, si je prends sur ma conscience une vue réflexive [je me demande comment il fait ! Cela me semble aussi impossible que la réduction phénoménologique. De ma vie je n’ait jamais connu quoi que ce soit qui ressemblât à une conscience de conscience, ni même à une conscience. Je crois que ce que l’on appelle conscience réfléchie est en fait la saisie d’une pensée dans le monde, pensée qui sera par exemple le sens de l’expression « Je vois l’encrier », c’est tout], je rencontrerai ma conscience de telle ou telle chose-dans-le-monde, non mon sens visuel ou tactile [Bravo !] [et non pas la conscience de telle ou telle chose, mais telle ou telle chose ; la conscience, c’est la même chose que la sensation ou que l’Arlésienne (ou la Lune de M. Leboulanger) : on en parle beaucoup mais on ne la voit jamais. Ce sont les pensées que l’on saisit dans le monde et non les objets sauf si on veut ramasser du bois, alors on les saisit avec la main] ; enfin, si je puis voir ou toucher mes organes sensibles [ça devient cochon !], j’ai la révélation de purs objets dans le monde, non pas d’une activité dévoilante ou constructrice [Bravo !]. Et cependant, le sens est là : il y a la vue, le toucher, l’ouïe [Bravo !] [l’apparition ne paraît pas et pourtant l’apparition est là : il y a apparition].

Mais si, d’autre part, je considère le système des objets vus qui m’apparaissent, je constate qu’ils ne se présentent pas à moi en un ordre quelconque : ils sont orientés [et… classés. Le monde est classé et ce n’est pas moi qui l’ai classé. Il me fallut apprendre ce classement. De même que l’on dit « nulle terre sans seigneur » on peut dire « nulle chose sans classe », nulle chose sans nom commun]. Puisque, donc, le sens ne peut se /355/ définir ni par un acte saisissable ni par une succession d’états vécus, il nous reste à tenter de le définir par ses objets. Si la vue n’est pas la somme des sensations visuelles, ne peut-elle être le système des objets vus ? En ce cas, il faut revenir sur cette idée d’orientation que nous signalions tout à l’heure, et tenter d’en saisir la signification.

Surprise : le Sartre de la page 353 (nrf : 377)  condamne le Sartre de la page 13 (nrf et TEL) où je lis : « Il faut qu’il saisisse le rouge à travers son impression de rouge. », autrement dit : « Il faut qu’il saisisse le rouge à travers sa sensation de rouge. » Tel est pris qui croyait prendre ou chassez le naturel, il revient au galop.

 

 

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M. Ripley s’amuse

Notes 8→ 

 

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