F Négation de l'économie (Jean-Pierre Voyer)

Négation de l’économie


Posted by Jean-Pierre Voyer sur le Debord off on September 08, 2000


Gaston

Ce n’est pas l’existence d’un objet inexistant qui est niée ici, mais la vérité de la proposition « l’économie existe ». Selon Quine, il n’y a donc de ma part aucun engagement ontologique ; il n’y a d’engagement ontologique que du côté de ceux qui affirment que cette proposition est vraie. « Nous n’avons plus à être victimes de l’illusion selon laquelle, dès lors qu’un énoncé contenant un terme singulier est pourvu de signification, cela présuppose une entité nommée par le terme. Un terme singulier n’a pas besoin de nommer pour être signifiant. » Et Bolzano est d’accord aussi puisque selon lui, un terme général, un concept, ne désigne rien mais est une pure signification.

· La chienlit gauchiste du Debord off
· Parlons-en de Wittgenstein  
· Définitions de l’économie 
· Marx a-t-il lui-même employé le terme « économie »  
   au sens funeste d’« economy » ?

· MAJ 12 novembre 2006
● Document

MAJ du 19 octobre 2003

 

Négation de l’économie

« Je vous tromperais si je vous disais que je n’en ai jamais entendu parler,
mais je ne l’ai jamais vue !
 
»

*

*         *

La négation de l’existence de Dieu
est le préalable à la critique
* de la religion.

La négation** de l’existence de l’économie
était le préalable à la critique de l’économie politique
.

« Nous nous engageons dans une ontologie contenant Pégase quand nous disons que Pégase est ; mais nous ne nous engageons pas dans une ontologie contenant Pégase quand nous disons que Pégase n’est pas. Nous n’avons plus à être victime de l’illusion selon laquelle, dès lors qu’un énoncé contenant un terme singulier est pourvu de signification, cela présuppose une entité nommée par le terme. Un terme singulier n’a pas besoin de nommer pour être signifiant. » Willard Quine

 

Notez bien que, contrairement à Marx et tant d’autres, peu m’importe la critique de l’économie politique (c’est pourquoi j’emploie le verbe être au passé). Seule m’importe l’anéantissement de la croyance en l’existence d’une réalité économique (je laisse le soin de l’anéantissement des croyants à l’émir Ben Laden and his followers). Prouver, comme je l’ai fait depuis, que l’économie n’existe pas, c’est prouver que ceux qui en parlent comme d’une chose et non comme d’une classe — c’est le péché d’hypostasie — ne savent pas de quoi ils parlent et donc, en fait, que personne ne sait ce qui a lieu puisque manifestement, bien que l’économie n’ait pas lieu, quelque chose a lieu. Certainement pas une classe mais une totalité concrète. Ainsi donc, parler de l’économie comme d’un objet réel est un acte de désinformation, d’où son utilité évidente et son inflation depuis l’année 1960. Ce n’est même pas un mensonge puisque le désinformateur croit dire la vérité et participe ainsi à ce que M. de Defensa appelle le virtualisme : le propagandiste qui croit à sa propagande. (2007)

* Cependant, cette critique n’eut jamais lieu malgré les apparences (c’est pourquoi j’emploie le verbe être au présent).

** Cependant, cette négation n’eut jamais lieu avant 1976

L’économie est à l’économie politique ce que Dieu est à la religion1. De même que Dieu n’existe pas2 tandis que la religion existe et comporte de nombreux prêtres et dévots, l’économie n’existe pas tandis que l’économie politique existe et comporte de nombreux prêtres et dévots. De même que la religion est ce mensonge qui dit: Dieu existe, l’économie politique est ce mensonge qui dit l’économie existe. De même que l’on ne peut critiquer la religion si l’on n’a pas d’abord nié l’existence de Dieu, on ne peut critiquer l’économie politique si l’on n’a pas d’abord nié que l’économie existe. De même que d’autres nièrent que Dieu existât, je nie que l’économie existe. Ni Marx ni Debord ne le firent bien qu’ils prétendirent critiquer l’économie politique.

Marx était donc dans la situation de quelqu’un qui voudrait critiquer la religion tout en croyant à l’existence de Dieu. Il critiquerait la religion parce qu’il ne la trouverait pas à son goût. Cela s’appelle un réformateur et ce genre de critique, qui peut devenir violemment pratique, se nomme réforme. Comme je l’ai écrit ailleurs, le réformateur Marx a porté l’économie politique à son plus haut point de perfection. Il a rendu le mensonge cohérent et de cette manière il a préparé sa dénonciation, un peu comme Hegel proclamant que Dieu était un résultat, ce qui est quand même une manière de mettre en cause l’existence de Dieu.

Il n’y a donc pas de contradiction à affirmer que bien que Marx ait critiqué l’économie politique durant la majeure partie de sa vie, il ne réussit cependant pas à critiquer l’économie politique car il ne songea pas à nier l’existence de l’économie, prétendu objet de l’économie politique. Il réussit cependant parfaitement à critiquer la religion [je n’écrirais plus cela aujourd’hui après la leçon du Dr Ben Laden], car il montra, à la suite de Feuerbach, que la critique de la religion ne consiste pas à critiquer cette croyance, pas plus qu’à nier l’existence de cette croyance mais consiste à critiquer le monde qui a permis et rendu nécessaire cette croyance. De même la critique de l’économie politique ne consiste pas à critiquer l’économie politique, comme il tenta de le faire, mais à critiquer le monde qui permet et rend nécessaire cette croyance. Ce n’est donc pas seulement l’économie politique que Marx échoua à critiquer mais aussi le monde qui rend possible et nécessaire cette croyance. La prétendue critique de l’économie politique de Marx donna naissance à cette splendeur bien connue que fut le marxisme de même que la critique de la religion par Luther donna naissance à cette splendeur qu’est le puritanisme qui, aujourd’hui, bombarde à haute altitude. Il est donc parfaitement justifié de reprocher à Debord de, non seulement, s’adonner à une resucée de critique de l’économie politique sans même songer un instant (contrairement à Marx qui y songeait encore dans ses écrits de jeunesse, quand il était encore hégélien) à nier l’existence de son prétendu objet, mais encore de prétendre critiquer ce prétendu objet lui-même ce qui donne cette phrase impérissable: "Le spectacle est l’économie qui se développe pour elle-même". De même, l’Amérique, c’est Dieu qui se développe pour lui-même et qui bombarde à haute altitude. In God we trust.

C’est injuste pour Marx de le rapprocher de Debord, car Marx entendait critiquer (entre autres choses évidemment) seulement l’économie politique contrairement à l’homme à la théorie exacte qui prétendait rien moins que critiquer l’économie. Debord a prétendu critiquer Dieu, et ce Titan fut précipité dans l’abîme par sa vanité, car il est vain de vouloir critiquer Dieu, c’est encore lui rendre hommage.

Il ne s’agit pas de nier l’existence de la religion mais celle de Dieu, il ne s’agit pas de nier l’existence de l’économie politique et de ses dévots mais celle de l’économie. Il ne s’agit pas non plus de critiquer Dieu ou l’économie. Il ne s’agit pas plus de vouloir les détruire (détruire quelque chose qui n’existe pas — ce qui est impossible et ridicule) mais seulement de vouloir détruire la croyance à leur existence ce qui est non seulement plus modeste mais surtout possible. Il ne s’agit pas ici de nier l’existence d’une croyance, mais de nier le prétendu objet de cette croyance. Il ne s’agit pas non plus de critiquer le prétendu objet de cette croyance mais de critiquer cette croyance elle-même, c’est à dire, comme le voulait Marx, de montrer comment le monde rend possible et nécessaire cette croyance.

Evidemment, Hitler, Goebbels, Himmler voulaient aussi nier l’existence des Juifs, mais pour ce faire, il leur fallait les gazer jusqu’au dernier car les Juifs existent, eux, contrairement à Dieu ou à l’économie. Les juifs ne sont pas seulement l’objet d’une croyance même s’ils le sont aussi puisqu’ils sont l’objet de l’antisémitisme qui est une croyance.

Enfin, si économie politique, antisémitisme et religion sont tous trois des croyances, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous trois des religions. Il existe de nombreux modes de croyances. La religion n’est que l’un d’eux.

Je pensais évidemment en 1978 que l’économie politique existe et je le pense toujours. Mais je pensais déjà en 1978 que l’économie n’existait pas et je le pense toujours. De même, l’emploi du terme "économie" page 118 de mon Rapport sur l’état des illusions ne laisse aucun doute possible : je n’ai jamais écrit que l’économie au sens de "réalité économique" pouvait être une religion, mais peuvent l’être la croyance massivement répandue en son existence et, à la rigueur, la théorie économique, à titre purement métaphorique. Dieu n’est pas une religion. Contrairement à l’usage anglo-saxon, l’usage en français est d’employer le même mot pour économie politique et pour économie, le contexte faisant le sens (en français, en effet, il y a « économie ET économie » comme le remarquait Marcel Weber sur le Debord off (1) ). Cet usage est fâcheux, c’est vrai, mais cela n’empêche pas de comprendre ceux qui veulent comprendre tel cet anonyme (message non signé) qui le prouve en écrivant le 17 juin sur le Debord off :

"

« Je ne trouve aucune contradiction (note 2)
1. Voyer soutient que l’économie n’existe pas. C’est son droit absolu.
2. Marx n’a pas critiqué l’économie politique malgré son effort. C’est une autre question
Aucune liaison directe entre les deux termes. »

Quant aux autres, il n’est pire malentendant que celui qui ne veut pas entendre.(note 1) Donc toute discussion avec ce genre de sourd est totalement inutile. [J’ai bien dit discussion et non commentaire] On y perdrait son temps que l’on peut employer de plus agréable manière. Dieu nous préserve des mal-comprenants.

J-P Voyer

1. Avec cependant deux petites différences : tandis que la divinité des chrétiens possède trois hypostases, le père, le fils et le saint-esprit ; la classe de faits « économie » ne possède qu’une seule hypostase : « la réalité économique ». Ensuite, alors que, foi de mécréant, ni la divinité, ni ses trois hypostases n’existent, la classe de faits « économie » existe tandis que son hypostase « réalité économique » n’existe pas. La classe de fait « économie » existe au même titre que le nombre trois qui est une classe de classes équinumériques si j’en crois Frege. La réalité économique n’existe pas du tout. C’est aussi simple que cela. (29 juillet 2006)

2. C’est un point de vue personnel, évidemment, c’est celui, notamment, de tous ceux qui ont prétendu avoir critiqué la religion sans y parvenir. Ils ont confondu critique et éradication. Le parallèle n’en demeure pas moins excellent : on ne peut croire en Dieu… seul ; c’est une affaire collective. De même on ne peut croire en l’économie seul. C’est aussi une affaire collective, avec cette différence cependant que, dans le cas de l’économie, on connaît son inventeur avec précision grâce aux travaux du surintendant Fourquet.  On connaît le père du nouveau dieu : c’est le crétin Say ! Funny, non ? D’ailleurs l’heureux père prit soin d’écrire lui-même un catéchisme dont je vous offre un échantillon. Il n’a pas inventé ça tout seul évidemment, c’est aussi une affaire collective. Je gage que la compréhension de cette invention sera plus facile que la compréhension de l’invention de Dieu puisque ce nouveau dieu là est fils de l’homme (l’Autre aussi, me direz-vous, mais c’est une autre histoire). Le messie des religions monothéistes n’est autre que ceux qui comprendraient la religion, ceux qui comprendraient ce qui est formulé, collectivement, par la religion. C’est le fait que la croyance en Dieu est une affaire collective qui entraîne que les religions soient intolérantes : ce qui se manifeste alors n’est autre que la coercition chère à Durkheim.

 

 


Dernières nouvelles de la chienlit gauchiste


De hautains proférateurs de platitudes gauchistes (exemple :"Entre un monde où les pouvoirs matériels se multiplient sans emploi et la nostalgie du travail sous ses formes anciennes, le projet révolutionnaire n’a pas à choisir ; il vise à la suppression et au dépassement des deux. Une libération matérielle envisagée dans le cadre d’une libération de l’histoire humaine est toujours ce qui reste à conquérir." — c’est beau comme du Debord —) s’y sont mis à quatre (Caboret, Dumontier, Garrone et Labarrière) pour émettre ce jugement : "Nous n’énumérons pas les multiples théories abracadabrantes qui prétendent qu’il suffit de nier la dimension économique pour abolir la domination de l’économie marchande. Le plus délirant dans le genre fut sans doute le pro-situ Voyer."

Voilà ce que ces scrupuleux lecteurs prétendent que je prétends. Chacun pourra facilement comparer cette lecture et cette citation avec l’original qui figure ci-dessus. La chienlit gauchiste ne sévit pas que sur le Debord off. On reconnaîtra ici sa manière caractéristique (délirante ?) de lire et de citer telle qu’on peut la constater également au Monde chez le gauchiste arrivé Edwy Benêt prétendant citer Renaud Camus (que de prétentions). Voilà des salopards pris la main dans le sac, non pas sur d’absconses considérations hautement théoriques, mais sur une question trivialement pratique : lire soigneusement un texte et le transcrire non moins soigneusement. Avant de prétendre insulter quelqu’un, il faut au minimum lire son texte sept fois et, avant de le fusiller, sept fois sept fois, comme fait Poutine. En traduisant "Il est nécessaire de nier l’existence de l’économie pour critiquer effectivement l’économie politique" par "Il est suffisant de nier l’existence de l’économie pour abolir la domination marchande" ces farceurs apportent la preuve de leur malhonnêteté et de leur sottise, malhonnêteté et sottise n’étant pas contradictoires. Sournois imbéciles, calomniateurs, téléologues, prétentieux crétins pas même capables de déchiffrer un texte ne fut-ce que littéralement.

Comment pourrais-je prétendre mettre fin à quelque chose dont je nie l’existence ? Petits merdeux.

 


La chienlit gauchiste du Debord off


Une démonstration de Spinoza

Note 1. Ainsi, malgré l’explicitation des deux sens d’économie en français, notamment en recourant aux expressions anglaises economics et economy, le pseudo Spinoza continua imperturbablement à confondre économie politique et économie**. Il faut dire que ce sournois imbécile est particulièrement imbécile (et non moins sournois), il fut incapable de comprendre, après publication du présent texte, cette phrase qui lui était spécialement destinée : "Enfin, si économie politique, antisémitisme et religion sont tous trois des croyances, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous trois des religions.". Il y voyait une contradiction. (C’est sa manie !) Voilà donc le genre d’imbéciles qui lisent Debord. Comme on voit, cette lecture ne les rends pas moins imbéciles.

**. Une démonstration de Spinoza.
Il est vrai que cela ressemble aux démonstrations de l’Ethique, hélas !
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Je persiste et je signe !

Posted by Spinoza sur le Debord off on January 30, 2001
In Reply to:
Un torrent de sottises posted by Voyer on January 30, 2001

"Il faudrait être un imbécile pour réfuter quelque chose qui n’existe pas. Je nie l’existence d’economy. De quelque chose qui n’existe pas, on ne peut que nier son existence (ou l’affirmer). On ne peut que nier l’existence de Dieu, on ne peut le critiquer ou le réfuter. Mais on peut parfaitement critiquer et réfuter la croyance en son existence, croyance qui existe bien, elle. Et l’on peut critiquer et réfuter le mensonge ou la croyance [c’est-à-dire les economics (remarque de pseudo Spinoza)] qui consistent à prétendre que l’économie (economy) existe." (J.-P Voyer, Un torrent de sottises)

M. Voyer est nominaliste sans le savoir. L’universel economy n’existe pas, seuls existent les singuliers economics. De même, le concept de rose n’existe pas (le concept de rose ne pique pas), seules existent les roses particulières. A la lumière de cette distinction, la phrase suivante :

"Le principal tort de Marx est justement d’avoir critiqué l’économie [economics], comme si celle-ci était quelque chose de critiquable. Car l’économie [economics] est un pur mensonge. On ne critique pas un mensonge. On le réfute. Marx n’a jamais réfuté l’économie [economics]." (J.-P. Voyer à G. Lebovici, 30 août 1978)

devient :

le principal tort de Marx est justement d’avoir critiqué les roses, comme si celles-ci étaient quelque chose de critiquable. Car les roses sont un pur mensonge. On ne critique pas un mensonge. On le réfute. Marx n’a jamais réfuté les roses."

Absurde, n’est-ce pas ? M. Voyer se trompe quand il déduit de l’inexistence d’economy l’existence d’un mensonge, economics. On peut parfaitement croire qu’economy n’existe pas et considérer qu’economics ne sont pas un mensonge. En effet si la rose (en tant que concept) n’existe pas, les roses, elles, ne mentent pas.

Voilà ce que je veux dire : l’economy est un concept dont les economics sont les individus.

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Absurde, n’est-ce pas ? Je suis quelqu’un qui se trompe toujours. De même que la proposition G dit, paraît-il "je suis indémontrable" mais ne le sait pas, le pseudo Spinoza dit "je suis un imbécile" mais il ne le sait pas. Ce digne lecteur de Debord confond economics qui, en anglais, signifie économie politique avec des singuliers, des economions qui seraient à l’économie ce que les gravitons seraient à la gravitation s’ils existaient ! Il vient de découvrir la particule élémentaire du champ économique ! C’est Bourdieu et Houellebecq qui vont être contents. Il persiste donc dans sa sottise et la signe. Etonnant, non ? C’est le contraire qui eut été étonnant. Voilà ce que c’est, le debordisme : un debordiste ne se corrige jamais. Debord et Lebovici ont toujours eu d’étonnants défenseurs. C’est la Sainte Famille ! Misère du réductionnisme. Kapo, gardien de camp de construction de situations (lisez la correspondance "unaire" de Debord. Ce connard voulait sérieusement construire des camps de construction de situations en Angleterre.) ! Bien que tout me sépare du professeur Bruno Latour, je comprends très bien ce qu’il veut dire par "La technique n’existe pas, il s’agit d’hétérogénéités." Il est fort possible que je le comprenne mieux que lui-même. La querelle des universaux n’est pas terminée, loin de là.


Une prétendue contradiction

Note 2. Cet anonyme répondait ainsi de manière parfaitement adéquate au sournois imbécile qui signait FC, FD, F., Manuel Venator, Spinoza ou Occam (et même de mon propre nom, d’où le qualificatif de sournois imbécile, il faut être une ordure pour poster sous le nom de quelqu’un, qui plus est des saloperies, évidemment — rien à voir avec la délicatesse de Poincaré qui publie sa transformation sous le nom de Lorentz.)** sur le Debord off et qui prétendait (du moins son émanation, le pseudo Spinoza) relever une contradiction quand j’affirmais d’une part que l’économie n’existait pas et d’autre part que Marx n’a pas critiqué l’économie. Le même pseudo Spinoza prétendait relever une autre contradiction quand j’affirmais d’une part que Marx n’a jamais critiqué l’économie politique (lettre du 7 juin 1978) et d’autre part que le tort de Marx est justement d’avoir critiqué l’économie politique au lieu de la réfuter (lettre du 30 août 1978). Le tort de Marx est justement d’avoir passé sa vie à critiquer l’économie politique sans pouvoir parvenir à l’anéantir. Au contraire, il lui a donné une popularité à laquelle elle ne serait jamais parvenue si elle était demeurée une science de cabinet objet des seuls spécialistes ou de quelques profanes et dilettantes (cf amusante remarque de Weber), ce qui a donné exactement le contraire de ce qu’il souhaitait. Et la raison pour laquelle il n’a pas pu est que, tant qu’il essayait de critiquer l’économie politique sans remettre en cause ses présupposés, il améliorait ce qu’il prétendait combattre. Bien que Marx ait critiqué l’économie politique puisqu’il a passé sa vie à la critiquer, il n’a cependant pas critiqué l’économie politique car la critique radicale de l’économie politique doit conduire, si elle est radicale, à sa racine et sa racine est l’inexistence de son prétendu objet. Est-ce assez clair ? Marx n’a-t-il pas prétendu effectuer une critique radicale, oui ou merde ? Comme je l’affirmais dans ma lettre du 30 août, il ne s’agissait pas de critiquer l’économie politique, de l’améliorer donc, mais de la réfuter, c’est à dire de la disqualifier. Et la réfuter nécessite de nier d’abord l’existence de son prétendu objet, de nier d’abord l’existence de l’économie, c’est à dire de démasquer l’économie politique comme pur mensonge, mensonge fondamental (c’est à dire mensonge sur les fondements), et non comme mensonge sur des points de détail. On ne critique pas un mensonge, on le réfute. La critique suppose qu’il y a quand même du vrai dans ce qu’on critique. Seule la police et les services secrets critiquent, dans le secret de leurs bureaux (je parle de source sure), la technique des mensonges afin de pouvoir en faire de meilleurs et seuls les réformateurs critiquent les religions afin d’en faire de meilleures, non sans oublier d’aider à massacrer quelques hordes de paysans révoltés au passage, prémonition de ce qui se passe aujourd’hui à l’échelle mondiale.

**. Un paquet d’ondes. Renseignements pris, il semble que le sournois imbécile soit la superposition de deux entités distinctes le sournois imbécile FC, F., Venator, Spinoza, Occam et le stupéfiant imbécile FD, une partie des messages émanant de Paris, l’autre de Toulouse. J’examinerai les choses philologiquement et typographiquement plus tard, si j’en ai le temps. Mais je continuerai à les traiter comme une seule entité. S’ils ne veulent pas être confondus dans leur imbécillité (il est légitime de les confondre puisqu’ils commettent les mêmes fautes de raisonnement) qu’ils signent de leur nom et qu’ils s’y tiennent.

Un tissus de sottises. Enfin, alors que je n’ai écrit le présent texte (Négation de l’économie) que pour clarifier le monceau de sottises que le pseudo Spinoza a proféré sur le Debord off et dont je vous fait grâce, le pseudo Occam prétendit ensuite que je n’avais d’arguments, pour étayer ma thèse comme quoi l’économie n’existe pas, qu’une vague analogie qui prétend que l’économie est à l’économie politique ce que Dieu est à la religion. Or je n’ai développé cette analogie que pour clarifier les confusions que le pseudo Spinoza commettait inlassablement entre économie et économie politique, croyance et objet de croyance etc. Ce pseudo Occam prétendit également que j’utilisais, pour prouver l’inexistence de l’économie, l’argument qu’on ne peut constater nulle part l’économie, alors que j’utilise cet argument, dans Un Tissus de sottises, uniquement pour différencier ce que devait nier Galilée et ce que je dois nier. Galilée devait nier un fait avéré (++), aisément constatable, encore constatable aujourd’hui (donc vérifiable), tandis que ce que je dois nier n’est aucun fait avéré (donc invérifiable), ce qui est une tâche herculéenne, comparable à celle qui consista, au péril de la vie, à nier Dieu qui n’est aucun fait avéré. (Ah ! malheureux chevalier de la Barre, martyr, non de l’athéisme, mais de l’honneur aristocratique que jamais aucun Bourdieu n’expliquera. Il préféra subir le supplice de la roue plutôt que de se justifier. C’était un homme qui ne se justifiait jamais, comme on en voit tant dans les films et les écrits de Debord. Ce n’est pas lui qui aurait accepté un chèque de Gallimard après l’avoir grossièrement insulté. A moi, comte, deux mots. A deux pas d’ici, me signez-vous un chèque ? — à la fin de l’envoi, je touche. Ah ! étonnant Hegel, ce n’est pas l’honneur du héros (el Cid) mais l’âme vile du courtisan qui établit le souverain dans son universalité. Pauvre Saint-Simon.) Loin de moi l’idée que la non constatation d’un fait puisse être une preuve ou un argument en faveur de sa non existence. C’est l’usage qui a fait Dieu. Ce n’est pas Dieu qui a fait l’usage. C’est l’usage qui a défait Dieu (remarque en passant). Au commencement était l’usage.

++. C’est même la contradiction apparente entre ce fait avéré de l’immobilité de la terre, fait toujours avéré de nos jours, et la conception héliocentrique de Copernic où la terre est en mouvement, qui permit sans doute à Galilée d’inventer la relativité du mouvement. Ce n’est pas seulement la preuve du mouvement de la terre que Galilée apporte, comme dit le crétin, mais la théorie qui permet de répondre à la fois du mouvement de la terre et de l’immobilité de la terre.

Payez-vous sur la bête. La peste soit des mal-comprenants. Il faut se payer sur la bête. N’hésitez pas. Un imbécile peut toujours servir à quelque chose, notamment, tel un tableau noir, à préciser inlassablement votre pensée comme je le fis déjà, il y a des lustres, sur le dos de l’imbécile Lebovici. Je dois également à l’une des émanations, qui me servit en quelque sorte de répétiteur, de m’être sérieusement documenté sur ce fameux théorème de Gödel puisque je me suis procuré deux traductions du document original et que j’ai consulté de nombreux documents à ce sujet. On ne peut répondre à l’absurdité par des absurdités, il faut se documenter. J’ai pu constater ainsi que Gödel avait montré, grâce à sa célèbre proposition auto référentielle, que si tous les théorèmes de l’arithmétique sont des propositions vraies, toutes les propositions vraies de l’arithmétique ne sont pas des théorèmes et cela pour la simple raison que la vérité arithmétique ne peut être exprimée dans l’arithmétique. Il s’ensuit qu’une machine n’utilisant que les axiomes et les règles d’inférence d’une arithmétique formalisée ne peut écrire toutes les propositions vraies de cette arithmétique, elle ne peut écrire que les théorèmes, c’est à dire les propositions calculables. Pour ma part, j’ai découvert que le phénomène en tant que phénomène n’étant pas une chose, ou pour parler comme Hegel, qui d’ailleurs ne l’entend pas du tout en ce sens, dans Force et entendement (Phénoménologie) : "le suprasensible est le phénomène en tant que phénomène", et si seules les choses sont observables, et si les phénomènes sont toute l’observation possible, le phénomène en tant que phénomène n’est pas observable. C’est une limite à la faculté d’observation. L’observation n’est pas observable. Contrairement à la célèbre proposition de Gödel, l’observation n’est pas auto référentielle, quoi qu’en pense Hegel avec sa conscience de soi : soi est un autre, soi est un objet comme un autre. Cela met fin aux prétendues représentations qui sont censées êtres "à l’intérieur". L’intérieur est le phénomène comme phénomène. (bien que Hegel écrive textuellement cette phrase, il entend intérieur au sens d’intérieur des choses, fond des choses, ce qui n’est pas mon cas) Les représentations des choses ne sauraient être "à l’intérieur" parce qu’il n’y a pas de représentations des choses, exception faite pour les croquis, dessins, schéma, peintures, pensées, concepts etc... mais c’est une autre question (cela fait beaucoup de prétendues choses qui n’existent pas tout ça. La philosophie a du pain sur la planche). L’intérieur, c’est le phénomène en tant que phénomène. Est-ce assez clair ? Il y a donc dans le monde quelque chose qui est inobservable par nature. Et cette "chose" est l’observation elle-même qui n’est donc pas une chose puisque les choses sont parfaitement observables : si l’observation était observable, elle serait elle-même une chose. C’est aussi simple que cela. Autrement dit, le monde est plein d’observations inobservables qui constituent donc des trous dans l’observation, des puits d’apparence, et bien que nous ne puissions observer ces trous nous avons quand même une connaissance de leur existence. C’est la fameuse expérience du trou de la serrure de Sartre (le narrateur est surpris en train de regarder par le trou de la serrure). Si pour Sartre, la nausée est le phénomène d’être, la honte, pour sa part, manifeste l’existence de ces trous d’observation inobservables, de ces puits d’apparence ; elle détecte un effet de puits d’apparence. Si j’ai le temps, je montrerai la bêtise de Nabokov quand il veut juger du point de vue de la philosophie le roman La Nausée de Sartre. Nabokov nous révèle que Sartre est un piètre artiste. Quelle surprise ! Mais Nabokov prétend que le thème principal du roman est que Roquentin découvre qu’il existe. Quelle stupidité. Vieux saligaud, touche pas à mon pote. Moi aussi j’ai fréquenté la bibliothèque de Bouville. Nous sommes frères de bibliothèque. Effectivement si Musil avait écrit la Nausée, peut-être Nabokov aurait-il compris de quoi il retournait. Mais Musil n’a pas écrit la Nausée. Contrairement à la proposition G de Gödel, l’observation n’est pas auto référentielle et ne peut l’être. Quand vous dites "J’ai mal aux dents", vous parlez d’un autre à un autre. C’est la moindre des choses, il faut se faire autre pour parler à un autre. Quand le médecin demanda à Sartre qui souffrait de coliques néphrétiques "Souffrez-vous ?", Sartre répondit, "Non, pas vraiment". Sartre fut un philosophe dans tous les sens du terme (stoïcien). Quand j’avais quinze ans, je lus un passage de Leibniz que je n’ai jamais réussi à retrouver depuis (en fait le paragraphe 17 de la Monadologie*) et qui m’impressionna fortement : Supposez, disait-il, que vous agrandissiez la tête d’un homme à la taille d’un moulin. Vous pourriez ainsi y pénétrer et y observer tous les rouages. Mais vous ne pourrez jamais y observer la perception. Ce fut sans doute une des premières expériences de pensée, ce que n’était pas l’allégorie de la caverne. Il disait cela dans sa problématique de l’harmonie préétablie et de l’impossibilité de rapport entre l’âme et le corps. C’est à rapprocher de ce que dit W., pour autant que je m’en souvienne : la pensée (ou la douleur, je ne sais plus) n’est pas située dans la tête. En a-t-on assez vu de ces schémas avec la coupe d’un œil et l’image renversée d’une bougie et qui prétendaient faire voir la vision. Misère du réductionnisme. La vision n’est pas visible. Plus tard, j’ai rencontré l’inverse du moulin de Leibniz dans un stupide film américain (de Fleischer, avec Raquel Welch). Des savants, grâce à la réduction de leur taille, pouvaient circuler dans un corps humain à bord d’un engin lilliputien. Et quand ils arrivaient dans le cerveau, que se passait-il ? Ils voyaient des lueurs scintillantes qui surgissaient furtivement dans la pénombre (il fait sombre dans le cerveau !) C’était les pensées ! C’était l’âme ! Misère du réductionnisme. Après cela, étonnez-vous que ces gens bombardent à haute altitude à l’aide d’engins brobding-naguesques (gigantesques) et furtifs. Notez que je suis grosboutien intraitable. Et vous ?

*. Obligeamment signalé par Clark G : "17. On est obligé d’ailleurs de confesser que la Perception et ce qui en dépend, est inexplicable par des raisons mécaniques, c’est à dire, par les figures et par les mouvements. Et feignant qu’il y ait une machine, dont la structure fasse penser, sentir, avoir perception ; on pourra la concevoir agrandie en conservant les mêmes proportions, en sorte qu’on puisse y entrer, comme dans un moulin. Et cela posé, on ne trouvera en la visitant au dedans, que des pièces, qui poussent les unes les autres, et jamais de quoi expliquer une perception..." Le réductionnisme n’est autre que la réduction de ce qui est — et qui demeure inconnu, simple objet de conjectures — à un mécanisme.


Wittgenstein parlons en !


15 juin 2001 

A mon grand étonnement, je découvre que je partage le point de vue de Wittgenstein : le rôle de la philosophie n’est pas de dire ce qui est ou ce qui devrait être mais de dire ce qui n’est pas. Et ce n’est pas facile. (Ontologie négative, comme il y eut une théologie négative. "Philosopher, c’est d’abord lutter contre la fascination qu’exercent sur nous certaines formes d’expression." C’est exactement cela, notamment l’expression "économie" ou l’expression "spectacle" dans leurs divers emplois. Cependant Wittgenstein prétend vouloir dire, il me semble, ce que l’on peut penser. C’est encore trop. Il demeure ainsi une victime du réductionnisme. Il suffit de dire ce que l’on ne peut pas penser(*) et de laisser faire les choses. Elles se débrouillent très bien toutes seules sans demander l’avis de personne. Le jugement du monde est ce qui arrive, n’est-ce pas ? Montrer ce que l’on ne peut penser peut cependant aider les choses, modestement.) Faire de grandes déclarations sur le renversement du capitalisme bla bla bla, c’est ridicule et abject (salopards qui se payaient de mots et qui aujourd’hui font de grandes déclarations sur le mal dans le monde.) Montrer que certaines absurdités massivement proférées sont des absurdités, c’est possible et rien ni personne ne peut vous empêcher d’y travailler. Nombreux sont ceux qui ont essayé de m’en empêcher, mais il n’ont pas réussi.

*. "L’économie existe" est dénué de sens. Par exemple, on ne peut penser que "L’économie existe". Montrer que lorsqu’on a dit cela on n’a rien dit, que c’est dénué de sens. Le pseudo Occam soutenait, en prétendant s’appuyer sur l’inévitable W., que la proposition "L’économie n’existe pas" ne peut être vérifiée et donc qu’elle n’a pas de sens (c’est le contraire évidemment, c’est seulement si elle n’a pas de sens qu’elle ne peut être vérifiée, mais passons). Mais il ne voyait pas que dans ce cas, la proposition contraire "L’économie existe" n’a pas de sens non plus. C’est ce qui s’appelle vulgairement se tirer dans le pied : La négation d’une proposition dénuée de sens est une proposition dénuée de sens. (C’est le sournois imbécile FC lui-même qui m’a obligeamment fourni cette ironique réplique du logicien Jordan. C’est d’ailleurs sur ce principe que Wittgenstein s’appuie pour montrer que l’ expression "Je sais que j’ai mal au dents" est un non sens étant donné que la négation de cette expression qui est "Je ne sais pas que j’ai mal aux dents" est un pur non sens.) Et la négation de la proposition "L’économie n’existe pas" est la proposition "L’économie existe". Donc, si la proposition "L’économie n’existe pas" n’a pas de sens, la proposition "L’économie existe" n’a pas de sens non plus. De même, si la proposition "Dieu existe" n’a pas de sens, la proposition "Dieu n’existe pas" n’en a pas non plus. Si Wittgenstein disait que la proposition "l’économie n’existe pas" n’a pas de sens pour la raison qu’elle est une proposition philosophique ou métaphysique et que seules les propositions des sciences de la nature ont un sens, la proposition contraire "L’économie existe" est tout autant philosophique ou métaphysique et on doit donc lui appliquer la même règle. La proposition "L’économie existe" n’est pas une proposition des sciences de la nature. A ma connaissance, elle n’a jamais été vérifiée ni prouvée. Donc, selon le critère choisi chez Wittgenstein par le sournois imbécile lui-même, elle n’a pas de sens. La traduction Grangier donne "lui démontrer toujours qu’il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes." En ce sens j’aurai dû simplement faire remarquer que le terme "économie" n’étant pas défini1, il n’avait aucune signification dans la proposition "L’économie existe" et que de ce fait cette proposition était, selon Wittgenstein, un non sens et la démonstration consiste simplement à réclamer la définition du terme. (Je l’ai fait aussi d’ailleurs et j’attends toujours la réponse du crétin.) Donc, le pseudo Occam est très mal venu de me sommer de prouver son contraire ce que j’espère bien faire de toute façon mais sous une forme affirmative. Il suffit de montrer que quelque chose existe déjà et que ça suffit comme ça. Il n’y a pas de place pour deux califes. Pseudo Occam se contente de postuler, sournoisement et confusément, à son habitude, l’existence de l’économie exactement comme moi je postule, brutalement mais clairement, à mon habitude, l’inexistence de l’économie. Le chat Wittgenstein Raminagrobis met d’accord la belette et le petit lapin. Tandis que la proposition "les canards ont quatre pattes" est très facilement vérifiable : elle est fausse, sauf dans certains cas où naissent des canards à quatre pattes, ce qui arrive de temps en temps. Cependant la proposition "Les canards ont quatre pattes" a un sens parfaitement défini, ce qui précisément permet de la vérifier. Ainsi, tandis que la proposition "Les canards ont quatre pattes", bien que fausse, a cependant un sens parfaitement défini, la proposition "L’économie existe" n’a même pas de sens, puisque le sujet "économie" n’est pas défini, contrairement à "canard", "quatre" et "pattes". (Au même titre que ce syllogisme, correctement formé selon les règles de la logique : Si tous les boojums sont des snarks et si tous les snarks sont des eggelumphs, alors tous les boojums sont des eggelumphs. Vrai ou faux ? On ne saura jamais si les boojums sont des snarks. Merci M. Putnam. Ce jugement est correct mais il n’est pas un jugement ! C’est seulement l’art "de parler sans jugement des choses qu’on ne connaît pas" René D.) Elle n’est ni fausse ni vraie mais seulement insensée puisque le sujet est indéterminé. N’ayant pas de sens, il est impossible de décider si elle est vraie ou fausse. C’est pourquoi il est si difficile de réfuter cette proposition insensée. C’est donc l’affirmation, la proposition affirmative "l’économie existe" qui est insensée, d’abord parce qu’elle existe la première dans le temps (ce n’est pas moi qui ait commencé) et que sa négation a au moins un sens : elle affirme le manque de sens de l’affirmation. Elle met au défit cette affirmation de donner son sens. On peut très bien penser ce qui n’existe pas, et même le représenter d’une manière éclatante comme ce fut le cas pour la licorne ou Lucien Leuwen (je parie que les boojums ont déjà été représentés, peut être sous l’aspect de Lara Microsoft). Mais on ne peut ni penser ni représenter ce qui n’est pas défini, comme l’économie. Certes, les économistes prétendent fournir des modèles de l’économie mais la carte n’est ni le territoire ni la preuve du territoire. D’aucuns établirent la carte de Tendre et cependant le Tendre n’existe pas plus que la Licorne. J’ai passé une partie de mon enfance à dessiner des cartes de pays imaginaires et mes cartes étaient valides selon les critère de la topographie (c’est d’ailleurs ce qui m’intéressait dans ce jeu) mais elle n’en étaient pas moins des cartes d’aucun territoire. Swift établit des cartes pour les voyages de son héros. En mathématique on procède à l’inverse, on établit un système d’axiomes et de règles puis on cherche à en établir un modèle afin de pouvoir vérifier la consistance du système. L’idée d’abord, le modèle (une réalisation) ensuite. En fait la proposition "L’économie existe" a un sens. Elle affirme qu’il existe une chose qui a pour nom "économie". Et sa négation a un sens, elle affirme qu’il n’existe aucune chose qui a pour nom "économie". L’ennui c’est que personne ne sait quelle est cette chose. On est donc dans une situation comparable à celle dans laquelle personne ne savait ce qu’était un nombre alors que tout le monde savait se servir des chiffres. Une chose est ce qui a un nom. Ce qui n’a pas de nom n’est aucune chose. Mais tous les noms ne désignent pas une chose. Il est bien connu que les plus gros et effrontés mensonges sont ceux qui passent le mieux, d’autant mieux qu’ils sont plus sournois. L’idéologie de l’économie est de ce type de mensonge sournois qui évite soigneusement de se proclamer, ce que le matador Marcel Weber nomme leur habit d’évidence**. C’est le type même du mensonge spectaculaire. Il est assez amusant que le théoricien du “spectacle”, le grand dénonciateur d’illusions, l’homme à la théorie exacte et qui ne se corrige jamais, ait gobé, sans l’ombre d’une hésitation, toutes ces sottises débitées à longueur de journée par les journaux, la télévision la radio et les livres (y compris ceux de Max Weber puisque, me semble-t-il, pour lui “économie” ne posait pas de problème, n’était ni un idealtype, ni un tableau, ni un modèle, mais une chose) et qu’il y fasse référence plus de deux cent fois dans un livre de moins de deux cent pages (115 fois économie, économique, 25 fois matériel, base matérielle etc., 96 fois production, forces productives, moyens de production etc., 42 fois consommation). Comme le dit très bien Marcel Weber, l’économie n’est qu’une représentation (et qui plus est une représentation sournoise qui ne paraît jamais, c’est à dire une pure idée, comme le spectacle de Debord ou Dieu) et le grand pourfendeur de représentation n’y a vu que du feu. Pourtant, je croyais que tout ce qui était directement vécu s’était éloigné dans une représentation.

Je me trompais en septembre 2000
quand j’affirmais que le terme « économie » n’était pas défini

1. A l’époque je n’avais pas seulement eu l’idée d’ouvrir les dictionnaires — tant ce terme était pour moi privé de sens ! J’ai dû ouvrir le dictionnaire peu avant que je n’ouvre par hasard l’Abrégé d’histoire des mathématiques, car, si je n’avais pas connu la définition de l’économie comme un ensemble, le passage de Cantor n’aurait eu aucun intérêt pour moi. La preuve, c’est que  j’avais déjà lu cette page puisqu’elle était cornée et que cela n’avait rien provoqué en moi. La définition de l’économie par le dictionnaire figure dans la version du 2 février 2001 de Critique de la raison impure — où, cependant, le terme « économie » au sens de réalité économique est parfaitement défini (depuis 1960 seulement, notez bien : il n’est pas défini dans le Littré, ni dans le Larousse en six volumes de 1928, ni dans le Larousse en deux volumes de 1948, ni dans le Webster de 1913, ni dans celui de 1928, ni dans le Dictionnaire de l’Académie française de 1935 ; mais il apparaît dans le Petit Larousse de 1958), sauf dans celui de M. Alain Rey où le terme économie au sens de réalité économique n’existe pas. J’attendis le mois de février 2001 pour le faire et je pus constater que non seulement ce terme était parfaitement défini mais, en 2003, que sa définition fournissait la démonstration de l’inexistence de la prétendue réalité postulée : la réalité économique y est définie comme l’ensemble des faits bla bla bla… richesse… bla bla bla… etc. Or, selon Frege (1890 circa), un ensemble ne consiste pas dans les objets qui tombent sous le concept de compréhension, mais consiste dans le concept lui-même, et selon M. Descombes, dans un article de 1992, l’ensemble des arbres d’une forêt n’est pas une partie de la forêt (c’est une conséquence de la proposition de Frege) [ Frege l’avait déjà signalé et je l’avais oublié bien qu’ayant fait une note dans mon journal en 2004 : « Pour ce qui est de l’extension de concept, sa consistance (Bestand) réside précisément dans le concept, non dans les objets qui lui appartiennent ; ceux ci ne sont pas ses parties. » (mai 2007) ]. Voilà, c’est tout. L’affaire est dans le sac : si l’économie est comme l’ensemble des arbres d’une forêt, elle ne peut pas être aussi comme une forêt ou une partie de la forêt. L’ensemble des arbres d’une forêt n’est pas une forêt et une forêt n’est pas un ensemble d’arbres (si cela ne vous plait pas, vous vous adressez directement à MM. Frege et Descombes et si cela ne vous plaît pas encore, vous vous adressez directement au Hezbollah. Tout cela sera jugé). Donc, je répète, ou bien l’économie — la réalité économique — est comme un ensemble d’arbres, ou bien elle est comme une forêt, mais elle ne peut être les deux ; foi de Normand, on ne peut avoir le beurre et la tour du beurre. Le dictionnaire affirme qu’elle est comme un ensemble d’arbres. Si l’on veut à toutes fins prétendre qu’elle est comme une forêt, il faudra donc changer la définition des dictionnaires afin qu’elle soit comme la définition d’une forêt : vaste étendue de terrain peuplée d’arbres (Robert) qui est la définition d’un objet réel, c’est-à-dire d’une chose. La forêt est un objet réel, elle, les arbres de la forêt considérés individuellement sont des objets réels, eux, l’économie non, elle est une classe de faits, classe qui est cependant un objet, mais au même titre que le nombre trois, ensemble d’ensembles équinumériques selon Frege. Jamais un ensemble de faits ne constitua une institution. La réalité économique n’est aucune institution. Il n’y a pas de réalité économique. Il n’y a pas de vie économique (seulement des vies de con ; ça ! y en a des vies de con). Les faits dits économiques existent, la réalité économique n’existe pas. Étonnant ! non ? Si vous voulez savoir comment et pourquoi une telle chose est possible, lisez le livre excellent que lui a consacré le surintendant Fourquet (Richesse et puissance, La Découverte, 1989, 2002. Initialement, en l’an 1000, riche signifiait puissant. Les théoriciens des commerçants émancipés n’eurent de cesse de faire disparaître la puissance, telle qu’on peut l’admirer aujourd’hui au Liban, pour atteindre la richesse pure grâce à une science pure*). Selon cet auteur, si des faits économiques existent, c’est seulement du fait d’un classement par la prétendue science économique. Ces faits dits économiques sont d’abord des faits du monde. Je constate que vos comprennettes sont un peu rouillées. Je vais donc prendre un exemple de choc : le fait que les nazis de sinistre mémoire aient classé certains hommes dans la classe Untermenschen n’implique par pour autant que ces hommes soient devenus, du fait de ce classement par la science nazie, des sous-hommes, ni, surtout, qu’ils le fussent auparavant. Les faits dits économiques par la « science économique » sont aussi peu économiques que n’étaient sous-hommes les hommes dits sous-hommes par la science nazie. On constatera, grâce à cet exemple hard que le classement est cependant doué d’efficacité —  c’est pourquoi il est effectué — puisque, s’il ne peut transformer des hommes en sous-hommes, il a fortement contribué à les transformer en cadavres et en fumée. C’est aussi simple que cela.

A propos d’arbres, de forêt et d’ensembles. Certains dictionnaires remplacent le terme « ensemble » par le terme « système » dans la définition de l’économie. Ces mêmes dictionnaires donnent au terme « système » : ¨ Ensemble de…. C’est malin ! (Petit Robert, cinq définitions : ¨ Ensemble de…, pour une : ¨ Appareil, dispositif qui, cependant, constituent un ensemble cohérent ! et deux : ¨ Ensemble structuré... Ensemble, quand tu nous tiens.) Si vous prétendez que la réalité économique est un appareil, un dispositif, un ensemble structuré, un système, je vous prierai de décrire cette structure comme Ptolémée et Copernic le firent pour le système solaire, faute de quoi, votre système ne serait aucun système, seulement un mot sans référent, un de plus. Un système que l’on ne peut décrire n’est aucun système. En grec, systema signifie ensemble et corps de troupe (Bailly), c’est-à-dire deux objets on ne peut plus opposés. Les hoplites vivent ensemble, marchent ensemble, combattent ensemble ce que sont bien incapables de faire les arbres d’une forêt qui ne combattent ni ne marchent mais cependant vivent. Or ils ne sont pas capables de vivre ensemble. Si vous le prétendez, c’est un abus de langage, un de plus ; côte à côte, soit, ensemble, non. L’adverbe ensemble est réservé aux mammifères. On appela les hoplites la démocratie qui marche. On peut aussi appeler un bataillon d’hoplites la forêt qui marche ; de la forêt, il a la réalité, ce que n’a pas l’ensemble des arbres de la forêt. Les hoplites sont comme un ensemble et comme une forêt ; ils ont l’ensemble et ils ont la réalité, cela parce qu’ils sont habités par l’ensemble, comme la vaillante infanterie légère du Hezbollah, couverte de gloire et de gravats. Je comprends l’effroi des barbares, relaté par Xénophon dans l’Anabase,  à la simple vue de cette forêt en marche. (29 juillet 2006)

Résumé de la thèse de Fourquet : il y eut de tous temps et en tous lieu une politique économique des États. Il y eut à partir du XVIIe siècle une économie politique qui avait pour but, précisément, de venir en aide aux États dans leur politique économique. Mais il n’y a pas d’économie, il n’y en eut jamais, nulle part.

* « L’INVERSION DU MONDE

» Adam Smith fige l’image mentale de l’économie : la source des richesses est la production, qui a pour but la consommation des sujets. (…) Le monde réel est inversé. Smith évacue la puissance, le pôle souverain de la nation productive, et condamne l’État pour improductivité. Il considère la nation productive en tant que telle, dépouillée de son parasite étatique, et ignore que sur le champ mondial la richesse est puissance. Avec Smith, dit-on souvent, l’économie politique fait un  pas décisif en direction de la science. Je suggère que Smith, en éliminant les phénomènes de puissance comme étrangers à la science, s’est interdit de comprendre les ressorts de la richesse des nations. Smith s’est fourvoyé : la route où il s’est engagé est une voie de garage ! » (Fourquet, page 133)

« ON INVENTE L’ÉCONOMIE COMME OBJET RÉEL

» C’est un Français, Jean-Baptiste Say, qui coupera le cordon. Non seulement il déclare la science indépendante de l’État, mais il invente un objet social autonome appelé “économie”.

(…)

» C’est la première fois que quelqu’un ose comparer l’économie politique à une science de la nature (physiologie), ou à la physique, et employer le mot “économie” au sens d’un objet social obéissant à des lois analogues à celles de la physique.

(…)

» Marx, bien qu’il déteste Say, fonce tête baissée dans le champ discursif ainsi ouvert ; il est ravi qu’un critique du Capital lui prête d’envisager “le mouvement social comme un enchaînement naturel de phénomènes historiques, enchaînement soumis à des lois” (préface à la 2e édition du Capital ; K, I, p. 27). C’est ce point de vue qui nous enchaîne encore. » (page 283)

(…)

« L’innovation de Say est fondamentale. Jamais, jusqu’alors, “économie” n’avait signifié un domaine social ; jamais on n’avait parlé de l’économie comme science d’un objet appelé économie. Depuis ce jour, le mot “économie” comporte, du moins en fran­çais, une insupportable ambiguïté : nous ne savons pas si nous par­lons de la science ou de son objet. Et pour cause : cet objet n’existe pas ! Ce qui existe, c’est un discours économique qui fabrique ses propres objets et qui finit par croire à l’existence extérieure de ces êtres fantastiques qu’il a lui-même engendrés. » (page 284)

*  *  *

« Mais depuis que l’économie politique est devenue la simple exposition des lois qui président à l’économie des sociétés, les véritables hommes d’État ont compris que son étude ne pouvait leur être indifférente. » (J-B Say)

 

Une ambiguïté demeure dans le passage du Traité d’économie politique de Say cité par Fourquet, où Say déclare existante une économie des sociétés : « Mais depuis que l’économie politique est devenue la simple exposition des lois qui président à l’économie des sociétés, les véritables hommes d’État ont compris que son étude ne pouvait leur être indifférente. » On peut entendre, en accord avec le Webster ou le Dictionnaire de l’Académie française de l’époque de Say, « économie » au sens de management, mot qui vient du français « ménage ». Ainsi, la « simple exposition des lois » présideraient à l’« économie des sociétés » comme l’exposition des lois de la physique président à la fabrication des machines à vapeurs ; l’exposition des lois ne ferait que présider au sage management des sociétés par les hommes d’État, voire les commerçants (ils nomment ça gouvernance aujourd’hui). Or les deux passages suivant ôtent toute ambiguïté : « Bien plus : il y a des changements qui seraient dans les intérêts de tous, qu’aucun danger ne saurait accompagner, et qu’on repousse uniquement parce qu’on méconnaît à beaucoup d’égards l’économie des sociétés. » et ailleurs : « L’économie politique n’est une science qu’en tant qu’elle fait connaître les lois générales qu’on observe dans l’économie des sociétés. » Plus aucun doute ne subsiste. Voilà donc les sociétés dotées d’une économie. Où observe-t-on les lois de l’économie politique ? Dans l’économie des sociétés, de même que l’on observe les lois de la physique dans la nature (pas dans la physique quoique ce mot signifiât « nature » chez les Grecs). Et notez bien le pluriel : « des sociétés », c’est à dire les sociétés de tous les temps, de tous les mondes. Rien que ça. Ces cons de sauvages, ces cons de grecs vivaient dans des sociétés dotées d’une économie et il ne se doutaient de rien. Quels connards.

 

**. Idéologie. "Toute idéologie, c’est à dire tout système socialement (mais non nécessairement intellectuellement) cohérent de croyances, repose au départ sur un petit nombre de principes dont tout le reste découle. Ces ‘principes’ dont la nature conceptuelle peut être fort variable, jouent le rôle de ‘formes sources’ pour une prégnance qui investit tous les tenants de l’idéologie. Il s’agit en général de concepts flous, dont le pouvoir propagatif tient précisément à leur caractère flou et mal délimité. Ils servent de mots de passe : l’invocation de ces concepts à tout propos et hors de propos marque l’allégeance du croyant à l’idéologie. On reconnaît l’adhésion de quelqu’un à quelque idéologie par l’emploi de ces mots pavillons." René Thom. Esquisse d’une sémiophysique, Inter Editions, 1991.

Economie, économie, économie.
Spectacle, spectacle, spectacle.
Boumboum, boumboum, boumboum.
Dada vous l’avait bien dit.
Flotte mon joli pavillon.

Une chose très facile, pour ceux qui voudraient prouver que ma proposition « l’économie n’existe pas » est une pure divagation, consisterait à prouver la proposition contraire  « l’économie existe ». Il me semble que pour prouver [ en toute rigueur, j’aurais dû écrire « pour rendre prouvable » ] cette proposition, il leur suffirait de définir l’économie et ainsi donner un sens à la proposition « l’économie existe ». Cela ne devrait pas leur poser de problème et ne coûte rien d’essayer en effet puisqu’il suffisait d’ouvrir le dictionnaire1 ]. Ensuite c’est sans risque car, quand bien même ils ne parviendraient pas à prouver l’existence de l’économie, cela ne prouverait pas pour autant son inexistence. La non preuve d’une proposition n’est pas la preuve de la négation de cette proposition. Jusqu’à présent, personne n’a démontré que l’économie existât. On en parle d’abondance, c’est tout (cherchez à qui profite le crime). Cela ne prouve pas qu’elle existe, ni même seulement que le mot a un sens (à part son sens étymologique antique). Quels arguments le sournois imbécile, sous ses différentes hypostases, propose-t-il pour étayer une affirmation aussi lourde de conséquences que « L’économie existe » ? Au moins le pseudo Occam reconnaît que bien que n’ayant pas de sens selon lui, la proposition « L’économie n’existe pas » est lourde de conséquences ce qui est à la fois une contradiction mais un progrès par rapport au sournois pseudo Spinoza. Comment une proposition qui n’a pas de sens, qui n’est pas vérifiable peut-elle être lourde de conséquences ? Serait-ce le cas aussi pour « Les boojums n’existent pas » ?

J’ai déjà montré, dans Critique de la raison impure, que l’économie basée sur des définitions du type "C’est l’ensemble de..." n’existait pas parce que ces ensembles de... n’existent pas, sinon comme notions : un ensemble de choses n’est pas une chose [ à l’époque, je n’avais jamais entendu parler de Frege que je ne lus qu’en janvier 2004. Quelle heureuse surprise que ce Frege ] ; et non, comme le pseudo Occam le prétend effrontément, parce que la définition du Petit Robert et du Petit Larousse seraient circulaires dans le cadre du réductionnisme marxiste. Cette circularité n’est qu’une ridicule sottise supplémentaire du réductionnisme marxiste, que je signale en passant et pour rire, et non une preuve de l’inexistence de l’économie. Ce n’est pas le véritable Occam qui me démentirait sur le point de la non existence des ensembles de..., mais on ne peut cependant me taxer de nominalisme puisque j’affirme aussi qu’il existe des ensembles selbständig, des universaux concrets, les ensembles intériorisés par leurs éléments et qui réciproquement totalisent ces éléments (des ensembles autogènes et non plus hétérogènes, "hétérogène" entendu au sens strict et non au sens courant de "disparate"), des ensembles réels et auto-antinominalistes — il y a sûrement un mathématicien de par le vaste monde qui s’est déjà penché sur la chose (en fait Leibniz, déjà, dans la Monadologie), je ne désespère pas de le trouver sur Internet — et que ce sont eux qui existent en lieu et place de la prétendue économie. Si le monde est un système, on ne peut pas le considérer comme une boîte noire car les observateurs sont dedans. Comment ferait-ils pour en étudier les entrées et les sorties ?

Des hypothèses, encore des hypothèses, toujours des hypothèses ; c’est à dire de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. Les hypothèses et l’audace sont ce qui manque le plus dans ce monde d’esclaves. Tout ce qui est discutable doit être discuté, n’est-ce pas ? Ce qu’on nomme habituellement réalité n’est autre que la routine. (Cette phrase isolée de la citation complète de l’idée de Musil constitue un contresens. Mais peu me chaut. Je suis prêt à tout pour parvenir à mes fins. Je suis non seulement l’Hercule mais le Borgia de la pensée. Un jour que je dînais chez Debord, celui-ci me dit "Ce Baynac est un arriviste". Je lui répondis "Mais ne sommes nous pas des arrivistes ? — Certes, me dit-il, mais nous n’avons ni les mêmes buts ni les mêmes moyens". En ce qui le concerne, on a vu que si.)

J’ai eu en main, il y a trente ans, un texte de Rosa Luxembourg dans lequel celle-ci se moque des professeurs d’économie en donnant leur définition de l’économie. Si quelqu’un pouvait m’envoyer ce texte (c’est là, merci Joëlle G. : Qu’est-ce que l’économie politique 1907) ou sa référence, je lui serais reconnaissant, car j’aimerai bien relire aujourd’hui ces définitions mais surtout connaître celle qu’avançait Rosa Luxembourg elle-même.

15 septembre 2001

Je vais de surprise en surprise. Je crois comprendre, lors de la lecture du Mythe de l’intériorité de Bouveresse, que, dans son effort pour prouver l’absurdité de l’œil intérieur et d’un langage privé, Wittgenstein soutient que tout commence avec le langage public (langage public étant une sorte de pléonasme d’ailleurs) Autrement dit je crois comprendre que pour Wittgenstein communication first, communication everywhere ! Le phénomène est privé, la chose est publique. L’opposition pertinente n’est pas extérieur/intérieur mais public/privé. Le problème provient que l’on confond incessamment la chose et le phénomène souvent dans une même phrase. On prend le phénomène pour une chose, or le phénomène n’est aucune chose. Il est encore moins "une représentation". A suivre.

 


Définitions de l’économie


Par le Dr Latouche.

Je trouve dans le n° 17 du Bulletin du MAUSS, de mars 1986, à côté d’un étonnant (comme tous les articles de cet auteur) article de Gilles Gagné (L’État commercial ouvert) un compte rendu, par Serge Latouche, du livre de Wallerstein Le Système du monde du XVsiècle à nos jours (Flammarion, 1980-1984) dans lequel figure une intéressante définition de l’économie.

« La raison économique, en effet, implique un découpage arbitraire dans la totalité de l’être social d’un secteur présupposé obéir à sa propre loi (auto-nome). Le capitalisme construit effectivement une certaine interdépendance entre quelques éléments valorisés du social : “le domaine matériel”. De leur côté, les économistes présentent une représentation du fonctionnement de ce domaine qui pousse les interrelations jusqu’au phantasme d’un champ clos auto reproducteur, auto régulé et auto dynamique. Ainsi est inventée l’économie. Il n’y a pas, pensons nous, d’économie isolable avant, à côté et en dehors de ce champ historique et idéologique. La raison économique ne prend son sens que dans un tel champ. »

Voilà une excellente définition : la raison économique implique un découpage arbitraire dans la totalité de l’être social. Puisque arbitraire, ce découpage n’a nulle réalité, en tout premier lieu le prétendu "domaine matériel". "Le capitalisme" étant au mieux un idealtype ou bien le nom d’une époque historique, il n’est pas effectif, il ne construit donc rien d’effectif, pas plus que la vertu dormitive de Molière ne fait dormir ou que le nom "chien" ne mord. L’économie est un phantasme d’économistes. L’économie n’est qu’un secteur supposé, c’est à dire nul secteur réel. Latouche le dit très bien : l’économie est une invention d’économiste. Hegel n’est pas difficile à comprendre : seule la totalité de l’être social est sujet, seule la totalité de l’être social est réelle. Les découpages arbitraires que l’on peut être tenté d’y faire sont de nulle réalité. La réalité des moments est dans leur disparition. Si le prétendu domaine matériel n’est pas un champ clos auto reproducteur, il n’est rien de réel. Au moins, sur ce point, les économistes sont plus conséquents que Latouche. Le prétendu domaine matériel est lui même l’objet d’un découpage arbitraire de la raison économique de Latouche et non du capitalisme. Le fait de présenter ce prétendu secteur comme un champ clos n’est pas une simple exagération de la part des économistes, comme le prétend Latouche, c’est une raison vitale pour l’existence de leur doctrine. Un domaine qui n’est pas clos, ne serait-ce que d’une simple frontière, n’est aucun domaine. La réalité des moments est dans leur disparition tandis qu’un domaine doit persister ou n’être aucun domaine. Nul domaine sans seigneur. Les domaines obéissent à la loi de leur seigneur. Les moments obéissent à la loi du tout qui implique leur disparition et leur non subsistance.


Par Michel Freitag québécois et très intéressant auteur du MAUSS comme Gilles Gagné

« L’objectivité sociale de l’économie réside ou consiste dans les institutions sociales qui en définissent, positivement et négativement, le mode opératoire, et celle de l’économisme tient dans son effet idéologique de naturalisation des institutions en question. Je ne vois pas de contradiction dans cette reconnaissance que “le social renvoie au social” selon une hiérarchie des formes sociales et de leur consistance, sinon à l’égard du naturalisme auquel adhèrent la plupart des économistes, et qui est devenu l’idéologie dominante des sociétés contemporaines, notamment dans le cadre du néolibéralisme. Mais souvent d’ex-marxistes partagent eux aussi une semblable conception épistémologique et ontologique. »

C’est déjà mieux : selon Freitag, l’objectivité de l’économie réside dans des institutions... Dans des institutions, c’est à dire dans des ensembles autogènes et non plus dans un ensemble de... Il met même en doute la réalité (la chosité) de cet objet :

« On comprend qu’alors, le problème crucial, c’est le statut qui est accordé à l’économie, et ceci aussi bien dans la réalité sociale et son mode de fonctionnement effectif que dans l’idéologie. Quelle est la réalité en soi du Moloch ? Existe-t-il en dehors de la soumission et de la croyance en la nécessité de la soumission ? »

« les “lois économiques” ne sont pas des “lois naturelles objectives” et “l’économique” ou “l’économie” ne constitue pas non plus une dimension spécifique autonome universelle, “positive”, de la vie sociale » (Freitag, La Souveraineté : pour un pacte politique contre l’économisme, 1995)

« l’analyse économique (...) représente l’idéologie fondamentale d’un nouvel ordre ontologique de la socialité et éventuellement de la société toute entière. » (Freitag, Joseph Schumpeter, L’économie et le développement de la société, Société n° 8, 1991)

 


Marx a-t-il lui-même employé le terme « économie »
au sens funeste d’ « economy » ?


Généralement, Marx et Engels emploient le terme "économie" au sens d’économie politique. Il me semble que l’emploi au sens d’economy est très rare dans leurs textes. Les textes de Weber montrent qu’après 1900 l’usage d’employer "économie" au sens anglais d’economy est bien établi. Il atteint le burlesque avec Debord, plus de deux cents fois en moins de deux cents pages.

Page 155 du volume 3 du livre I du Capital aux éditions socialiniennes : "L’ordre économique capitaliste est sorti des entrailles de l’ordre économique féodal. La dissolution de l’un a dégagé les éléments constitutifs de l’autre." On constate que si Marx n’avait pas employé le terme économique, le sens de la phrase n’aurait pas changé : "L’ordre capitaliste est sorti des entrailles de l’ordre féodal. La dissolution de l’un a dégagé les éléments constitutifs de l’autre." Le terme économique n’ajoute absolument rien au sens de la phrase sinon l’illusion de savoir quelque chose alors que l’on ne sait rien.

Page 107 du volume 1 du livre II, Les trois figures du procès cyclique : "On s’est fondé là dessus pour opposer l’économie naturelle, l’économie monétaire et l’économie de crédit comme étant les trois formes caractéristiques dans le mouvement économique de la production sociale.

       En premier lieu, ces trois formes ne représentent pas des phases équivalentes de l’évolution. L’économie dite de crédit n’est elle-même qu’une forme de l’économie monétaire : les deux termes expriment des fonctions d’échange, ou modes d’échange, entre les producteurs eux-mêmes. Dans la production capitaliste développée, l’économie monétaire n’apparaît plus que comme base de l’économie de crédit. L’économie monétaire et l’économie de crédit correspondent donc simplement à des stades différents dans le développement de la production capitaliste ; mais elles ne sont nullement, en face de l’économie naturelle, des formes d’échange distinctes et indépendantes l’une de l’autre. Il serait tout aussi juste de mettre en face de ces deux types les formes très diverses de l’économie naturelle en les tenant pour équivalentes.

       En deuxième lieu, dans les catégories économie monétaire et économie de crédit, ce n’est pas l’économie, c’est à dire le procès de production lui-même, que l’on souligne, que l’on détache comme trait distinctif : c’est le mode d’échange établi en fonction de l’économie entre les divers agents de la production, les divers producteurs ; il faudrait donc agir de même pour la première catégorie. Parler d’économie de troc au lieu d’économie naturelle. Une économie naturelle complètement fermée, par exemple l’Etat des Incas au Pérou, n’entrerait dans aucune de ces catégories. [Marx semble préciser ici ce qu’il entend par économie : le procès de production.]

       En troisième lieu, l’économie monétaire est commune à toutes les productions marchandes et le produit apparaît comme marchandise dans les organismes les plus divers de la production sociale. Ce qui caractériserait donc la production capitaliste, ce serait seulement la mesure où le produit est créé en tant qu’article de commerce, de marchandise ; par suite, la mesure où les propres élément constitutifs du produit doivent rentrer en tant qu’articles de commerce, que marchandises, dans l’économie d’où il provient."

Page 203 du volume 1 du livre II : "La production capitaliste développée suppose en fait que l’ouvrier est payé en argent, de même qu’elle suppose d’une façon générale procès de production appuyé sur le procès de circulation, donc l’économie monétaire."

Page 126 du volume 2 du livre II :"Dans la mesure où le système esclavagiste, dans l’agriculture, dans les manufactures, la navigation, etc., est la forme dominante du travail productif (comme c’était le cas dans les Etats développés de la Grèce et à Rome), il conserve un élément de l’économie naturelle."

Page 342 du volume 1 du livre III : (aux Indes) "...ces petites communautés économiques."

(en Chine) "La grande économie et le gain de temps résultant de la connexion directe de l’agriculture et de la manufacture offrent ici une résistance des plus opiniâtre aux produits de la grande industrie... (anglaise)" Ici, économie est employé au sens de "faire des économies_ !

"Contrairement au commerce anglais, le commerce russe ne touche pas à la base économique de la production asiatique."

"Le producteur devient commerçant et capitaliste, en opposition à l’économie agricole naturelle..."

"Si jamais l’histoire d’un peuple nous offre des expériences économiques manquées et réellement ridicules..."

"...la communauté économique hindoue basée sur la propriété foncière commune..."

Page 168 du volume 3 du livre III : "Dans l’économie naturelle proprement dite, les produits agricoles n’entrent pas (...) dans le procès de circulation...".

"...dans n’importe quelle économie basée sur l’argent..."

"Une conception erronée de la nature de la rente se fonde sur le fait qu’à partir de l’économie naturelle médiévale (...) la rente en nature s’est maintenue jusqu’aux temps modernes..."

Page 174 : "La possibilité d’un certain développement économique..."

Page 175 : "Bien que des vestiges de cette rente-produit pure puissent subsister dans des modes et des rapports de production plus développés, elle est toujours fondée sur l’économie naturelle."

Voilà, c’est tout pour deux mille deux cents pages. Cela permet de savoir ce que Marx entendait par "économie" tout court : c’est son cher procès de production lui-même.

  


Il peut y avoir économie ET économie
(sauf pour les cons nominalistes)

Posted by Marcel Weber sur le Debord off on June 18, 2000
In Reply to:
Voyer dans le texte posted by FC on June 17, 2000

« Par contre, on ne critique pas, on ne réfute pas une chose qui n’existe pas [effectivement puisque c’est la croyance en l’existence de cette prétendue chose que l’on critique, que l’on réfute : je n’attaque pas la prétendue chose mais la croyance en l’existence de la prétendue chose]. On dit : Censor n’existe pas. Point. On va pas se palucher 50 ans pour prouver que Censor n’existe pas. » [hélas ! il le faut bien étant donné l’imbécillité de FC] FC

        C’est pourtant ce que beaucoup ont fait (et pas des moindres), et ce avec patience et acharnement dans un combat quotidien à propos d’une chose qui n’existe pas et que l’on nomme “Dieu” et qui a été socialement parlant un petit peu oppressante (comme l’est l’économie aujourd’hui) dans nos contrées il n’y a pas si longtemps.

        Comme l’économie aujourd’hui, le fondemental “Dieu” déterminait en France la vie sociale dans ses moindres détails, à une époque où la remise en question de son existence n’était même pas du domaine du concevable.

        Comme Dieu, l’économie est une représentation qui nous apparaît toujours vêtue de son habit d’évidence, c’est à dire comme étant à elle même son propre fondement (causa sui).

        Or la seule façon de critiquer (c’est à dire de réfuter) une évidence est de remettre en question son existence même. (si vous en connaissez une autre vous me le dites)

        Marx ne sort pas de cette évidence économique car l’ensemble de sa critique s’oriente vers un idéal d’égalité économique (c’est à dire en fait vers une égalité dans l’esclavage).

        Voyer a donc raison de noter l’insuffisance de Marx (et surtout des marxistes qui l’ont suivi) sur ce point. D’ailleurs il n’est pas le seul, Marshall Sahlins l’a fait aussi mais d’une toute autre manière.


Quine : De ce qui est

Nous nous engageons dans une ontologie contenant des nombres quand nous affirmons qu’il y a des nombres premiers plus grands qu’un million, nous nous engageons dans une ontologie contenant des centaures quand nous disons qu’il y a des centaures ; et nous nous engageons dans une ontologie contenant Pégase quand nous disons que Pégase est. Mais nous ne nous engageons pas dans une ontologie contenant Pégase, ou l’auteur de Waverlev, ou la coupole ronde carrée sur Berkeley College quand nous affirmons que Pégase, ou l’auteur de Waverley, ou la coupole en question n’est pas. Nous n’avons plus à être victimes de l’illusion selon laquelle, dès lors qu’un énoncé contenant un terme singulier est pourvu de signification, cela présuppose une entité nommée par le terme. Un terme singulier n’a pas besoin de nommer pour être signifiant. [ainsi, selon Bolzano, le concept « triangle » est une pure signification, c’est à dire qu’il ne désigne rien contrairement aux noms véritables qui ont une signification et qui désignent (qui nomment) quelque chose. Le concept triangle ne nomme aucun triangle, il est pure signification. Le prétendu nom « Le triangle général » de Locke ne nomme rien du tout, ne désigne rien du tout et c’est une parfaite absurdité de prétendre, comme le fait Locke, qu’il désigne  un quelque chose général : « Le triangle général ou abstrait est donc quelque chose de réel dans mon âme ; il y est une représentation… ». Non mon pote, les triangles particuliers sont classés triangles et donc reconnus au premier coup d’œil. Stupidité des esquisses ou silhouettes successives de Husserl : un cube avec toutes ses propriétés est reconnu au premier coup d’œil car il est classé cube. Heil Myself ! (mai 2011)]

Même sans le secours de Russell, McX et Wyman auraient peut-être eu une petite idée de tout cela, s’ils s’étaient contenté de remarquer-rares sont parmi nous ceux qui l’on fait-qu’il y a un gouffre entre signifier et nommer, même dans le cas d’un terme singulier qui est authentiquement un nom d’objet. L’exemple suivant, emprunté à Frege, nous sera utile. L’expression « l’étoile du soir » nomme un certain gros objet physique, de forme sphérique, qui file dans l’espace à des millions de kilomètres d’ici. L’expression « l’étoile du matin » nomme la même chose, comme un Babylonien observateur a probablement été le premier à le constater. Mais les deux expressions ne peuvent être considérées comme ayant la même signification; sans quoi le Babylonien aurait pu se dispenser de ses observations et se contenter d’une réflexion sur la signification de ses mots. Les significations étant alors différentes l’une de l’autre, il faut bien qu’elles soient différentes de l’objet nommé, qui est une seule et même chose dans les deux cas [CQFD].

La confusion de la signification avec la nomination n’a pas seulement conduit McX à penser qu’il ne pouvait de manière non dépourvue de signification rejeter l’être de Pégase; cette confusion l’a sans doute aidé à inventer cette notion absurde que Pégase est une idée, une entité mentale. La structure de cette confusion est la suivante : il a confondu le prétendu objet nommé Pégase avec la signification du mot « Pégase », et en a donc conclu que Pégase doit être pour que le mot ait une signification. Mais quelle sorte de choses sont les significations ? C’est là un point problématique; cependant, on pourrait de manière très plausible expliquer les significations comme étant des idées qui sont dans l’esprit, à supposer que l’on puisse donner ensuite un sens clair à l’idée d’idées dans l’esprit. Donc le pauvre Pégase. tout d’abord confondu avec une signification. finit en idée dans I’esprit. Le plus remarquable est que Wyman. parti avec les mêmes intentions que McX. ait évité cette bourde spécifique. et se retrouve à la place avec ses possibles inactualisés [Vrin, 2003, pages 34-36]

DOCUMENT : Discussion sur le Debordoff →  

M. Ripley s’amuse