Schizosophie corrige le professeur Lebesgue

sans même l’avoir lu

Analyse conceptuelle

Le rapport entre la valeur et le prix de Paul Jorion →  

  

Commentaires d’un manuscrit de 1975 publié sur le Debord off →  

   

Discussion de « Valeur et Richesse » de Fourquet →  

   

Marx lit Aristote →  

   

La Mesure des grandeurs  Lebesgue →  

 

21 Schizosophie

29 J-P Voyer citation de la traduction Bodéüs

30 Schizosophie citation de Marx

301  J-P Voyer

31 Paul Jorion

32 Schizosophie à Jorion

33 Schizosophie à Voyer

331  J-P Voyer

332  Schizosophie corrige le professeur Lebesgue

333  J-P Voyer Le prix du boudin selon Lebesgue

334  Schizosophie

335  J-P Voyer

 

Précisions sur l’éminente question du prix du boudin Réponse de Heil Myself ! à un lecteur

 

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21 Schizosophie

15 janvier 2010 à 19:29 [ cliquez sur ce lien pour atteindre le billet « Pourquoi dialoguer avec Marx ? » at Jorion’s ]

En commentaire au billet précédent « Où se situent les salariés ? », j’avais rappelé le contexte dans lequel Marx considère le salaire, mais aussi, vous l’oubliez M. Jorion, l’appareil de production. Or le lien, dialectique, entre les deux tisse une critique fondamentale de l’économie politique, autrement dit de l’économie, en tant qu’elle n’est rien d’autre que la manière bourgeoise de penser, et même d’agir. Ce contexte est la chaîne A-M-A’. Je renvoie au Capital, Livre I, 2e section « La transformation de l’argent en capital », chapitre IV, « La formule générale du capital ». Pour les fainéants, je dévoile tout de suite le secret : le capital repose sur le travail en tant qu’il n’est rétribué que selon le temps de travail moyen nécessaire. C’est rien moins que « l’abolition définitive du salariat » qui est visée (voir l’adresse de 1864 rédigée par Karl Marx à l’Association internationale des travailleurs).

La relation avec Aristote, que Marx qualifie « de grand penseur qui a analysé le premier la forme de la valeur », est tout à fait explicite dans le Capital. Je renvoie au chapitre I, 1re section, au passage sur la forme de la valeur, « troisième particularité de la forme équivalent ». Marx décrit les limites de l’analyse déployée dans L’Éthique à Nicomaque (V, V, 16) en citant la fin du développement, ainsi traduit par Voilquin aux éditions Flammarion : « Et qu’on fît des échanges avant l’emploi de la monnaie, c’est bien évident ; peu importe que l’échange porte sur 5 lits contre [ἀντὶ ] une maison ou contre tout objet correspondant, en valeur, à 5 lits ». Quel est cette limite ? Elle réside en ce que s’il est vrai que la monnaie rend tout commensurable avec n’importe quoi,

[ il n’est pas vrai que la monnaie rende tout commensurable avec n’importe quoi. La monnaie rend tout échangeable avec n’importe quoi du fait qu’elle rend tout échangeable avec elle, ce qui n’a rien à voir avec la commensurabilité. D’ailleurs, qu’est-ce que la commensurabilité du temps d’Aristote ? Ce sont deux grandeurs homogènes (de même dimension) qui ont une partie aliquote commune (aliquote : partie d’une grandeur qui se reporte un nombre entier de fois dans cette grandeur. Ce nombre de fois – quotient – est… la mesure de la grandeur par sa partie). Les Grecs ne savaient pas co-mesurer deux grandeurs qui n’avaient pas de partie aliquote commune. Ce fut une consternation quand ils découvrirent l’existence de telles paires… de grandeurs, par exemple la longueur du côté et de la diagonale du carré. La définition donnée par Bailly pour symmétria est ambiguë : « réduction à une commune mesure ». Il faudrait-dire, me semble-t-il : comparaison de deux grandeurs homogènes par la mesure de chacune de ces deux grandeurs à l’aide d’une partie aliquote commune, c’est à dire réduction de ces grandeurs à deux multiples de la partie aliquote commune, 13 fois cette partie pour l’une, 7 fois cette partie pour l’autre, par exemple. Asymmetria signifie alors non co-mesurable parce que n’ayant pas de partie aliquote commune. NB : il y a donc deux mesures (et non une mesure commune comme dit Bailly), deux quotients (deux combien de fois) dans une co-mesure, ici : 13 fois et là 7 fois. 13 est une mesure (strictement parlant : un nombre résultant d’une opération de mesure) et 7 est une autre mesure ou : 13 fois est un multiple de la partie aliquote commune et 7 fois est un autre multiple. Donc une co-mesure n’est pas une mesure, un quotient, un combien de fois, puisqu’il y a deux quotients (en fait deux multiples), deux mesures. Une co-mesure est le rapport non effectué de deux quotients, de deux mesures ; sym-métria, mesurées ensemble, l’une et l’autre et non pas mesurées l’une par l’autre (quotient). Le quotient (la mesure) de 13 par 7 est un nombre réel : 1,857142857… Selon Lebesgue, 1,857142857 est le compte rendu de l’opération de mesure. Le mesureur a écrit sur le papier, à chaque étape de la mesure : 1 fois de 100, 8 fois de 10-1, 5 fois de 10-2, 7 fois de 10-3, etc. Pour Lebesgue, le nombre est ce qui est écrit sur le papier. NB : une co-mesure (symmétria) n’est pas non plus une proportion (analogia). Une proportion est une égalité de deux co-mesures (deux grandeurs homogènes qui ont une partie aliquote commune en ont une infinité d’autres et donc une infinité de co-mesures toutes égales, c’est la fonction linéaire y = ax). Je vois la faute commise par Sylvain Piron dont je relis le papier. Il parle (plutôt Albert le Grand parle, ainsi qu’Aristote si j’en crois ses traducteurs et ses copistes) d’établir la proportion entre deux produits de l’industrie. En fait il s’agit d’établir une prétendue co-mesure entre les produits. Or même la co-mesure est impossible entre deux produits. Elle n’est possible qu’entre leurs prix qui ne sont des grandeurs pour aucun des deux produits. 13 carottes ἀντὶ 7 poireaux ne constituent ni une co-mesure, ni une proportion. Nous nageons dans le charabia. À part ça, symmetria, selon Bailly, signifie aussi juste proportion]

cette vérité repose sur le travail humain. Si Aristote ne le comprend pas,

[ fort heureusement pour Aristote car cette vérité n’en est pas une : la monnaie ne rend aucunes choses commensurables, seules sont commensurables les nombres (grandeurs) prix. D’une manière générale aucun objet réel ne peut être commensurable, ni mesurable : seules les grandeurs le sont. Deux théières de même hauteur ne sont pas commensurables, ni égales, seule leur hauteur (un segment de droite) l’est : la longueur de la hauteur des théières n’est pas une grandeur pour les théières mais seulement pour leur hauteur ; deux produits ayant demandé le même temps de travail ne sont pas commensurables, ni égaux, pour autant, ils sont seulement échangeables ]

selon Marx, c’est que « la société grecque reposait sur le travail des esclaves et avait pour base naturelle l’inégalité des hommes et de leurs force de travail » alors que « l’idée d’égalité » n’avait pas encore « acquis la ténacité d’un préjugé populaire », il a fallu quelques révolutions pour cela. « Ce que montre le génie d’Aristote, c’est qu’il a découvert dans l’expression de la valeur de la marchandise un rapport d’égalité.

[ heureusement pour lui, Aristote n’a rien fait de tel. Dans l’expression qu’est la valeur il n’y a pas du tout de rapport d’égalité mais seulement l’idée (le sens de l’expression) d’un échange possible (selon Frege, une idée est le sens d’une expression) : le seul rapport qu’il y ait dans l’expression qu’est la valeur, c’est l’échange et encore n’y est-il que comme idée, comme sens de l’expression. Il n’est pas réalisé. Il est seulement possible. La valeur est la mention d’un échange possible, généralement cette mansion figure sur une étiquette qui est attachée à la marchandise. Cela dit, la valeur étant elle même une expression dont le sens est la possibilité d’un échange, il est absurde de dire « l’expression de la valeur », on ne peut parler que du sens de la valeur, le sens de cette expression qu’est la valeur. Littré : « Valoir c’est avoir un prix » ]

L’état particulier de la société dans laquelle il vivait l’a seul empêché de trouver quel était le contenu réel de ce rapport »

[ les Grecs n’étaient pas tombés dans la stupidité bourgeoise, ils ne prenaient pas des vessies pour des lanternes et appelaient un esclave un esclave, pas de pleurnicheries chez eux ]

(les citations de Marx reprennent, ici, la traduction de Joseph Roy).

Résumons-nous après ces fastidieuses, mais précises, indications bibliographiques. Marx ne préfère pas une représentation bourgeoise, (il veut la renverser et aussi renverser la réalité bourgeoise et ses conditions de possibilités, à savoir le rapport salarial), il vit dans une société où domine la bourgeoisie par le règne de la valeur d’échange

[ par le règne de l’argent, Marx : « Le besoin d’argent a remplacé tous les besoins ». C’est à dire par le règne du besoin d’argent : les esclaves salariés, contrairement aux esclaves de l’antiquité, touchent à l’argent, ils ne vont plus au marché seulement comme marchandises mais aussi comme acheteurs ; mais pour avoir de l’argent, ils doivent faire des passes, comme les putes. Voilà ce qui caractérise le capitalisme achevé. Tout est produit pour la vente et les esclaves eux-mêmes doivent temporairement vendre leur obéissance, aliénant ainsi leur liberté : les salariés sont les intermittents de l’esclavage. ]

à l’égard des producteurs. Il n’a pas plus choisi son temps qu’Aristote ni que quiconque. Aristote est tout à fait utile pour décrire les contradictions d’ordre monétaire, en un sens, déjà, la chrématistique décrivait la tendance critique de toute économie. Mais une critique radicale de la spéculation monétaire, la dénonciation de l’injustice (on pourrait même créer le néologisme d’« injustesse » pour caractériser le biais éthique de toute monnaie) inhérente à la forme de la valeur ne peut que demeurer formelle. C’est précisément en considérant l’économie politique du point de vue de la monnaie ou de la forme de la valeur que l’on adopte « la représentation « bourgeoise », mais c’est en creusant cette forme que l’on parvient à sa réalité génétique.

Sans doute dépassera-t-on Marx et considérera-t-on à son tour sa conception comme formelle [ non, elle est seulement absurde ] (ce qu’il espère certainement), mais certainement pas en régressant dans le formalisme. Cela dit les discussions sont bien plus fertiles dès lors que l’on ne considère plus l’économie comme une science, qu’on ne confond plus système capitaliste et mode de production capitaliste

[ pour la simple raison que le système capitaliste existe tandis que les modes de production, capitalistes ou non, n’existent pas, sont une simple vue de l’esprit bourgeois ]

et qu’on aborde les polarités du surtravail et du travail nécessaire, du capital constant et du capital variable, et même qu’on en arrive à interroger la nature de la notion de prolétariat. Il se peut même bien que, ce faisant, on déborde la discipline de l’économie politique. Mais pour l’heure, nous en sommes encore à la situation que décrivait Marx en 1867 : « L’économie politique classique touche de près le véritable état des choses sans jamais se le formuler consciemment. Et cela lui sera impossible tant qu’elle n’aura pas dépouillé sa vieille peau bourgeoise ». (cette fois, je vous laisse chercher la source de la citation).

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29 J-P Voyer

18 janvier 2010 à 10:53

Réponse à Schizosophie 15 janvier 2010 à 19:29

Je vous prie de noter que le mot « valeur » n’est jamais employé dans cette traduction particulièrement élégante de Bodéüs. À mon humble avis, employer le mot valeur dans une traduction d’Aristote est un anachronisme. Même remarque pour le mot « besoins ».

Marx se trompe complètement, Aristote n’a jamais traité de « la valeur ». C’est d’ailleurs ce que pense Paul Jorion. Ce concept est une invention moderne due à Smith me semble-t-il (qui disait d’ailleurs, ainsi que Turgot, « valeur échangeable » et non pas « valeur d’échange ». Pour Turgot, « prix » et « valeur » sont encore des mots équivalents. JPV.

[Citation]

Aristote

Ethique à Nicomaque,V, 9

Aristote, Éthique à Nicomaque, [ cliquez sur ce lien pour avoir le texte complet ]

trad. Richard Bodéüs, Flammarion, 2004

9. La justice dans les transactions.

9.1. La justice n’est pas simple réciprocité.

9.2. La réciprocité proportionnelle : ciment de la Cité.

9.3. Comment échanger proportionnellement ?

9.4. La monnaie rend les biens échangés commensurables. [ il est démontré ici que non ]

9.5. Le besoin : véritable étalon des échanges. [ « besoin » est-il la bonne traduction de χρεία ? Usage irait parfaitement ]

9.6. L’égalisation doit précéder l’échange.

9.7. Les besoins, la monnaie et la stabilité des échanges.

D’autre part, ce qui montre que le besoin assure la cohésion comme une sorte d’unité, c’est que si les partenaires n’ont pas besoin l’un de l’autre, si tous les deux ou l’un des deux n’éprouvent pas de besoin, il n’y a pas alors d’échanges entre eux comme il y en a quand quelqu’un demande ce qu’on a personnellement, par exemple du vin, en nous accordant une exportation de blé. /10/ Il faut donc créer ici une égalité [erreur fatale ].

D’autre part, pour l’échange futur, dans l’hypothèse où maintenant l’on n’a besoin de rien, l’assurance d’avoir ce dont on aura besoin le cas échéant se trouve dans la monnaie qui est une sorte de garantie à notre disposition, car on doit, si l’on apporte de l’argent, pouvoir en retirer quelque chose.

Certes, la monnaie subit aussi la même fluctuation que les besoins. Elle n’a pas en effet toujours un égal pouvoir d’achat [ c’est le nain Sarközy qui parle ! Voilquin traduit par valeur  ]. Mais malgré tout, elle tend à plus de stabilité. C’est pourquoi tout doit avoir /15/ un prix établi, car c’est la condition pour qu’il y ait toujours possibilité d’échange et, partant, d’association.

La monnaie donc constitue une sorte d’étalon [ Voilquin traduit par « prix déterminé » ] qui rend les choses commensurables et les met à égalité. Sans échange en effet, il n’y aurait pas d’association, ni d’échange sans égalisation, ni d’égalisation sans mesure commune.

[ fatale erreur d’Aristote et de Marx qui communient dans l’erreur : la monnaie ne rend pas égal, elle rend échangeable, nuance colossale. Dire de deux produits qu’ils sont égaux est un non sens, seuls leurs prix peuvent être égaux (NB : cependant deux produits peuvent être identiques. Identique n’est pas égal. L’égalité est le privilège des grandeurs. Les grandeurs de deux corps identiques sont toutes égales deux à deux). Mais leurs prix ne sont pas pour autant des grandeurs pour ces produits. Merde à la fin. ]

[9.7] Ὅτι δ' ἡ χρεία συνέχει ὥσπερ ἕν τι ὄν, δηλοῖ ὅτι ὅταν μὴ ἐν χρείᾳ ὦσιν ἀλλήλων, ἢ ἀμφότεροι ἢ ἅτερος, οὐκ ἀλλάττονται, †ὥσπερ ὅταν οὗ ἔχει αὐτὸς δέηταί τις, οἷον οἴνου, διδόντες σίτου ἐξαγωγήν.† (10) Δεῖ ἄρα τοῦτο ἰσασθῆναι. Ὑπὲρ δὲ τῆς μελλούσης ἀλλαγῆς, εἰ νῦν μηδὲν δεῖται, ὅτι ἔσται ἂν δεηθῇ, τὸ νόμισμα οἷον ἐγγυητής ἐσθ' ἡμῖν· δεῖ γὰρ τοῦτο φέροντι εἶναι λαβεῖν. Πάσχει μὲν οὖν καὶ τοῦτο τὸ αὐτό· οὐ γὰρ ἀεὶ ἴσον δύναται· ὅμως δὲ βούλεται μένειν μᾶλλον. Διὸ δεῖ πάντα (15) τετιμῆσθαι· οὕτω γὰρ ἀεὶ ἔσται ἀλλαγή, εἰ δὲ τοῦτο, κοινωνία.

Τὸ δὴ νόμισμα ὥσπερ μέτρον σύμμετρα ποιῆσαν ἰσάζει· οὔτε γὰρ ἂν μὴ οὔσης ἀλλαγῆς κοινωνία ἦν, οὔτ' ἀλλαγὴ ἰσότητος μὴ οὔσης, οὔτ' ἰσότης μὴ οὔσης συμμετρίας. [9.8] Τῇ μὲν οὖν ἀληθείᾳ ἀδύνατον τὰ τοσοῦτον διαφέροντα σύμμετρα (20) γενέσθαι, πρὸς δὲ τὴν χρείαν ἐνδέχεται ἱκανῶς. Ἓν δή τι δεῖ εἶναι, τοῦτο δ' ἐξ ὑποθέσεως· διὸ νόμισμα καλεῖται· τοῦτο γὰρ πάντα ποιεῖ σύμμετρα· μετρεῖται γὰρ πάντα νομίσματι.

Οἰκία α, μναῖ δέκα β, κλίνη γ. Τὸ α τοῦ β ἥμισυ, εἰ πέντε μνῶν ἀξία ἡ οἰκία, ἢ ἴσον· ἡ δὲ κλίνη δέκατον (25) μέρος, τὸ γ τοῦ β· δῆλον τοίνυν πόσαι κλῖναι ἴσον οἰκίᾳ, ὅτι πέντε. Ὅτι δ' οὕτως ἡ ἀλλαγὴ ἦν πρὶν τὸ νόμισμα εἶναι, δῆλον· διαφέρει γὰρ οὐδὲν ἢ κλῖναι πέντε ἀντὶ οἰκίας, ἢ ὅσου αἱ πέντε κλῖναι.  

9.8. Convention monétaire et troc.

À la vérité donc, il est impossible de rendre les choses commensurables vu qu’elles sont tellement différentes [ Aristote reconnaît l’incommensurabilité des choses ], mais en fonction du besoin,

[ il introduit le besoin. Je suppose que « le besoin » est une notion anachronique. « Le besoin » n’existe que dans notre monde où existe un implacable besoin d’argent : du fait que tout est produit en vue de la vente, l’argent est devenu une absolue nécessité – nécessité au sens d’Aristote, ce qui est nécessaire pour la vie – et le besoin d’argent est une réalité et non seulement une catégorie telle que « le besoin ». NB : Voilquin traduit par « pour les besoins de la pratique ». Voilà qui change tout. Cette traduction me paraît judicieuse car elle écarte tout risque d’anachronisme et de confusion avec le besoin généralisé (puisque besoin d’argent qui est l’usage général) qui  n’existe que de nos jours. Sur ce point la traduction de Voilquin me paraît supérieure à toutes les autres qui à mon avis ont recours à un anachronisme ]

on peut y arriver de façon satisfaisante [ là, mystère ? NB : le mystère a disparu avec Voilquin ]. Aussi doit-on disposer d’une certaine unité qui soit fixée par hypothèse (d’où l’appellation de monnaie), car c’est elle qui rend tout commensurable.

[ Aristote introduit la monnaie mais commet la même erreur que Marx : la monnaie ne rend pas les choses commensurables mais échangeables. Aussi l’unité dont il est question ici n’est une unité (mine, lingot frappé de 400 à 600 grammes d’argent) que pour la monnaie et non pour les marchandise ]

Tout peut en effet se mesurer en monnaie :

[ grosse erreur, la même que Marx : l’unique théorème de la théorie de la mesure des grandeurs de Lebesgue permet de prouver que le nombre prix n’est pas une grandeur pour le boudin et par conséquent n’est une grandeur pour aucune autre marchandise. Donc, rien ne peut se mesurer en monnaie sinon elle-même grâce aux unités monétaires. Le nombre prix est la mesure d’une certaine quantité de monnaie, point final. Que de conneries ont été écrites à ce sujet ]

si une maison correspond à A, dix mines à B [ B est donc de l’argent, un nombre prix ] et un lit à C, A est la moitié de B si la maison est évaluée à cinq mines [ de l’argent, donc ], autrement dit, il [ c’est à dire A ] est égal à cinq mines,

[ ici, le terme « égal » est parfaitement approprié – si, toutefois, la traduction de Bodéüs est correcte – étant donné qu’il s’agit de grandeurs, de nombres prix, de quantité d’argent. Il n’est pas écrit, contrairement à ce que prétend Marx, que la maison est égale à A, mais que la maison correspond à A. Donc A n’est pas une maison, mais une quantité de monnaie, un prix, ainsi que B et C. La preuve en est que dix mines (de l’argent donc) correspond à B. Contrairement à Marx, Aristote ne commet aucune faute jusqu’ici… à moins que ce ne soit le traducteur qui, par souci de cohérence, commette une erreur de traduction, car il est le seul à traduire ainsi, les autres traducteurs se contentant de : « Soient A une maison, B dix mines ; C un lit. A est la moitié de B » (quant à Aristote, il écrit : « Οἰκία α, μναῖ δέκα β, κλίνη γ. »). L’absurdité de cette expression est patente, une maison ne peut être la moitié de dix lingots d’argent (la moitié de dix lingots d’argent, c’est… cinq lingots d’argent, point final). Seul le prix d’une maison peut être, pas même la moitié de dix lingots, car un nombre ne peut pas être la moitié de dix lingots d’argent, mais seulement la moitié du nombre ou de la masse des lingots (c’est à dire cinq lingots d’argent). Merde à la fin ! Si la traduction de Bodéüs est fausse, alors Aristote communie dans l’erreur avec Marx qui l’en félicite ! Notez encore cette particularité de la traduction de Voilquin : « Soit A une maison, B une somme [un prix donc, une masse d’argent, un nombre] de dix mines, C un lit : il est évident que A sera la moitié de B [absurdité : la maison ne peut être la moitié d’un prix (la moitié d’un nombre), ni la moitié de dix mines], si la maison est du prix [axia, Bailly : axia boos, qui vaut un bœuf ; Littré : valoir, avoir un prix] de cinq mines [très bien], ou égale [ison] à ce prix [très mal : comment une maison pourrait-être égale à un nombre] ». Non de Dieu ! ce merdier dure depuis plus de deux mille ans alors que les élèves de feu l’école primaire apprenaient à ne pas faire ce genre de faute : ne pas confondre un champ et sa surface (un champ n’est pas une surface, le lièvre ne gît pas sur une surface, la charrue ne laboure pas une surface mais un sol, le blé ne pousse pas sur une surface) et ne pas confondre la surface du champ avec son aire. C’est pourquoi d’ailleurs, je ne la commets pas. Qui me dira ce qui est écrit en grec ? ]

tandis que le lit, c’est-à-dire C [ qui n’est pas le lit mais le prix du lit du moins si la traduction est juste ], est la dixième partie de B. On voit pourtant combien il faut de lits pour égaler

[ le terme est malheureux mais comment pourrais-je savoir ce qu’a effectivement écrit Aristote étant donné que les gens qui l’ont traduit ne comprenaient rien du tout au problème de la valeur et que moi je ne comprends rien du tout au grec. Il aurait fallu écrire : pour qu’une maison s’échange contre des lits ]

une maison, c’est-à-dire cinq. Or de toute évidence, c’est ainsi que l’échange s’opérait avant l’existence de la monnaie car il n’y a aucune différence entre échanger cinq lits contre une maison et offrir pour elle le prix de cinq lits.

[ avec cette tout petite différence que dans le premier cas l’argent, ce tout petit détail, n’intervient pas ]. 

[ Fin de citation ]

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30 Schizosophie

18 janvier 2010 à 16:25

@ J-P Voyer

Vous soulevez un véritable problème de traduction, mais vous en induisez de fausses conclusions quant au raisonnement de Marx.

C’est Voilquin qui traduit par « en valeur », ce qui, certes, peut introduire une déplorable confusion tant est polysémique la notion de valeur. Mais elle est due à mon possible mauvais choix du traducteur de Aristote, pas à Marx.

Marx parle d’égalité entre les choses et de principe d’équivalence en citant Aristote.

[ Euclide disait que seules des grandeurs « homogènes » pouvaient être, entre autre, égales et Aristote reconnaît que les choses sont incommensurables (seules des grandeurs – des  nombres – peuvent être commensurables et, notamment, égales ]

En français, par Jules Roy, cela donne « 5 lits = 1 maison » « ne diffèrent pas » de  « 5 lits = tant et tant d’argent. » L’original de Marx donne ceci :

„5 Polster = 1 Haus » („Κλίναι πέντε αντί οικίας »)

[ d’après Bailly, je peux lire mot à mot, entre autres possibilités : lits cinq égaux à maison ; lits cinq à la place de  maison ; lit cinq en échange de maison ; lits cinq contre maison. Qui me dira ce qu’Aristote a écrit ? ]

„unterscheidet sich nicht » von:

„5 Polster = so und so viel Geld »

(„Κλίναι πέντε αντίόσου αί πέντε κλίναι »)

[ c’est un emploi malheureux du signe « = », emploi malheureux qu’Aristote ne fait pas dans le passage traduit par Bodéüs, commenté ci-dessus. Ici ce signe signifie « s’échange ». On a « = » = (« s’échange » ou « vaut »). Valoir c’est s’échanger en pensée. Il n’y a pas du tout d’égalité ici, pas même d’échange ; mais seulement possibilité d’un échange (la valeur n’est pas un nombre mais une qualité de la marchandise au même titre que la couleur par exemple. Bolzano dit que les qualités sont des possibilités et Ricardo : « La valeur est une qualité inhérente à certaines choses ; mais c’est une qualité qui, bien que très réelle, est essentiellement variable, comme la chaleur »). Ne lisant pas le grec, je suis incapable de dire ce qu’Aristote a écrit ici étant donné qu’anti signifie aussi bien « égal à » que « s’échange avec » (Bailly) Voici la traduction correcte que je propose : « cinq lits peuvent s’échanger avec (ou valent) une maison ne diffère pas de cinq lits valent tant d’argent ». Le formalisme de Marx est nul. Supposé faciliter la compréhension il ne fait qu’introduire l’erreur. Vous remarquerez que dans la traduction de Bodéüs ci-dessus le terme égal n’est utilisé que deux fois, une fois à bon escient, une fois à mauvais escient. Sur mon site vous pourrez comparer bon nombre de traductions dont une en anglais ]

Marx ne se trompe pas à propos d’Aristote. Aristote « traite de la valeur » en un sens bien précis, il s’agit de commensurabilité

[ Aristote ne parle de la commensurabilité que pour dire qu’elle est impossible et la valeur n’a aucun rapport avec la commensurabilité ]

et de support de valeur, pour lui : la monnaie.

[ je ne vois pas où Aristote ferait de la monnaie un support de valeur. Je lis qu’il dit que la monnaie rend échangeables des choses incommensurables tout en respectant la justice. Ce « afin de respecter la justice, il faut rendre égales d’une certaine manière ces choses incommensurables » n’est autre que… les prix. Les prix dus à l’emploi de la monnaie sont, eux, commensurables et peuvent donc être égaux. Cependant, les prix ne sont pas des grandeurs pour les marchandises. Étonnant nan ? ]

C’est précisément parce que Aristote ne traite pas de « la valeur » comme une substance fétiche qu’il intéresse Marx. La question sous-jacente est : comment tout peut-il être équivalent à n’importe quoi ? 

[ Posée ainsi, cette question est absurde. Rien n’est équivalent à n’importe quoi : deux marchandises sont équivalentes quand elles ont le même prix de même que l’argent n’est pas équivalent à n’importe quoi (expression absurde) mais s’échange immédiatement avec n’importe quoi. Plus simple tu meurs. Un pain n’est pas équivalent à dix francs : un pain vaut dix francs (il peut s’échanger contre dix francs). Merde à la fin ! regardez l’usage. Notez encore qu’une relation d’équivalence est symétrique, on a (x equ y) equ (y equ x) tandis que la relation marchande n’est pas symétrique puisqu’il y a vente et achat, vendeur et acheteur, marchandise quelconque et argent ]

Et le problème tient à l’évolution historique de cette forme équivalent.

[ cette prétendue forme équivalent n’a jamais évolué : chez les Grecs, déjà, deux marchandises étaient équivalentes quand elles avaient des prix égaux de même que deux mots sont équivalents quand ils ont le même sens. C’est ce que dit Aristote dans le passage traduit par Bodéüs, commenté ci-dessus : cinq lits ont le même prix qu’une maison. Le Dr Wittgenstein le dit bien : la métaphysique est une maladie qui vous torture du fait que vous ne comprenez pas la grammaire. La guérison est immédiate dès que l’on comprend la grammaire. ]

Marx affirme que Aristote a compris quelque chose d’important à propos de la forme de la valeur,

[ c’est l’erreur fondamentale de Marx. Au contraire, Aristote n’est pas tombé dans l’abîme métaphysique où est tombé Marx. C’est une leçon pour le « délire de la présomption » des modernes qui prétendent tout savoir, se croient maîtres de la nature mon cul, alors qu’il ne savent rien qui vaille ]

et soyons précis, de la forme équivalent, qui tient au rôle de la monnaie. Marx cite Aristote à propos de la forme équivalent pour signaler qu’il met en question la notion de commensurabilité et découvre la monnaie comme support de valeur

[ non, Aristote dit qu’étant donné l’incommensurabilité irrémédiable des marchandises, c’est la monnaie qui rend l’échange possible. Cinq lits et une maison ayant le même prix, il est donc possible d’échanger les cinq lits contre la maison. Il faut lire ce qui est écrit svp ]

(ce qui a tout de même à voir avec « la valeur »). Lorsqu’il y a confusion entre valeur et support de valeur, lorsque le support prend ou perd de la valeur, il y a instabilité, voire crise, monétaire. Mais ce n’est pas ce problème, la chrématistique, connu depuis belle lurette, et réhabilité par M. Jorion avec son projet d’« interdiction des paris sur les fluctuation des prix », que Marx aborde. Marx cite les égalités avancées par Aristote à propos de « 5 lits = » au passage de son étude sur la forme valeur (pas sur la valeur) pour élucider le leurre que constitue la valeur d’échange et faire ressortir le support de valeur plus réel que la monnaie sur lequel s’appuie le mode de production capitaliste. Ce support c’est le temps de travail moyen nécessaire

[  Cette phrase est insensée : le support de cette mention qu’est la valeur est… l’étiquette puisque cette mention est écrite dessus ; quant au capitalisme, il repose sur… l’enculage que permet la généralisation du besoin d’argent. Le salaire a remplacé le fouet. Il n’est plus nécessaire de dresser des chiens pour rattraper et égorger les esclaves en fuite aux USA car le salarié n’a aucun endroit où fuir sinon l’ANPE. Le capitalisme est un mode d’enculage au même titre que l’esclavage stricto sensu et le servage. En résumé : Marx se noie dans la mare à Smith & Ricardo, ce que ne fait pas Aristote qui reconnaît l’incommensurabilité des marchandises. De nos jours les marchandises sont toujours incommensurables comme elles l’étaient du temps d’Aristote. La question n’est pas comment rendre les marchandise commensurables, question stupide ; mais comment rendre les marchandises immédiatement échangeables. Et la réponse est : l’argent, comme du temps d’Aristote puisque l’argent est immédiatement échangeable avec tout ce qui a un prix. Il suffisait d’inventer l’argent, point final. Le reste suit. La question, aujourd’hui, c’est de comprendre cette étrange institution plurimillénaire qu’est l’argent, qui est comme l’air que l’on respire disait Marx, comprendre son pouvoir de coercition. Et ça, ce n’est pas de la tarte. L’air devenant de plus en plus irrespirable, peut-être va-t-on enfin y songer ? ].

Son analyse va si loin qu’elle affecte même la valeur d’usage du travail, rétribuée par l’utilisation du temps comme unité de mesure. Si d’un côté la valeur d’usage du travail est utilisée comme une valeur dans le rapport salarial, donc dans le contexte économique qui existe, et impose aux producteurs l’état de marchandises qui valorisent les autres ; elle est, d’un autre côté, un usage sans valeur, autrement dit une instance d’ordre qualitatif à laquelle les considérations quantitatives imposent ses contraintes mais dont il pourrait être possible de s’affranchir. C’est ainsi que le travail est tout sauf libre dans le mode de production capitaliste, mais que cette aliénation n’est pas fatale.

Quant à la manière dont Marx use des notions de « valeur d’échange » ou de « valeur d’usage », il est évident que Marx ne les crée pas, il les reprend effectivement des économistes classiques (Smith, Ricardo, notamment, mais aussi bien d’autres) [ Smith & Ricardo (et le super crétin J-B Say en prime, ce fut une vraie partouze) ont enfilé Marx jusqu’au trognon ] qu’il critique : des centaines de renvois dans le texte et en notes l’attestent. Que ces économistes classiques aient été influencés par la chrématistique d’Aristote n’est pas non plus un secret ni un malheur, mais contrairement à Marx, ils n’en prolongent pas le raisonnement, ce qui implique une critique de la mesure [ une critique de la mesure. Diantre, où ça ? ], et donc de la commensurabilité [ idem ], et une dialectique entre les notions de quantité et de qualité qui dépasse la relation entre les choses. [ une surface rouge peut être grande ou petite, mais le rouge ne peut-être grand ou petit. Le rouge peut être associé à tel spectre,  saturé ou non, mais la surface rouge ne le peut. ]

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301 J-P Voyer

19 janvier 2010 à 06:42

Cher monsieur (ou madame)

Vous vous méprenez : je ne m’appuie pas sur une traduction particulière du grec pour en déduire que Marx n’a pas compris Aristote. Je voulais simplement vous indiquer que l’on n’est pas obligé de traduire par « besoin » et je montrais donc qu’au moins un traducteur avait traduit par « prix ». Pour Paul Jorion, il n’est question que de prix chez Aristote et non de valeur.

Quant aux raisons desquelles je déduis que Marx n’a pas compris Aristote vous pourrez les trouver à cette adresse :

index_lectures.htm

Sincères salutations.

J-P Voyer [  suite →   ]

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31 Paul Jorion

18 janvier 2010 à 16:47

Marx se trompe à propos d’Aristote. Voir mon Le rapport entre la valeur et le prix, Canadian Review of Sociology and Anthropology, 36.1, 1999 : 37-64 [Les commentaires de Heil Myself ! →]

On peut lire chez Aristote : « … pour chaque objet susceptible d’être possédé, il existe une double manière de l’utiliser ; ces deux usages

[χρῆσίς, Bailly : 1 action de se servir de, usage, emploi || 2 utilité – et non pas : χρεία (comme dans l’Éthique), Bailly : usage, emploi ||… 4 besoin, nécessité. Cf. Politique L 1, C 3, § 11-12 ]

sont liés à cet objet lui-même, mais ne lui sont pas liés de la même façon – l’un est particulier à la chose et l’autre ne lui est pas particulier. Si l’on prend par exemple une chaussure – il y a le fait de la porter comme chaussure et il y a son usage comme objet d’échange ; car l’un et l’autre sont des manières d’utiliser une chaussure, dans la mesure où même celui qui troque une chaussure contre de l’argent ou de la nourriture avec un client qui veut une chaussure[ on peut aussi la lancer au visage du président des États-Unis d’Amérique ], l’utilise en tant que chaussure, bien que pas pour l’usage propre des chaussures, puisque celles-ci ne sont pas apparues dans l’intention qu’on les échange [ en effet, les Indiens des plaines de l’Amérique du nord fabriquaient eux-mêmes leurs célèbres mocassins ]. Et ceci est vrai aussi pour les autres objets susceptibles d’être possédés ; car tous disposent d’une utilisation dans l’échange, qui a son origine dans l’ordre naturel des choses, parce que les hommes avaient plus qu’assez de certaines choses et moins qu’assez de certaines autres » (Politique, I, iii, 8-12).

§ 11. Ἑκάστου γὰρ κτήματος διττὴ ἡ χρῆσίς ἐστιν, ἀμφότεραι δὲ καθ' αὑτὸ μὲν ἀλλ' οὐχ ὁμοίως καθ' αὑτό, ἀλλ' ἡ μὲν οἰκεία ἡ δ' οὐκ οἰκεία τοῦ πράγματος, οἷον ὑποδήματος ἥ τε ὑπόδεσις καὶ ἡ μεταβλητική. Ἀμφότεραι γὰρ ὑποδήματος χρήσεις· καὶ γὰρ ὁ ἀλλαττόμενος τῷ δεομένῳ ὑποδήματος ἀντὶ  νομίσματος ἢ τροφῆς χρῆται τῷ ὑποδήματι ᾗ ὑπόδημα, ἀλλ' οὐ τὴν οἰκείαν χρῆσιν· οὐ γὰρ ἀλλαγῆς ἕνεκεν γέγονε. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον ἔχει καὶ περὶ τῶν ἄλλων κτημάτων. Ἔστι γὰρ ἡ μεταβλητικὴ πάντων, ἀρξαμένη τὸ μὲν πρῶτον ἐκ τοῦ κατὰ φύσιν, τῷ τὰ μὲν πλείω τὰ δὲ ἐλάττω τῶν ἱκανῶν ἔχειν τοὺς ἀνθρώπους 

§ 11. Toute propriété a deux usages, qui tous deux lui appartiennent essentiellement, sans toutefois lui appartenir de la même façon : l’un est spécial à la chose, l’autre ne l’est pas. Une chaussure peut à la fois servir à chausser le pied ou à faire un échange. On peut du moins en tirer ce double usage. Celui qui, contre  de l’argent ou contre des aliments, échange une chaussure dont un autre a besoin, emploie bien cette chaussure en tant que chaussure, mais non pas cependant avec son utilité propre ; car elle n’avait point été faite pour l’échange. J’en dirai autant de toutes les autres propriétés ; l’échange, en effet, peut s'appliquer à toutes, puisqu’il est né primitivement entre les hommes de l’abondance sur tel point et de la rareté sur tel autre, des denrées nécessaires à la vie.

Traduction : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE

   

J’en profite, au passage, pour régler la question de l’acception d’ἀντὶ dans  ce contexte. Il ne peut être traduit que par « contre » mais surtout pas par « égal ». Seul l’argent peut être égal, plus petit, plus grand que de l’argent mais non pas les sandales. L’idée de Marx d’employer le signe « = » pour formaliser son raisonnement est donc une très mauvaise idée qui incite à l’erreur. Il n’y a pas d’égalité dans l’échange marchand, sinon l’égalité des prix. Ce sont les prix, c’est à dire la monnaie, comme le dit Aristote, qui permettent la nécessaire égalité indispensable pour que soit respectée la justice.

Vingt-trois siècles plus tard on peut lire sous la plume de Karl Marx, « Toute marchandise se présente toutefois sous le double aspect de valeur d’usage et de valeur d’échange (cf. Aristote, De la République, 1. I, chap. IX, édit. Bekker, 1837) : “Car l’usage de chaque chose est de deux sortes : l’une est propre à la chose comme telle, l’autre non : une sandale par exemple, sert de chaussure et de moyen d’échange. Sous ces deux points de vue, la sandale est une valeur d’usage. Car celui qui l’échange pour ce qui lui manque, la nourriture, je suppose, se sert aussi de la sandale comme sandale, mais non dans son genre d’usage naturel, car elle n’est pas là précisément pour l’échange. Il en va de même pour les autres marchandises.” » (Introduction générale à la critique de l’économie politique ; Marx 1965 [1859] : 277-278)

Aucun doute n’est possible pour le lecteur : le passage d’Aristote auquel Marx renvoie est bien celui que j’ai cité pour commencer, le deuxième texte entend reproduire le premier. Pourtant dans le texte du philosophe grec, il est question de deux utilisations possibles, et non de deux valeurs comme chez l’économiste allemand. Aristote évoque deux usages possibles pour une chaussure, en user, c’est-à-dire l’utiliser personnellement jusqu’à l’user, ou bien l’échanger ; alors que dans le texte de Marx il est question de deux valeurs possibles pour une chaussure, sa valeur d’usage et sa valeur d’échange. Que s’est-il donc passé au cours de ces vingt-trois siècles pour qu’un lecteur qui n’est pas parmi les moins avisés, en vienne à lire « valeur » là où il était écrit « usage » ?

Marx, comme bon nombre de ses contemporains, décèle une problématique de la valeur là où celle-ci n’avait pas été mentionnée par Aristote, et il va plus loin puisqu’il considère que cette problématique était présente chez son illustre prédécesseur, mais que celui-ci l’avait abordée de manière inappropriée. Marx n’écrit-il pas dans la Première section du Capital consacrée à la marchandise, à propos de la théorie du prix exposée par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque (cf. Jorion 1992) : « … Aristote nous dit lui-même où son analyse vient échouer – contre l’insuffisance de son concept de valeur » (1965 [1867] : 590) ? L’insuffisance du concept de valeur chez Aristote, c’est en réalité que celui-ci a jugé son analyse suffisante bien qu’il se soit passé entièrement du concept de valeur.

La distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange, se trouve parfaitement définie par Adam Smith dans les termes suivants : « Le mot VALEUR, il faut le noter, a deux significations, et exprime parfois l’utilité d’un objet particulier, et parfois le pouvoir d’acheter d’autres marchandises que la possession de cet objet implique. L’une peut être appelée “valeur d’usage”; l’autre, “valeur d’échange” » (Smith 1976 [1776] : 44)

[ A big mistake of Smith & Wesson : not « le pouvoir d’acheter » ; but « la possibilité d’acheter » That is the value. Je n’avais jamais remarqué cette faute auparavant ].

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Schizosophie [  → inséré le 24/06/2011 et présenté comme « billet invité » sur le blog de Jorion →  ]

24 juin 2011 à 19:14

(…)

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32 Schizosophie

18 janvier 2010 à 22:06

@ Paul Jorion

« Que s’est-il donc passé au cours de ces vingt-trois siècles pour qu’un lecteur qui n’est pas parmi des moins avisés, en vienne à lire ”valeur” là où il était écrit “usage” ? »

Bonne question. Au cours de ces vingt-trois siècles, il s’est passé que l’histoire est passée au mode de production capitaliste, lequel change l’usage en valeur

[ cette expression n’a pas de sens. Ce qui a lieu, c’est la transformation de toutes choses en marchandises, c’est à dire en choses produites en vue de la vente (définition expéditive des marchandises par Polanyi) avec pour condition nécessaire que les esclaves salariés touchent de l’argent puisque leur nourriture est elle aussi produite pour la vente. Ce qui a lieu c’est que l’usage général (la vente) prévaut sur l’usage particulier (l’utilité) avec les conséquences que l’on peut constater chaque jour et partout ]

et progressivement tout usage (et plus seulement des esclaves ou des choses déjà produites) en valeur d’échange. Autrement dit, durant ces vingt-trois siècles, la valeur d’échange l’a emporté sur l’usage.

[ non la vente, l’usage général, l’emporte sur l’usage particulier : il n’est possible d’atteindre les usages propres que par l’intermédiaire de l’usage général ]

Vous auriez raison si Marx lisait « valeur d’usage » là où Aristote écrit « usage ». Mais Marx écrit volontairement [ ça, je m’en doute. C’est ce qui constitue son erreur fondamentale ] « valeur d’usage » là où Aristote parle d’usage. Car Marx ne cherche pas à traduire Aristote [ il aurait mieux fait ], il confronte (comme souvent) la pensée d’Aristote à celle des économistes [ pour son malheur ]. C’est précisément pourquoi Marx se sert du texte d’Aristote que vous citez comme d’un palimpseste. Selon Marx, Aristote avait déjà compris la distinction de Smith,

[ non heureusement pour Aristote car la distinction de Smith est merdeuse : elle est une parfaite régression par rapport à la distinction d’Aristote entre usage propre et usage général : dans le cas des marchandises ordinaires, l’usage propre et l’usage général s’opposent, dans le cas de l’argent, l’usage propre et l’usage général se confondent : l’usage propre de l’argent est l’échange ]

certes avec d’autres mots,

[ bien meilleurs parce qu’ils permettaient d’atteindre la vérité ]

remarquez qu’il ne prend pas la peine de le citer ni de le traduire comme il le fait à propos du passage de l’Éthique à Nicomaque dans le Capital,

[ sa traduction est douteuse car anti signifie aussi « en échange de » (Bailly). Si Aristote a écrit effectivement qu’une maison est égale à cinq lit, il commet une faute ; mais il a une excuse puisque Euclide n’était pas encore né. Une maison, jamais, ne sera égale à cinq lits. Cette expression est parfaitement fantaisiste. La vérité, c’est qu’une maison peut s’échanger contre cinq lits. Si quelqu’un sachant lire le grec pouvait me donner son avis sur la traduction d’anti dans ce passage, je lui en serais reconnaissant. ]

mais qu’il se contente de renvoyer à la source en en restituant le raisonnement après l’avoir introduit avec le vocabulaire des économistes. Pas plus Aristote que Smith n’a montré que le travail était la source de la valeur. Dans ce passage de L’Introduction à l’économie politique, Marx veut montrer que les économistes classiques ne sont pas allé plus loin qu’Aristote [ en bons bourgeois, ils n’ont rien compris à Aristote ], et par là qu’ils ne comprennent pas le mode de production qui leur est contemporain.

Marx utilise d’ailleurs pour lui-même la distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange. Par exemple, il explique qu’en 1867 il reste des valeurs d’usage qui ne sont pas des valeurs, il s’agit de tout ce qui n’est pas marchandise.

[ quelle formulation absurde : « une valeur d’usage qui n’est pas une valeur ». Cela signifie tout simplement qu’il y a encore des choses qui ne sont pas des marchandises, même des choses produites par l’activité humaine (le purin d’orties par exemple). Où y a-t-il des valeurs d’usage dans le monde, où peut-on voir cela ailleurs que dans la prose de Smith ? ]

« Une chose peut être valeur d’usage sans être une valeur. Il suffit pour cela qu’elle soit utile à l’homme sans qu’elle provienne de son travail. Tels sont l’air, des prairies naturelles, un sol vierge, etc. » En notre époque présente de capitalisme converti à l’écologie, si ce n’est l’inverse, il est clair que cet espace sans valeur se réduit encore.

L’insuffisance du concept de valeur, plus précisément de la notion de commensurabilité, chez Aristote c’est que Marx l’a démystifié en trouvant le travail (autrement dit l’usage de presque tous les hommes par leur mise en valeur au moyen des appareils de production et de leur dévotion à la valeur d’échange) comme sa source. « L’économie politique a bien, il est vrai, analysé la valeur et la grandeur de valeur, quoique de manière très imparfaite. Mais elle ne s’est jamais demandé pourquoi le travail se représente dans la valeur, et la mesure du travail par sa durée dans la grandeur de valeur des produits. Des formes qui manifestent au premier coup d’œil qu’elles appartiennent à une période sociale dans laquelle la production et ses rapports régissent l’homme

[ certainement pas la production qui ne produit rien, qui est une simple catégorie, un classement dirait Fourquet, mais bien l’argent qui ne produit rien non plus mais qui n’en agit pas moins par l’entremise de l’implacable besoin d’argent ]

au lieu d’être régis par lui paraissent à sa conscience bourgeoise une nécessité tout aussi naturelle que le travail productif lui-même. »

Ces deux citations de Marx, dans la traduction Jules Roy, sont situées de par et d’autre du développement sur la forme valeur dans le chapitre I, 1re section du Capital, ce n’est pas un hasard. Marx y explique clairement quelques lignes plus haut, en traduisant lui-même et en citant les passages en grec entre parenthèses, la manière dont « Aristote nous dit lui-même où son analyse vient d’échouer – contre l’insuffisance de son concept de valeur », que vous avez bien raison de rappeler :  « “L’échange, dit-il [Aristote], ne peut avoir lieu sans l’égalité, ni l’égalité sans la commensurabilité”.

[ Aristote a bien raison mais il n’est besoin pour cela de recourir à une mystérieuse grandeur ; il le dit bien, l’argent et les prix suffisent pour cela car les prix sont commensurables et peuvent donc être égaux sans être pour autant des mesures ou des grandeurs pour les choses échangées ]

Mais ici il hésite et renonce à l’analyse de la forme valeur. “Il est, ajoute-t-il, impossible en vérité que des choses si dissemblables soient commensurables entre elles

[ Aristote a bien raison de renoncer, tandis que Marx bat la campagne ; de plus Aristote ajoute que c’est pourquoi l’argent fut inventé. Notons que même des choses semblables ne sont pas commensurables, seules des grandeurs peuvent être commensurables et, éventuellement, égales ], c’est-à-dire de qualité égale [ ça, c’est Marx qui le dit et c’est une absurdité ] ».

Or il est une qualité rendue égale par sa mesure en durée :

[ cette expression est insensée, on ne peut mesurer une qualité, on ne peut mesurer que des grandeurs. La durée est bien une grandeur mais la mesure de cette grandeur ne saurait rendre égales des qualités, ni des choses. Ne peuvent être égales que deux durées ]

« Quoi donc ? Le travail humain », dit Marx à la fin du court paragraphe initié par l’aveu d’échec d’Aristote.

Marx-qui-n’est-pas-économiste, nous parle d’un temps, le sien et le nôtre, où l’échange contredit l’usage et n’est pas une autre utilisation comme une autre.

[ l’échange n’était déjà pas une utilisation comme une autre du temps d’Aristote (et encore moins chez les sauvages). De tout éternité humaine, l’échange est l’utilisation générale. La différence est que du temps d’Aristote les Grecs savaient qu’ils avaient besoin les uns des autres tandis qu’aujourd’hui les TDC « ont des besoins » et se prennent pour des citoyens alors qu’ils ne sont que des chitoyens. Le client, ce connard, cette amère loque, est roi, roi des cons. Si j’en juge par les interventions sur le site de Jorion cela est bien compris par un grand nombre de personnes ]

Il n’existe pas de juste valeur d’échange,

[ il n’existe pas du tout de valeur d’échange, il n’y a que des prix ]

ni de juste valeur

[ il n’existe, éventuellement, qu’un juste prix ].

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33 Schizosophie

19 janvier 2010 à 11:43

[ @ J-P Voyer →   ]

Vous reconnaîtrez sans doute que les deux premières phrases de votre intervention précédente : « Je vous prie de noter que le mot “valeur” n’est jamais employé dans cette traduction particulièrement élégante de Bodéüs. À mon humble avis, employer le mot valeur dans une traduction d’Aristote est un anachronisme. » inclinent à ce genre de méprise quant à vos intentions. Par ailleurs la notion de « besoin » n’est pas du tout en jeu dans l’usage que Marx fait d’Aristote quant à la question de la forme valeur.

[ Mais Aristote, si j’en crois les traducteurs, y a recours et je conteste cette traduction comme un anachronisme ]

Enfin, je comprends d’autant moins l’originalité de votre argumentaire

[ cette originalité réside dans le fait que, mettant Lebesgue à contribution,  je soutiens que le prix du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin, et que de ce fait le nombre prix ne mesure rien sinon une quantité d’argent et que le rapport marchand n’est ni une égalité, ni une équation, ni une mesure (un rapport au sens de quotient) mais… un échange. Cf. ci-dessous. Vous avez déjà cela quelque part ? ]

que le lien que vous proposez renvoie, à propos d’Aristote et de Marx, à Paul Jorion

[ ce lien renvoie à la table thématique de toutes mes notes sur mon site ], c’est-à-dire à ce dont nous parlons ici.

Ne serait-il pas dommageable que cette « disputatio » tournât en boucle ?

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331 J-P Voyer

19 janvier 2010 à 12:57

Non Monsieur (ou Madame), je ne renvoie pas à Paul Jorion. Vous vous êtes trompé de rubrique (il y en a beaucoup sur la page). Je renvoie au Pr Lebesgue.

Voici à quoi je renvoie :

« Lecture de l’Éthique à Nicomaque Traduction Gauthier-Jolif. Je lis un passage de l’Éthique avant de lire un article de Jorion qui traite de ce passage. J’applique à Aristote ce que j’ai appris dans La Mesure des grandeurs du Pr Henri « Tarababoum» Lebesgue.

» Marx lit Aristote J’applique à la lecture d’Aristote par Marx ce que j’ai appris dans La Mesure des grandeurs et j’éclaircis les innombrables confusions de Marx dans ce passage.

» Le Capital, Zambèze de non sens Idem

» La Mesure des grandeurs par Henri Lebesgue. J’ai interrompu ma lecture systématique de Richesse et puissance de Fourquet au chapitre 8 « Valeur et richesse » pour entreprendre la lecture de Lebesgue et régler une bonne fois pour toute cette question de mesure de la richesse. Une grandeur est un nombre. Mais tous les nombres ne sont pas des grandeurs. Un nombre est une grandeur selon le corps auquel on l’attache. Exemple : la hauteur d’une pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide mais seulement pour le segment de droite qu’est cette hauteur. Les nombres longueur et masse sont des grandeurs pour le boudin mais… le nombre diamètre du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin, ce nombre est une grandeur seulement pour la peau des boudins de la famille des boudins de k mètres… Étonnant ! nan ? Conclusion : il faut être prudent pour attribuer la dignité de grandeur à un nombre. Avec ça je vais pouvoir faucher toutes les sottises qui ont été dites sur la valeur et le « rapport » marchand. Le seul rapport dans le rapport marchand, c’est l’échange. Aristote et Marx ont tort et ils ne sont pas les seuls hélas. Remarque : si une grandeur est un nombre, l’économie c’est des nombres. Quand les nombres sont bons, on dit que l’économie va bien ; quand les nombres sont mauvais, on dit que l’économie va mal. C’est tout. Qu’est-ce que l’économie ? Personne ne sait mais tout le monde fait semblant de le savoir. Les dictionnaires disent que c’est un ensemble de… Quine dit que « ensemble de… » est un opérateur. Un ensemble ne peut aller ni bien, ni mal, un ensemble ne peut être ni rouge, ni bleu, etc. Un ensemble n’est aucune partie du monde. »

Je n’ai jamais prétendu que Marx renvoie à la notion de besoin,

[ c’est seulement Aristote qui y renvoie et encore à condition qu’il n’y ait pas anachronisme du fait de la traduction ]

j’ai juste signalé, au passage et pour votre bénéfice, que ce traducteur que je trouve supérieur aux autres pour n’être pas tombé dans le piège de « valeur » au lieu de « prix » est cependant tombé dans le piège des « besoins ». Chez les grecs et en français jusqu’à 1840, la notion d’ « avoir des besoins » n’existait pas. On pouvait « avoir besoin de » ou bien « tomber dans le besoin ». Chez les Grecs « besoin » a le sens de misère, tomber dans la misère. Au lieu de faire deux anachronisme, Bodéüs n’en fait qu’un. C’est pourquoi je le trouve supérieur aux autres. Il est un traducteur anglais [ Ross ] qui n’en fait aucun. Je vous laisse le soin de rechercher sur mon site. Je n’ai guère de temps.

Sincères salutations

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332 Schizosophie [ corrige le professeur Lebesgue ]

19 janvier 2010 à 20:31

S’il s’agit de dire que l’économie est un délire de la mesure,

[ non, il  ne s’agit pas de ça puisque la monnaie ne mesure rien du tout sinon elle-même ; non, parce qu’il ne s’agit pas de mesure dans l’échange marchand ; non, parce que je dis que l’économie n’a pas d’existence réelle (chosique) parce qu’elle est seulement un classement (Fourquet). Est-ce donc si banal ? Certes, je ne suis plus le seul à soutenir ces choses aujourd’hui et c’est tant mieux ]

nous sommes bien d’accord. Mais c’est d’une banalité aussi partagée que de dire que le monde est fou.

[ je dis que le prix du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin (est-ce donc si banal que ça ?) et  je le prouve grâce à un théorème du Pr Lebesgue et en tire les conséquences. Cf. ci-dessous et Le Capital, Zambèze de non sens ]

Il est bien plus intéressant de comprendre comment ce délire opère et qu’elle est son efficience, car pour l’heure elle existe encore ; il s’agit surtout de comprendre sur quoi ce délire repose, pour pouvoir y mettre un terme. Que je sache nous ne vivons encore ni sans argent (l’autre côté du spectacle) ni sans rapport salarial [ où ai-je jamais nié cela ? ].

Le professeur Lebesgue, au travers duquel vous dites lire Marx, ne met pas en rapport des qualités avec des quantités,

[ évidemment, il n’est pas stupide. Il se contente de démontrer que la longueur du segment hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide. Il s’ensuit que la grandeur prix (un nombre) n’est pas une grandeur pour le boudin. Le rapport marchand ne met pas en rapport des qualités et des quantités, il met en rapport une quantité de patates et une quantité d’argent et ce rapport est… l’échange. L’échange marchand met en rapport deux quantités mais ce rapport n’est pas un quotient, une mesure. Point final. Ne cherchez pas sous le réverbère sous prétexte qu’il y fait clair. Vous n’y trouverez que l’obscurité ]

rien d’étonnant par conséquent que votre lecture fasse l’économie de la dialectique entre valeur d’usage et valeur d’échange.

[ vous ignorez parfaitement que ces expressions sont dénuées de sens. Je ne suis plus seul aujourd’hui à le soutenir. La prétendue valeur d’usage, c’est l’utilité du côté de l’acheteur et la prétendue valeur d’échange c’est l’utilité du côté du vendeur ]

Je le cite, sans savoir s’il a cette problématique en tête : « Une grandeur est un nombre. Mais tous les nombres ne sont pas des grandeurs. Un nombre est une grandeur selon le corps auquel on l’attache. Exemple : la hauteur d’une pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide mais seulement pour le segment de droite qu’est cette hauteur. », dit-il. Eh bien non.

[ Schizosophie corrige le professeur Lebesgue, qu’il n’a pas lu ! C’est osé ! Il soutient donc que la longueur de la hauteur de la pyramide est une grandeur pour la pyramide sans nous apporter la moindre preuve. Il se contente de dire non. C’est pourquoi j’ai publié ci-dessous la démonstration de Lebesgue. Schizosophie soutient que la hauteur est une qualité, comme la blancheur. Quand bien même vous mesureriez cette qualité en supposant que ce soit possible, vous trouverez toujours une longueur et jamais une aire ou un volume. ]

La hauteur est une qualité et un corps est pourvu d’une grandeur selon la qualité à laquelle on le rapporte.

[ ce passage m’a tout l’air d’être du charabia : il se trouve que la hauteur de la pyramide est un segment de droite, ainsi que le Pr Lebesgue prend la peine de le préciser, et non pas… une qualité ! « La hauteur » est le nom d’un segment de droite, au même titre que la médiane ou que les arêtes de la pyramide. Tous ces segments de droite ont une longueur que l’on peut mesurer. On dit par abréviation : « la hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour… » alors que l’on devrait dire : « la longueur de la hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour… » de même que l’on doit dire « l’aire de la surface… ». Et pour tous ces segments, lorsque vous les mesurez, vous trouvez toujours… une longueur. Et la question de l’attachement de cette longueur demeure entier. La pyramide possède bien une hauteur, mais la grandeur mesurée de cette hauteur n’appartient pas à la pyramide mais seulement au segment de droite qui a pour nom hauteur de la pyramide. Voilà pourquoi : ]

« 88. — Lorsque deux grandeurs G et G1 sont définies pour la même famille de corps si, pour tous les corps pour lesquels G a une même valeur quelconque g, G1 a une même valeur g1, entre g et g1 existe la relation g1 = kg, k  étant une constante. »

Conséquences : Quand deux nombres définis pour un corps ne satisfont pas cette relation, l’un d’eux, au moins, n’est pas une grandeur pour ce corps.

On utilisera le mètre ou la coudée pour dire sa hauteur ou sa longueur

[ non, il ne s’agit pas de dire, il s’agit de mesurer ; on mesure les segments de droite qui constituent sa hauteur, sa longueur (simple homonyme) etc… Précisément : la valeur ne fait rien d’autre que dire le prix. Elle n’est pas une mesure, elle n’est pas une grandeur, elle est une publication ]

ou la poignée ou le litre pour dire son volume.

[son volume est une grandeur qu’il s’agit de mesurer, le volume est au corps ce que l’aire est à la surface. Charabia, charabia, charabia. ».

 27/06/2011 « On remplacera des raisonnements un peu douteux ou franchement inadmissibles c’est le cas icipar des raisonnements corrects en démontrant que l’on a affaire à des grandeurs » (Pr Lebesgue). L’originalité de ma démarche — originalité hélas car je n’en vois nulle autre pareille — est de lutter contre l’emploi abusif des notions de grandeur, de mesure, de relation d’égalité, d’égalisation, de proportion, de nombre, de prétendue commensurabilité, de prétendue équivalence ;

il ne s’agit pas de comprendre ce qui rend les marchandises prétendument commensurables mais échangeables (un œuf de Christophe Colon) : les nombres prix, grandeurs attachées à l’argent par une mesure et non par une étiquette, les nombres prix sont seuls commensurables – puisqu’ils sont des nombres, Lebesgue : « les grandeurs sont des nombres » et non pas des segments de droite – et non pas les marchandises, ni quoi que ce soit de caché dans les marchandises, meuh ! —

quant à la valeur, étant donné qu’elle est seulement une « mention » (Jorion, cf. avantage du terme « mention » sur le terme « idée » : l’idée est le sens de la mention – Frege) on ne peut pas additionner des mentions (ou des idées) et les mentions (ou les idées) ne sauraient être commensurables (j’ai découvert cela en 1976). etc., emploi abusif qui se donne libre cours depuis le XIIIe siècle et redouble à partir de la fin du XVIIIe siècle : une foisonnante métaphysique. J’y applique la méthode du Dr Wittgenstein et je l’ai appliquée longtemps sans le savoir. Je n’ai lu Wittgenstein qu’il y a une dizaine d’années, Frege en 2003, Bolzano, maintenant, Peirce aussi. Sur ce point, celui de la prétendue commensurabilité des marchandises, Aristote et Marx communient dans l’erreur.  Mieux : Aristote admet que les marchandises ne peuvent être commensurables. De ce fait il ne commet pas la faute de Marx, ce qui montre que la démarche de Marx est une régression par rapport à la sagesse d’Aristote. Marx s’obstine à démontrer que les marchandises pour être immédiatement échangeables doivent être commensurables — chose de toute façon impossible puisque seules les grandeurs peuvent l’être — grâce à une grandeur commune cachée, alors que pour être immédiatement échangeables il suffit qu’elles aient un prix pas du tout caché et même très public. Heil  Jorion ! Meuh !

Au début de son raisonnement, Marx s’enquiert d’une qualité universelle à laquelle puisse être rapportée toutes choses pour comprendre sur quoi repose la valeur d’échange. L’enjeu étant pour lui qu’il ne peut pas s’agir simplement de la monnaie, parce que la monnaie est à la fois valeur et support de valeur, d’où le paradoxe de la chrématistique, facteur de crise permanente qui n’aurait pas garanti la formidable avance financière qu’implique le mode de production capitaliste. Pour trouver ce « quelque chose de commun » il évacue les propriétés naturelles géométriques, physiques, chimiques, etc. car les qualités naturelles qu’elles induisent, par exemple, le volume, la pesanteur, la viscosité, « n’entrent en considération qu’autant qu’elles leurs donnent une utilité qui en fait des valeurs d’usage ». Ce n’est pas ce qu’il cherche. Je saute les étapes jusqu’à ce qu’il en arrive à une qualité universelle, le temps [ je doute que le temps soit une qualité, mais la qualité du temps est de passer : tel est le temps ], pour mesurer la valeur d’usage sur laquelle repose effectivement le mode de production capitaliste, à savoir le travail [ l’usage du travail est l’enculage : les capitalistes enculent les travailleurs. Voilà quel usage ils font du travail et des travailleurs ]. Il parvient, comme support de la valeur d’échange, au temps de travail social (parce qu’induit par la relation entre les producteurs et les propriétaires de l’appareil de production, lequel génère certains types de consommation) moyen nécessaire.

C’est pourquoi le rapport salarial est fondamental au capitalisme [ mais il ne l’est pas aux travailleurs ] et c’est pourquoi on ne se défera de ce mode de production [ ce n’est pas un mode de production mais un mode d’esclavage, un mode de domination ] qu’en se défaisant de ce rapport. Que ni les marxistes ni les capitalistes assumés ne l’aient fait est une évidence désormais historique (que certains avaient perçu dès le début des terribles expériences prétendument communistes), mais pas une fatalité. A en rester au constat, éventuellement indigné ou colérique, des vicissitudes de la monnaie, souvent bien analysées par Paul Jorion, on en demeure spectateur.

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333 J-P Voyer

19 janvier 2010 à 21:47

De quoi parlez-vous ?

[ Longue citation de Lebesgue ]

< Le prix du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin >

< et donc encore moins une mesure du boudin >

La Mesure des grandeurs par Henri Lebesgue

 < Un peu d’histoire >

/92/ 63. — Auparavant, un court résumé historique nous renseignera sur les difficultés à éviter et fera comprendre la nécessité de certaines précautions.

Pour les Anciens, les notions de longueur, d’aire, de volume étaient des notions premières, claires par elles-mêmes sans définitions logiques. Les axiomes, presque tous implicites, qu’ils utilisaient pour les évaluations n’étaient pas, à leurs yeux, des définitions de ces notions. Il s’agissait toujours pour eux de la place occupée par la ligne, la surface ou le corps dans l’espace. La difficulté ne commençait que lorsqu’il s’agissait de mesurer cette place, de lui attacher un nombre et cette difficulté est uniquement l’existence des incommensurables. D’où l’aversion pour les nombres, les efforts faits pour ne les utiliser que le plus tardivement possible, les habiletés étranges de présentation employées, qui ont déjà été signalées, par exemple aux § 14 et 20.

Cauchy, le premier, fournit une définition logique de ces notions ; il le fit incidemment et en quelque sorte sans le vouloir.

On a vu dans les deux chapitres précédents comment on peut élucider les notions d’aire d’un domaine plan et de volume d’un corps en les dépouillant de leur sens métaphysique, en les considérant comme des nombres et en construisant ces nombres par la répétition indéfinie des opérations mêmes qui étaient considérées auparavant comme fournissant approximativement les mesures des aires et volumes à cause d’axiomes, de postulats non énoncés explicitement et dont l’énonciation explicite, ou la démonstration, fournit la définition logique cherchée. On sait que Cauchy construisit, par un procédé analogue, l’intégrale définie des fonctions continues et démontra ainsi l’existence des fonctions primitives.

Ce faisant, Cauchy définissait logiquement non seulement l’aire d’un domaine plan, le volume d’un corps, mais, puisqu’il donnait la définition logique de :

(x’2 + y’2 + z’2) ½ dt

et de :

⌠⌠ (1 + p2 + q2) ½ dx dy

⌡⌡

il inaugurait le mode de définition de la longueur que je signalais tout à l’heure, § 62, et suggérait une définition analogue pour l’aire. /93/

Du point de vue logique la question est entièrement traitée ; fixons bien ce qui a été atteint.

On dit souvent que Descartes — il conviendrait au moins d’ajouter au nom de Descartes celui de Fermat – a ramené la Géométrie à l’Algèbre ; ceci pourtant n’était pas vrai tant qu’il fallait faire appel aux notions géométriques : longueurs, aires, volumes. Ce n’est qu’après Cauchy que le rattachement des notions géométriques à des opérations de calcul a été effectué. Alors la Géométrie a bien été réduite à l’Algèbre, c’est-à-dire, puisque le nombre en général résulte de la mesure des longueurs (chapitre II), que la géométrie du plan et celle de l’espace ont été ramenées à la géométrie de la droite.

Pour arriver à ce qu’on appelle l’arithmétisation de la géométrie, il ne restait plus qu’à définir le nombre en général à partir des entiers sans parler de mesures, d’opérations effectuées sur la droite et c’est ce que permet l’emploi d’une coupure, c’est-à-dire ce qu’on obtient en utilisant une fois de plus le procédé de Cauchy consistant à prendre comme définition les opérations mêmes qui permettent l’évaluation approchée du nombre à définir. Car la donnée d’une coupure n’est pas autre chose, cela a déjà été dit, que l’exposé en termes abstraits du résultat d’une mesure de longueur.

64. — Nous voici donc parvenus à la forme la plus abstraite, la plus purement logique d’exposition par l’emploi constant de cette sorte de renversement qui servit d’abord à Cauchy. Et pourtant, ni le Géomètre, qui voudrait comprendre quels liens géométriques unissent les lignes, surfaces ou corps à leurs lon­gueurs, aires et volumes, ni le Physicien, qui voudrait savoir pourquoi il faut assimiler les longueurs, aires et volumes phy­siques à telles intégrales plutôt qu’à d’autres, ne sont satisfaits. Des études s’imposaient. (…)

< Définition >

/131/ (…) La notion que nous préciserons n’englobera pas toutes celles auxquels s’appliquent les différents sens donnés au mot grandeur [ ainsi, Lebesgue ne traite pas des grandeurs d’état, or le prix est aussi une grandeur d’état, ainsi que la température. La température du boudin est associée à l’agitation du boudin sans considération du chemin qui a amené à cette température et le prix du boudin est associé  l’agitation du… marché et non pas du boudin, sans considération du chemin (autrement dit sans considérations de proportionnalité). Donc, dans tous les sens, le prix n’est pas une grandeur pour le boudin. À moi les palmes académiques ] ; nous savons qu’il faut savoir se restreindre et nous ne nous proposons nullement d’atteindre la plus grande généralité possible, mais seulement une extension qui ne diminue pas la portée qu’on entend actuellement donner au chapitre sur la mesure des grandeurs.

86. — Examinons donc quelles sont les parties communes aux diverses définitions des chapitres précédents et, puisque les masses physiques sont aussi considérées comme des types par­faits de grandeur, nous retiendrons celles de ces parties qui peuvent être transposées au cas des masses. La longueur d’un segment ou d’un arc de cercle, l’aire d’un polygone ou d’un domaine découpé dans une surface, le volume d’un polyèdre ou d’un corps ont été définis comme des nombres positifs attachés à des êtres géométriques et parfaitement définis par ces êtres, au choix de l’unité près ; c’était la condition α . Le cas des masses nous conduit à poser cette première partie de la définition, qui sera composée de deux parties a) et b). /132/

a) Une famille de corps étant donnée, on dit qu’on a défini pour ces corps une grandeur G si, à chacun d’eux et à chaque partie de chacun d’eux, on a attaché un nombre positif déterminé.

On rappellera le procédé qui a permis de déterminer le nombre en donnant un nom à ce nombre, à cette grandeur : longueur, volume, masse, quantité de chaleur, etc. ; on dit aussi que l’on a mesuré la longueur, le volume, etc. Le procédé physique de détermination ne permet en réalité d’atteindre un nombre qu’à une certaine erreur près ; il ne permet jamais de discriminer un nombre de tous ceux qui en sont extrêmement voisins. On imagine donc, comme nous l’avons fait dans le cas du procédé de mesure de la longueur d’un segment, que le procédé est indéfi­niment perfectible jusqu’à conduire à un seul nombre, entièrement déterminé.

La famille des corps envisagée variera d’une grandeur à une autre ; tous ces corps pourront, être assimilables à des segments de droite dans certains cas, dans d’autres à des arcs de courbes, dans d’autres encore à des domaines superficiels, dans d’autres à des parties de l’espace ; même, dans les enseignements moins élémentaires, on pourra considérer des portions d’espaces à plus de trois dimensions ou de variétés plongées dans de tels espaces.

87. — Le cas des masses montre que nous ne devons pas songer à généraliser la condition γ)  des chapitres précédents ; à deux corps géométriquement égaux pourront correspondre deux nombres différents comme mesure de la grandeur G pour ces corps. Par contre, la condition β)  est généralisable et elle est essentielle :

b) Si l’on divise un corps C en un certain nombre de corps partiels C1, C2,…, Cn, et si la grandeur G est, pour ces corps, g d’une part, g1, g2, …, gp d’autre part, on doit avoir :

g = g1 + g2 + … + gp

Cette condition précise celle que nous avons critiquée plus haut : on doit pouvoir parler de la somme de deux grandeurs ♣. Dans tout ce qui précède nous avons laissé au mot corps un caractère imprécis analogue à celui donné auparavant au mot /133/ domaine ; il est clair que, en géométrie ou en physique théorique, on pourrait préciser le sens logique donné à ce mot. En géométrie, en particulier, on pourra donner au mot corps un sens plus ou moins large, par exemple celui d’ensemble ou de figure ; seulement il faudra, dans chaque cas, avoir défini ce qu’on appellera un partage de la figure totale en parties. Même, la grandeur pourrait ne pas être attachée à des données de nature géomé­trique mais à des données de nature plus variée. Ici, l’examen des corps assimilables géométriquement à des domaines découpés dans l’espace, ou sur des surfaces, ou sur des courbes nous suffira.

Dans le § 21 de mon Enquête, j’affirmais que l’on ne peut additionner ni soustraire de valeur. J’affirmais ainsi, à mon insu, que la valeur n’est pas une grandeur. Ce qu’on additionne et qu’on appelle improprement valeur, ce sont des quantités d’argent, c’est à dire des mesures d’une grandeur attachée aux corps en argent et seulement à eux. Cela ne signifie pas que seuls les corps en or ont une masse qui leur soit attachée, mais que dans le cas qui nous occupe la valeur est la mention d’une masse d’un corps en or. Cela ne changerait rien si la valeur était exprimée en vierges (ou en verges). Elle n’en demeurerait pas moins une mention d’un nombre de vierges et seulement une mention. C’est seulement le nombre de vierges que l’on peut additionner à un autre nombre de vierges. La mention qu’est la valeur aurait alors la forme : « Tel objet vaut quatre vierges » ce qui signifie que tel objet peut s’échanger contre quatre vierges. C’est la possibilité qui est un fait social total.

< Théorème >

/133/ (…) La famille des corps est d’ailleurs assujettie à une condition qu’on peut laisser sous-entendue dans l’enseignement élémentaire, mais dont la nécessité, au point de vue logique, va apparaître à l’occasion de la démonstration de l’unique théorème qui, avec la définition posée, constitue toute la théorie des grandeurs.

88. — Lorsque deux grandeurs G et G1 sont définies pour la même famille de corps si, pour tous les corps pour lesquels G a une même valeur quelconque g, G1 a une même valeur g1, entre g et g1 existe la relation g1 = kg, k étant une constante.

Pour démontrer la propriété précédente (…) etc.

< Conséquences >

/136/ (…) Voici maintenant des observations qu’il conviendrait de faire noter aux élèves : la longueur de la hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur attachée à la pyramide, mais est une grandeur attachée au segment hauteur ; l’aire de la surface d’un polyèdre n’est pas une grandeur définie pour la famille des polyèdres, mais l’aire d’une partie de la surface d’un polyèdre est une grandeur définie pour les parties de la surface considérées comme corps ; la hauteur suivant Ox d’un parallélépipède rectangle dont une arête est parallèle à Ox n’est pas une grandeur attachée au polyèdre, mais elle en serait une si tous les polyèdres étaient découpés par des plans perpendiculaires à Ox dans un même prisme rectangle indéfini [ la longueur est une grandeur pour le boudin à condition que le diamètre du boudin soit le même pour tous les boudins, ce qui est le cas car le diamètre du boudin est une constante universelle ].

Ainsi, un nombre est ou non une grandeur suivant le corps auquel on l’attache ; il n’y a pas identité nécessaire entre la famille des corps pour lesquels il est défini et la famille de ceux pour qui il est une grandeur ♣.

Ainsi le prix est parfaitement défini pour la famille des marchandises (puisque c’est cette définition qui caractérise les marchandises) mais il n’y a pas identité entre la famille des marchandises et la famille des corps pour lequel le prix est une grandeur. Le prix n’est une grandeur que pour les corps en or.

91. — Lorsque deux grandeurs satisfont aux conditions du n° 88, c’est-à-dire quand elles sont définies pour la même famille de corps et que la valeur de l’une g détermine l’autre g1, les deux grandeurs sont dites proportionnelles.

Le théorème démontré prouve que du fait que g1 est fonction de g, g1 = f (g), cette fonction a la forme g1 = kg. Il n’existe donc pas de grandeurs inversement proportionnelles avec le sens /137/ précis que nous avons donné au mot grandeur, ni de grandeurs dépendant l’une de l’autre d’une autre façon que proportionnellement. [La conséquence qui nous intéresse] Bien entendu deux nombres peuvent être liés autrement que proportionnellement, mais alors l’un au moins d’entre eux n’est pas une grandeur ; si tous deux sont des grandeurs, la relation se réduit à la proportionnalité. Or la famille des grandeurs est vaste ; elle comprend, nous l’avons vu, des nombres intéressant la géométrie, la physique et aussi des nombres relatifs à des questions économiques, comme le prix d’une marchandise ♣, le temps nécessaire à sa fabrication, etc. ; d’où le grand-nombre de proportionnalités qu’on rencontre.

♣ Alors, le prix d’une marchandise serait donc une grandeur pour la marchandise ! Ce nombre satisferait le théorème de Lebesgue (§ 88) ! Donc Aristote aurait raison. Non, (pas) évidemment. Le prix varie comme bon lui semble. Le prix n’est pas plus attaché à l’échange marchand, ni à la marchandise quelconque qui est achetée ou vendue, que la hauteur de la pyramide n’est une grandeur attachée à la pyramide (puisque, à hauteur constante, la base de la pyramide peut varier de manière quelconque et donc le volume, la masse, té !), mauvais élèves, enfants de pomme de terre, allez-vous vous taire. Le prix d’une marchandise étant une quantité d’argent, quantité mentionnée sur l’étiquéqette, cette grandeur est donc attachée à la famille des c… en or (en effet si le volume des c… en or croît, leur masse croît proportionnellement, elle satisfait donc le théorème de Lebesgue). Cette grandeur est une masse et c’est une masse qui est mesurée et cette masse n’est évidemment pas attachée à l’échange marchand qui n’a aucune masse et qui n’est pas un corps, encore moins en or. La grandeur prix est attachée à la famille des c… en or et non pas attachée aux marchandises quelconques : c’est l’étiquéquette qui est attachée, stricto sensu, aux marchandises quelconques. Il aura fallu deux mille cinq cent ans et l’aide du Pr Lebesgue pour en arriver là. Vraiment, les gens aiment parler pour ne rien dire. Bla bla bla. Marx pédale dans la choucroute. Je relis le début du Capital, c’est effrayant d’absurdité et de confusion.

(voir ci-dessous, note du 21/07/2011) 

On remplacera des raisonnements un peu douteux [ Oui il est temps ] ou franchement inadmissibles par des raisonnements corrects en démontrant que l’on a affaire à des grandeurs. Pour nous borner à des notions purement mathématiques, énumérons les grandeurs suivantes : longueurs des segments d’une droite, longueurs des arcs d’une courbe, aires des domaines d’un plan, aires des portions d’une surface, volumes des parties de l’espace, mesures des angles, mesures des arcs d’une circonférence, mesures des angles solides, mesures des parties d’une sphère, temps pris par un mobile à parcourir les segments de sa trajectoire [NB : c’est un temps que l’on mesure après avoir mesuré une base, et temps et longueur de la base demeurent proportionnels à vitesse constante. Temps et longueur sont attachés à l’arc-trajectoire et non au mobile. La vitesse, quoique définie pour le mobile [ en effet, à bord du mobile, à tout instant on peut lire la vitesse sur le tachymètre ], ne peut pas être une grandeur attachée au mobile parce que le mobile et la base sont des corps différents, indépendants, tandis que la vitesse dépend de ces deux corps [ Elle est relative dirait Galilée ], variations de la vitesse d’une extrémité à l’autre d’un tel segment.

Que ces nombres soient des grandeurs, cela est évident pour les deux derniers et nous l’avons démontré pour les premiers ; les seuls qui exigeraient des raisonnements, que j’omets, sont les mesures, vérifiant les conditions α), β), γ) [ définies page 44  ], d’angles solides et de parties d’une sphère.

/44/ (…) 31. — Les propriétés de l’aire, qui viennent d’être prouvées, sont bien en accord avec les modes d’utilisation de l’aire dans la pratique et c’est même parce qu’il y a cet accord que l’on peut espérer avoir bien traduit mathématiquement la notion vulgaire d’aire. Si, pourtant, il y avait d’autres manières que celles que nous avons envisagées d’attacher aux domaines des nombres jouissant eux aussi des propriétés que nous venons de prouver dans les paragraphes précédents pour les nombres que nous avons appelés aires, il y aurait plusieurs traductions mathématiques possibles de la notion pratique d’aire et l’on pourrait craindre de ne pas avoir choisi la meilleure. De sorte que, même en considérant les mathématiques comme une science expérimentale, il est important de démontrer que les aires que nous venons de considérer sont entièrement déterminées par les conditions suivante :

α — A chacun des domaines d’une famille de domaines dont font partie tous les polygones est attaché un nombre positif que l’on appelle son aire.

β — A un domaine formé par la réunion de deux autres exté­rieurs l’un à l’autre est attaché comme aire la somme des aires des deux autres. /45/

γ — A deux domaines égaux sont attachés des aires égales.

De plus, on verra que :

δ — Ces nombres aires sont entièrement fixés numériquement, quand on connaît l’aire attachée à l’un des domaines.

< Le tarababoum du cercle, du secteur et du segment > [ le professeur Lebègue est un farceur ]

/60/… Si la limite des pk {polygones inscrits par opposition aux Pk, polygones circonscrit}, avait été dénommée le tarababoum du cercle on ne se serait certes pas permis d’en déduire la valeur des tarababoums du secteur et du segment ; on se le permet parce qu’au lieu du mot tarababoum on a utilisé le mot aire ! {C’est exactement ce qui se produit avec le mot « économie » ou avec le mot « spectacle » quand il est employé par Debord} C’est là une grossière erreur contre le bon sens. On a pourtant la ressource de prétendre qu’on ne la commet pas, mais qu’on spécule sur la confusion que ne manqueront pas de faire les élèves en assimilant /61/ cette nouvelle aire à celles qu’ils ont l’habitude de manier ; libre à chacun de choisir entre erreur et hypocrisie.

Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, se tirer d’affaire en répétant trois fois les mots fatidiques par définition, à l’occasion du cercle, du secteur et du segment ; car les aires ainsi définies ne pourraient servir à rien. On ne pourrait traiter à leur sujet aucune question, aucun problème, sans rencontrer sur sa route les propositions α, β, γ, δ, dont on n’aurait pas le droit de se servir ; par exemple, la question classique des lunules d’Hippocrate ne pourrait être traitée.

Il faut donc de toute nécessité être en possession de la notion d’aire avant de calculer les aires ; notion entraînant les propriétés α, β, γ, δ, pour tous les domaines dont on s’occupera. La méthode du temps de mon enfance, qui utilisait en somme ces propriétés sans les énoncer de la même manière pour tous les domaines, était meilleure que celle des manuels actuels qui fait une discrimi­nation malencontreuse entre les différents domaines ; il aurait suffit de débarrasser l’ancienne méthode de l’emploi de l’idée de domaine limite [ surprise, dans certains cas cette limite n’existe pas, (L’erreur de Serret et le contre-exemple de Schwarz – Sébastien Gandon, Yvette Perrin) ], en disant que l’aire du cercle était comprise entre celles des polygones inscrits pk, et celles des polygones circonscrits Pk, pour la rendre tout à fait acceptable. Elle se raccorderait en somme avec celle que je préconise ici. Bien entendu, dans celle-ci on démontrera ou on admettra l’existence de l’aire pour un domaine limité par des droites et des cercles suivant qu’on aura démontré ou admis l’existence de l’aire pour les polygones.

Les proportionnalités entre ces grandeurs, quand elles existent, sont alors de preuve facile. D’abord il peut arriver qu’elles soient affirmées par la question : mouvement dans lequel le mobile parcourt des espaces égaux dans des temps égaux ; alors la lon­gueur parcourue et le temps de parcours sont deux grandeurs proportionnelles attachées aux arcs parcourus ; de même, dans le mouvement pour lequel la vitesse croit de quantités égales dans des temps égaux. L’accroissement de vitesse est proportionnel à l’accroissement du temps.

21/07/2011 : Conséquences pour ce qui nous occupe

De l’unique théorème de la théorie de la Mesure des grandeurs du Pr Lebesgue, il résulte que :

1) Si deux nombres attachés à un corps, tels que la longueur du boudin (ou le temps de travail du charcutier) et le prix du boudin, ne sont pas dans le même rapport k pour divers boudins de longueur quelconque, cela signifie qu’un des nombres au moins (les deux peuvent ne pas l’être) n’est pas une grandeur pour le boudin. (Lebesgue : « Bien entendu deux nombres peuvent être liés autrement que proportionnellement, mais alors l’un au moins d’entre eux n’est pas une grandeur ; si tous deux sont des grandeurs, la relation se réduit à la proportionnalité ») Or la longueur du boudin, le temps de travail du charcutier et la  masse du boudin doublent si l’un de ces nombres double ce qui est la preuve selon le théorème de Lebesgue que ces trois nombres sont des grandeurs pour le boudin. Donc c’est bien le prix du boudin qui n’est pas une grandeur pour le boudin.

Dans notre cas, pour un même boudin, le prix peut varier à tout moment et même s’annuler si le boudin est moisi, sans que pour autant la longueur ne varie. Donc, le prix n’est pas une grandeur pour le boudin car sa variation viole le théorème de Lebesgue. N’étant pas une grandeur du boudin, le prix ne peut être en aucun cas une mesure du boudin. Le prix ne mesure rien du tout sinon une certaine masse d’or. Il n’y a pas plus grande sottise que de proférer que l’argent est la mesure de toute chose. Comme vous pouvez le constater, il ne s’agit pas ici de mathématique mais de grammaire. C’est une bonne chose que les mathématiques viennent au secours de la compréhension de la grammaire. Il faut y réfléchir à deux fois avant que d’employer le terme de mesure à tort et à travers. Prenez garde au tarababoum. Heil Wittgenstein !

2) Cependant, la plupart du temps, la longueur et le prix du boudin sont proportionnels : si au lieu d’un boudin d’un mètre j’achète un boudin de deux mètres il m’en coûtera le double. Le prix a doublé quand la longueur a doublé. On en conclut, généralement, que la longueur et le prix du boudin sont des grandeurs proportionnelles et que le prix du boudin est une grandeur pour le boudin et donc une mesure pour le boudin. Or c’est une simple illusion (il me semble même que le  Pr Lebesgue y succombe cf. ci-dessus : oui le temps de travail est proportionnel, non le prix ne l’est pas, c’est seulement une illusion). Ainsi, si le marchand de boudin me dit : pour deux francs de plus (pour un boudin à dix francs le mètre, par exemple) je vous donne un troisième mètre de boudin et que vous acceptez… où est la proportionnalité : la longueur de boudin a triplé, le prix non. L’illusion n’est pas difficile à démasquer, encore faut-il connaître le théorème de Lebesgue.

Il n’y a pas à chercher plus loin l’origine de toutes les sottises qui se sont débitées et se débiteront encore sur le prix du boudin. C’est comme dans la célèbre plub du soda Canada Dry qui a le goût, la couleur, l’odeur, l’air du whisky, mais qui n’en est pas. Ça a l’air proportionnel mais ça ne l’est pas, ça a l’air d’une égalité, d’une mesure etc. mais ce n’en est pas.

En fait, la proportionnalité est ici seulement un usage, une coutume, une règle suivie. La règle suivie dans l’échange marchand est d’appliquer la proportionnalité du nombre longueur du boudin et du nombre prix du boudin et cette règle, comme toutes les règles, peut être violée et elle l’est sans cesse. La variation du nombre prix du boudin ne viole pas seulement la théorème de Lebesgue, elle viole aussi la règle de l’échange marchand.

Et maintenant, pour vous payer de vos peines, un peu de musique.

 

Conclusion : Le prix est une grandeur attachée par une mesure à un corps en or et non pas à une marchandise quelconque. C’est l’étiquette qui est attachée, stricto sensu, aux marchandises quelconques, l’étiquette sur laquelle est écrite la mention du prix. La valeur est le sens de cette mention. Merde à la fin. Voilà de la bonne grammaire.

 [ Fin de citation ]

[ Henri Lebesgue, La mesure des grandeurs, Librairie scientifique et technique Albert Blanchard, rue saint Jacques, après le croisement de la rue Soufflot et le la rue Saint-Jacques, en montant, trottoir de gauche ]

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334 Schizosophie

20 janvier 2010 à 08:18

Comme une aiguille dans une meule de foin, on y trouve ceci : « Si la limite des pk {polygones excisés par opposition aux Pk, polygones circoncis}, avait été dénommée le tarababoum du cercle on ne se serait certes pas permis d’en déduire la valeur des tarababoums du secteur et du segment ; on se le permet parce qu’au lieu du mot tarababoum on a utilisé le mot aire ! {C’est exactement ce qui se produit avec le mot « économie » ou avec le mot « spectacle » quand il est employé par Debord  [ un exemple de tarababoumisation ]} C’est là une grossière erreur contre le bon sens. On a pourtant la ressource de prétendre qu’on ne la commet pas, mais qu’on spécule sur la confusion que ne manqueront pas de faire les élèves en assimilant. »

♦ Dans les premières lignes de son célèbre ouvrage, l’auteur [Debord] nous parle d’une accumulation de spectacles. Il nous parle donc des spectacles, notion qui ne semble pas poser de difficultés. Tout le monde sait ce qu’est un spectacle. Donc tout le monde sait ce qu’est l’accumulation de spectacles.

Mais par la suite, l’auteur ne parle plus que du spectacle. Il est étonnant d’ailleurs qu’il n’ait pas mis une majuscule au mot Spectacle.

Or le spectacle, dans sa généralité, personne ne sait ce que c’est et l’auteur lui même semble l’ignorer puisqu’il ne nous donne jamais ne serait-ce qu’une simple définition. C’est encore pire que le cheval, car tout le monde sait que le cheval est le genre du cheval.

J’applique donc la méthode du « tarababoum » que Lebesgue employait contre ceux qui se permettaient de faire des calculs sur les aires sans avoir défini au préalable ce qu’étaient les aires. Si l’auteur avait dénommé le Spectacle par le mot tarababoum, il ne se serait certes pas permis  d’écrire, par exemple, « La séparation est l’alpha et l’oméga du tarababoum » (ou bien il aurait ressenti la nécessité virulente de définir le terme tarababoum; il se le permet parce qu’au lieu du mot tarababoum il a utilisé le mot spectacle ! C’est là une grossière erreur contre le bon sens. Il spécule sur la confusion que ne manqueront pas de faire les lecteurs en assimilant ce nouveau Spectacle à ceux qu’ils ont l’habitude de manier ; libre à chacun de choisir entre erreur et hypocrisie.

Si, après la lecture de ce digest avec le mot tarababoum, on replace le mot Spectacle, on constatera que les propositions n’ont pas plus de sens pour autant. Il est probable que, sans la méthode du Pr Lebesgue, vous n’eussiez rien remarqué. Avec l’emploi du tarababoum, le non sens des propositions (et leur enflure) devient flagrant, ce qui ne serait pas le cas si j’écrivais, par exemple : le tarababoum est un équidé ; le tarababoum a bouleversé le mode de vie des Indiens des plaines ; à tarababoum donné, on ne regarde pas la denture ; etc… La thèse 2, sur le tarababoum en général, n’est pas mal comme exemple de charabia prétentieux. ♫ Les histoires de tarababoum finissent mal en général.

Cette expérience montre qu’il était non pas absurde mais parfaitement malhonnête et trompeur d’employer le mot spectacle et que le mot tarababoum aurait été beaucoup plus approprié et honnête, car personne ne risquait d’en être dupe. S’il y a une vérité là-dedans (je suis aujourd’hui persuadé du contraire) on a beaucoup plus de chance de la découvrir en utilisant le mot tarababoum plutôt que le mot spectacle en général.

Debord against le bon sens (le vôtre[ non, celui du Pr Lebesgue ]) : ne serait-ce que cela le fond de votre argumentaire ? [ chacun peut juger ici quel est le fond de mon argumentaire, mais pour cela il faut lire d’abord Lebesgue, sinon c’est incompréhensible ] Vous aurez beau « faucher toutes les sottises qui ont été dites sur la valeur et le “rapport marchand” » d’un trait de plume, vous ne vous libérerez jamais de cette hantise-là [ quelle hantise svp ? ], que vous projetez, via Lebesgue [ qu’en sait-il puisqu’il n’a pas lu Lebesgue ], sur Aristote et Marx. S’il vous a fallu un Lebesgue pour lire Marx et Aristote par Marx, il me faudrait par exemple un Gabel pour vous comprendre vraiment, mais ce n’est pas le sujet du blog [ il n’est pas indispensable de lire Gabel pour me comprendre, mais il est absolument nécessaire de lire Lebesgue plutôt que de faire bla bla bla sur un sujet que l’on ne connaît pas, ce qui relève d’un sacré culot et d’une grande impolitesse ].

___________________________

335 J-P Voyer

20 janvier 2010 à 11:06

Je vous avais reconnu, dans une autre botte de foin. Vous pouvez enlever vos moustaches :

[ Citation ]

« Schizosophie dit :

» 10 avril 2009 à 23:03

» @ François Leclerc

» Précision : Guy Debord n’a pas fait partie de « S ou B », il a côtoyé quelques mois le groupe, trois ou quatre rencontres achevées par une rupture du fait de Debord. Il n’a jamais contribué à leur production, leurs projets communs ayant rapidement avorté. Cet éphémère voisinage improductif fut solitaire et n’impliqua en rien l’Internationale situationniste. »

[ Fin de citation ]

[ Cette citation est extraite d’un billet présentant la traduction d’un article de J o h n s t o n e dont l’éditeur a demandé que ce texte soit effacé. Ceux qui voudraient lire ce texte en français le trouveront dans mes archives, évidemment, grâce à la Wayback Machine. Le Net a plus d’un tour dans son sac. ]

Précisions sur l’éminente question du prix du boudin

   

   

Réponse de Heil Myself ! à un lecteur. Il est amusant que les mathématiques puissent servir d’auxiliaire pour la compréhension de la grammaire d’un mot et démontrer que tel énoncé ; « Le prix du boudin est une grandeur pour le boudin » ou « L’argent est la mesure de toute chose » est une absurdité.

Avant tout chose : selon Lebesgue, une grandeur est un nombre et ce nombre est le compte rendu d’une opération de mesure. Donc, si tel est le cas, une mesure n’est pas un nombre et un nombre n’est pas une mesure. Pour Lebesgue, un nombre est le compte rendu d’une mesure qui est écrit sur le papier. Il me semble que Frege dirait que le nombre est le sens du compte rendu écrit sur le papier. [Heil Myself !]

« Après relecture [de « Schizosophie corrige le professeur Lebesgue »], les seules remarques que je me permettrais sont de l’ordre du détail [comme vous allez le voir, ces détails sont essentiels], comme dirait Jean-Marie. Je n’ai pas les compétences pour juger la démonstration du professeur Lebesgue , mais il me semble l’avoir comprise. Si on admet son résultat, il faut néanmoins ne pas aller trop loin dans l’application du théorème. » [remarque du lecteur]

 La démonstration du théorème ne figure pas sur l’extrait que j’ai présenté. Je n’ai rapporté que les prémisses et les conséquences du théorème démontré et non pas la démonstration du théorème. Je publierai cette démonstration de deux pages dès que j’aurais mis la main sur ce foutu livre.

« “La hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur attachée à la pyramide (puisque, à hauteur constante, la base de la pyramide peut varier de manière quelconque et donc le volume, la masse ♦♦) ”, oui, mais la hauteur de telle pyramide est une caractéristique à peu près immuable , ou qui varie d’une façon minime sur la durée, de cette pyramide. »

 Ici vous confondez, me semble-t-il, la hauteur de la pyramide qui est un segment de droite (constitutif et caractéristique de la pyramide) et la longueur de ce segment de droite qui est un nombre, nombre qui est, selon Lebesgue, le compte rendu d’une opération (manuelle) de mesure.

Le segment de droite dénommé hauteur est bien un constituant essentiel de telle pyramide et non de telle autre…

— et si telle autre pyramide a une hauteur de même longueur cela n’empêche que chaque pyramide possède sa hauteur propre tandis que ces deux segments de droite partagent un même nombre, par exemple le nombre « trois », nombre qui est commun à tout segment de droite qui mesure « trois » —

…mais cela n’empêche pas que sa longueur ne soit pas une grandeur pour cette pyramide. Pourquoi ? Non pas, comme vous le dites, parce que cette hauteur (le segment aussi bien que sa longueur) est « immuable » pour une pyramide donnée, mais parce que la grandeur qu’est ce nombre-longueur viole le théorème de Lebesgue : son rapport avec une grandeur de la pyramide (volume ou masse) n’est pas constant. On n’a pas pour toute pyramide volume = k hauteur. La longueur de la hauteur n’est donc une grandeur que pour le segment de droite « hauteur ».

Maintenant, pourquoi le volume et la masse de la pyramide (mais aussi bien le volume de tout solide homogène) sont-ils des grandeurs pour la pyramide ? Parce qu’ils respectent le théorème de Lebesgue : pour telle pyramide aussi bien que pour toute pyramide (et même pour tout solide) on a bien masse = constante x volume. Dans ce cas de proportionnalité, le nom de cette constante est bien connu, ce n’est autre que la densité.

Plus simplement le volume est une grandeur pour la pyramide car ce nombre résulte d’une mesure de même que la longueur du segment hauteur résultait d’une mesure. Pour mesurer le volume d’un patatoïde on remplit celui-ci avec un pavage de tout petits pavés cubiques de même dimension jusqu’à ce que l’ajout d’un seul pavé crèverait la surface du patatoïde. On les compte et l’on obtient un premier « combien de fois » et ainsi un premier volume. On poursuit l’opération jusqu’à ce que le patatoïde soit complètement à l’intérieur du pavage, tous les pavés extérieurs crevant ou touchant la surface, les autres situés à l’intérieur sans crever la surface et l’on obtient un  nouveau « combien de fois » et ainsi un second volume plus grand que le premier. Le volume du patatoïde est compris entre les deux volumes. En diminuant la taille des petits pavés on approche davantage du volume du patatoïde. En diminuant infiniment cette taille on obtient l’unique meilleure mesure du volume du patatoïde. Dans les faits, il faut recourir au calcul intégral. Pour les solides simples, cube, pyramide etc. on dispose de formules.

Cela illustre bien ce que dit Wittgenstein de la grammaire qui cache la logique : grammaticalement parlant il est correct d’employer indifféremment le mot « hauteur » et pour le segment de droite et pour la longueur de ce segment de droite, de même pour le diamètre ou la circonférence d’un cercle. L’usage est courant et l’usage est le maître. De même que pour les termes « économie » et « économie » qui désignent en français, soit la chose, soit la « science » de la chose. Les homonymes sont une plaie pour la clarté de la pensée. Bolzano le premier, puis Frege et Wittgenstein ont bien insisté sur ce point.

♦♦ J’espère que maintenant vous comprenez cette elliptique démonstration : « La hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide (puisque, à hauteur constante, la base de la pyramide peut varier de manière quelconque et donc le volume, la masse). » Puisque à hauteur constante l’aire de la base de la pyramide peut varier de zéro à l’infini, le nombre des côtés du polygone de base, de trois à l’infini, et le volume ou la masse de zéro à l’infini, c’est bien la preuve que la hauteur qui est constante n’est pas dans un rapport constant avec le volume ou la masse qui sont deux grandeurs de la pyramide. La longueur du segment de droite nommé hauteur viole donc le théorème de Lebesgue et le nombre longueur du segment est une grandeur pour le segment mais n’en est pas une pour la pyramide.

La remarque « La hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide » est de Lebesgue lui-même qui s’adressant a des lecteurs censés être des professeurs de lycée leur dit : « il serait souhaitable de rappeler aux élèves que la hauteur de la pyramide n’est pas une grandeur pour la pyramide » (je cite de mémoire car j’ai égaré le livre de Lebesgue).

 « “Concernant le prix du boudin, il n’est pas une grandeur pour le boudin, « et encore moins une mesure pour le boudin ”, mais ne dépend-il pas tout de même un peu du marché du boudin , et pas seulement du marché en général (votre commentaire sur la « Définition » du Pr. Lebesgue) ? Si je veux vendre du boudin deux fois plus cher que mes concurrents, je peux toujours essayer, je risque de ne pas en vendre beaucoup. Le prix du boudin n’est pas une grandeur pour le boudin, mais à l’instant t de l’état du marché du boudin les marges de variation sur ce prix sont dans la pratique assez réduites ♦♦. »

 Le prix du boudin « est parfaitement défini » (dirait Lebesgue) pour le boudin puisque le prix du boudin n’est pas le prix de l’andouillette et que, strictement parlant, il est attaché au boudin… par une étiquette. Quand Lebesgue parle d’un nombre attaché à un solide il parle au figuré, ici on parle au sens propre. Cela contribue, je suppose, au fétichisme de la marchandise...

 — Dans l’expression écrite sur l’étiquette : « Un mètre de ce boudin peut s’échanger contre telle quantité (masse ou volume) d’or » (abrégé généralement en « tant de francs le mètre » et même « tant de francs ») seul le mètre est une grandeur pour le boudin tandis que la quantité d’or (volume, masse, nombre de pièces) est une grandeur seulement pour un solide en argent ou en or. —

…Mais cela n’empêche pas du tout que le prix du boudin, tout prix du boudin qu’il est, ne soit pas une grandeur pour le boudin. La réponse est presque dans votre question : le prix du boudin ne dépend pas un peu du marché, mais totalement, c’est à dire uniquement, du marché, quel qu’il soit (je doute qu’il existe un marché du boudin). À tel point que le fabricant du boudin peut très bien être obligé, en fin de marché, de vendre à perte, c’est à dire à vendre en dessous du prix de revient.

En passant, notez que contrairement au prix de vente, le prix de revient du boudin est bien une grandeur pour le boudin car il en coûte deux fois plus au charcutier pour produire deux fois plus de boudin. La quantité (masse ou longueur) de boudin produite est dans un rapport constant avec le coût de production pour un charcutier donné ou une usine donnée. Dans une usine de boudin ultra perfectionnée et automatique bien plus productive, c’est la même chose que chez un artisan : coût et quantité (volume, ou masse, ou unités) produite sont dans un rapport constant.

♦♦ Encore une fois, ce n’est pas la fixité du prix ou la non fixité du prix qui font que le prix du boudin est une grandeur pour le boudin ou non. Même une variation très faible du prix pour une même longueur de boudin est la preuve que le prix viole le théorème de Lebesgue. Sinon le prix devrait être dans un rapport constant avec la longueur, le volume ou la masse du boudin. Si le prix varie tandis que la longueur demeure constante, le rapport du prix et de la longueur varie. Ce rapport n’est donc pas constant. Donc le prix n’est pas une grandeur pour le boudin. Voilà ce que dit le théorème de Lebesgue. Pour que le prix devienne une grandeur pour le boudin, il faudrait qu’il soit constant lui-même car alors son rapport à la quantité (masse ou volume) de boudin deviendrait constant. C’est le cas, comme nous le voyons ci-dessus et plus bas ♠♠, pour le prix de revient.

Le fétichisme de la marchandise consiste, entre autre, à ce que le prix ressemble fichtrement à une mesure. À un instant donné le prix ressemble à un rapport numérique : on a tant de boudin pour tant d’argent de même qu’on a tant de masse pour tant de volume. Mais le premier rapport varie tandis que le second est constant. Ce qui importe, ce n’est pas a) que la hauteur de la pyramide varie ou non, mais b) que son rapport au volume ou à la masse de la pyramide n’est pas constant. Tout est là. Il me semble que vous confondez les deux (a et b).

Quel est l’intérêt de cette démonstration ? Tous les économistes, sans exception, croient que le prix d’une marchandise est une grandeur pour cette marchandise, même Orléan qui plaide pour une économie (economics) des relations contre une économie des grandeurs (aussi bien Marx que les marginalistes). À vrai dire, ils ne savent pas ce qu’est une grandeur. Il y a peu, je ne le savais pas moi même. Pourtant, Euclide le savait déjà.

J’avais arrêté la lecture du livre de Fourquet Richesse et puissance. Une généalogie de la valeur au chapitre 8 « Valeur et richesse » qui traite notamment de « Nature et mesure de la richesse » afin de me documenter sur la notion de grandeur et de mesure. Je fus très heureusement surpris à la lecture de La mesure des grandeurs de Lebesgue d’y trouver de quoi réfuter les paralogismes et les incohérences de ce passage. Je projette d’en faire un commentaire mais cela n’est toujours pas fait. Je vous joins donc ce texte tel quel aux formats HTML et PDF en pièces attachées.

« …il ne faudrait pas donner l’impression que le prix marqué à un instant t n’a aucun rapport d’aucune sorte avec la marchandise vendue – ce qu’à mon avis vous ne suggérez pas. »

Nous nous trouvons devant un des ravages de l’homonymie. Le seul rapport du prix du boudin avec le boudin est d’être le prix du boudin et non pas le prix de l’andouillette. Cela se traduit par une étiquette fixée au boudin par un picot, étiquette sur laquelle est inscrite une expression dont le sens est qu’un mètre de boudin peut s’échanger contre tant de francs. C’est donc la publication de la possibilité d’un échange et la valeur est cette publication. La valeur n’est pas un nombre ni une grandeur mais une publication de la possibilité d’un échange. Littré dit : « Valoir c’est avoir un prix ».

C’est un rapport en effet, mais il n’est pas un nombre, il n’est pas un quotient, mais la publication de la possibilité d’un échange, c’est à dire une certaine institution dans une certaine société (cette institution n’existe pas dans toutes les sociétés). Le seul rapport dans l’échange marchand, c’est l’échange et la publication de sa possibilité ; et non pas un rapport de deux grandeurs, un quotient, un nombre. Les marchandises ne sont pas commensurables et ne peuvent le devenir d’aucune manière. Le prix ne rend pas les marchandises commensurables mais échangeables (Orléan fait encore la confusion, je vous enverrai des extraits). La question est non pas comment les marchandises deviennent commensurables ; mais comment deviennent-elles échangeables. La réponse de l’économie classique est qu’une grandeur est cachée dans les marchandises, grandeur qui put ainsi devenir égale à une autre. C’est cela le fétichisme de la marchandise qui fait de celle-ci un gri-gri avec une grandeur cachée dedans ! Le type de rapport du boudin et de son prix n’a rien à voir avec le type de rapport de son volume et de sa masse qui est un nombre.

♠♠ Notez encore une fois que si le prix de vente n’est pas une grandeur pour le boudin, ce n’est pas le cas entre une quantité (masse ou longueur) de boudin et le coût de sa production qui est dans un rapport constant avec la quantité produite : si la quantité produite double, le coût de cette production double car le prix de revient est constant. Le fabricant ne peut pas faire que son prix de revient soit moindre qu’il n’est, sauf travailler lui-même encore plus dur ou acheter une machine plus productive ou mettre un de ses employés à la porte et faire travailler plus les autres en les payant moins à la Sarközy ou encore payer moins cher ses matières premières et auxiliaires. En l’absence de ces mesures (attention, homonyme !), le rapport de la quantité produite et du coût de cette production est constant. Donc le prix de revient est bien une grandeur pour le produit (attention homonyme !) contrairement au prix de vente. Notez encore que le prix de revient ne résulte pas d’une mesure, mais il est calculé grâce à une suite d’additions et de règles de trois.

Nous avons donc à faire à des homonymes : un rapport peut être un rapport humain, un échange par exemple, ou le résultat d’une mesure, un quotient, un nombre (du latin quotiens : combien de fois. Cicéron : combien de fois, Catilina, tentas-tu de me tuer ?), un report tant de fois de dans b. L’exemple que vous donnez montre que vous devez faire une estimation, deviner maintenant ce que pourrait-être la vente plus tard et à quel prix et pour ce faire vous recherchez des exemples de prix sur le marché internet. Tous vos confrères font de même. Donc, c’est le marché, dont vous êtes, qui détermine le prix de vente. En aucun cas il ne s’agit de mesure. Le rapport de votre marchandise à son prix de vente est une estimation qui vous est propre : ce prix résulte d’une évaluation et non d’une mesure. Le prix de revient est un fait, le prix de vente est une évaluation qui sera confirmée ou non par la vente.

 

 

M. Ripley s’amuse