« Là pourtant n'est pas
l'essentiel de la religion. Celle-ci est, avant tout, de l'ordre de l'action.
Les croyances ne sont pas essentiellement des connaissances dont s'enrichit
notre esprit : leur principale fonction est de susciter des actes. »
Durkheim.
Le problème religieux et la dualité de la nature humaine (1913)
Le
commerce est le seul mouvement révolutionnaire mondial. Il le prouve tous les
jours. Le président Bush fait appel au monde libre. Il abonde dans mon
sens : c'est bien un monde qui est attaqué et non pas seulement les USA et ce
faisant il reconnaît qu'il existe un autre monde. Cachez ce monde que je ne
saurais voir et, si nous ne pouvons le cacher, détruisons le. Envahissons
l'Irak. Pourquoi s'emmerder avec tous ces loqueteux, étant donné nos mégatonnes
et surtout nos armes nucléaires tactiques qui n'ont jamais servi. Quelle
tentation. Le monde est devenu un film de Stanley Kubrick et l'Irak un film de
Tarantino.
C'est
la démocratie en Espagne, n'est-ce pas ? Qu'attend donc le peuple espagnol
pour condamner à mort les stratèges qui l'ont embarqué dans cette trière ?
Pensaient-ils donc pouvoir continuer à défier impunément la nation arabe
humiliée depuis quatre siècles ? Depuis tant de siècles, nous assistons
aux premières victoires de cette vieille nation conquérante. Ensuite, puisque
la vérité officielle est que l'Espagne est une démocratie, or dans une
démocratie, le peuple n'est-il pas souverain, le seul souverain, nom
propre ? Aussi, les Arabes ne s'y trompent pas. Ils n'assassineront pas le
souverain potiche ou l'un de ses ministres fantoches (ce qui aurait d'ailleurs
pour seul effet de réjouir tout le monde, ce qui, manifestement, n'est pas le
but de ces Arabes, ils veulent déplaire, ils assument leur méchanceté. Qu'ils
soient loués, dans ce monde de la bonne pensée où même les méchants s'avisent
d'être bons et respectables) comme de vulgaires anarchistes ou de vulgaires
séparatistes basques. Ils s'attaquent au souverain réel, ou proclamé tel dans
toutes les gazettes, radios et télévisions de l'Occident. Ces Arabes pratiquent
la critique ad hominem (mais aussi la critique ad personam
hélas) : ils prennent au mot les prétentions hautement proclamées du monde
libre. Il se trouve dans ce peuple souverain des innocents (au sens de simples
d'esprit) pour s'étonner que les Arabes s'attaquent à des civils dans un pays
ou règne la paix. Mais ce pays fait la guerre en Irak. Faut-il être stupide
pour s'étonner ainsi, surtout que ces Arabes sont des hommes loyaux, comme
Hitler : ils annoncent clairement et longtemps à l'avance ce qu'ils vont
faire et, le moment venu, ils le font. Ils ne prennent personne par surprise
(même pas le président Bush, à ce qu'il paraît), d'un point de vue stratégique,
évidemment, car ils se réservent la surprise tactique, c'est tout ce qu'ils ont
et que les USA n'ont pas.
Aujourd'hui,
la nation arabo-islamique est la nation mondiale. Petit Robert, NATION : groupe humain,
généralement assez vaste [en effet !], qui se caractérise par la
conscience de son unité et la volonté de vivre en commun. C'est cela même.
Les convertis non arabes s'avisent, selon Naipaul, d'être plus arabes que les
Arabes. Bientôt, ils seront plus Arabes que musulmans.
A
quoi sert-il d'assassiner un archiduc sinon à déclencher une guerre
mondiale des puissances ? Et puis, un de perdu, dix de retrouvés. Si l'on veut
déclencher une guerre civile mondiale, il est préférable d'assassiner des
civils en masse. L'État fédéral des USA entend être le défenseur des
civils du monde libre, ce qui signifie que les civils du monde libre ne sont
plus capables de se défendre eux-mêmes, c'est à dire ne sont pas libres, tandis
que des civils arabes sont capables de les attaquer, fut-ce avec la complicité
d'États pro-musulmans ou même de la CIA. Ces civils arabes ont encore ce que
les civils du monde libre ont perdu. Ces derniers ne sont plus que de la ressource
humaine, judicieuse et cynique expression très peu kantienne, Staline avait
encore la politesse de dire « capital le plus précieux ». Ils
sont donc traités, en conséquence, en masse, et pas seulement par les
assassins, évidemment. L'homme de masse est partout et toujours traité en homme
de masse. Le voilà donc otage répondant des sinistres facéties des stratèges.
Quand les stratèges boivent, la ressource humaine trinque. Popu est conchié
tous les jours. Chaque jour il est longuement insulté par la télévision.
Pourquoi se gêner ? Pauvre Anders mort désespéré et qui, dès 1956, avait
observé que ce monde se conformait aux images qu'il produit (théorie des
matrices, au sens estampage et non au sens mathématique). C'est donc ce monde
même qui donne envie de bombarder. Les Arabes, même musulmans très rigoureux,
vont aussi au cinéma voir des films catastrophe. Je regrette qu'Anders n'ait pu
voir cette splendeur, sa théorie mondialement confirmée. Ensuite, le président
Bush étant texan il est préférable de bousiller son libre bétail (stabulation
libre) plutôt que de s'attaquer à sa propre personne. Le bétail, c'est sacré
pour un éleveur. Mais surtout, ça lui donne mauvais genre devant le syndicat
mondial des éleveurs : qu'est-ce qu'un cow-boy qui laisse massacrer son
bétail par des outlaws ? Des Arabes s'attaquent à la ressource humaine,
crime abominable. Mais ils ne sont pas les seuls à s'y attaquer et surtout, ce
n'est pas eux qui l'ont produite. Ils sont innocents de ce crime là qui est
bien pire que le leur. Précisément, ils ne veulent pas devenir de la ressource
humaine. Comment va-t-il falloir qu'ils le disent pour être enfin compris. Dans
un monde de la soumission généralisée et glorifiée, la liberté est
nécessairement criminelle, comme disaient les situationnistes. Que veulent
faire ces Arabes ? Le plus grand mal au plus grand nombre. Mais c'est
exactement ce que fait le monde libre à ceux qui l'habitent. C'est à dire le
contraire de la vérité officielle édictée par les idéologues anglais du XVIIIe
siècle : le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Le plus grand
mal pour un homme est d'être réduit à la condition de ressource humaine.
Seul
le renouveau de « l'esprit de conquête » qui a toujours (avec une
longue éclipse propice à son aigrissement) animé l'Islam est aujourd'hui
capable de tenir tête au seul mouvement révolutionnaire mondial. Il est donc le
seul mouvement contre-révolutionnaire mondial. C'est la re-reconquista.
Son esprit de reconquête est de ce fait, aujourd'hui, le seul esprit de
résistance. C'est triste, mais c'est ainsi. Les arabo-musulmans ne sont ni des
nègres, ni des Serbes, ils ont les moyens de se défendre et, sinon de se
défendre, du moins de se venger cruellement. Ils ne sont pas des innocents,
eux, ils sont capables de nuire presque autant que leurs adversaires. En somme,
ce que reprochent les gens bons aux Arabes, c'est d'avoir la capacité de se
défendre. Quelle impertinence, n'est-ce pas ? Les Arabes sont les Indiens
du monde. Finiront-ils de même ? Verra-t-on, une nouvelle fois, la
médiocrité triompher du génie. Victor Hugo était pessimiste car Waterloo ne fut
pas le triomphe définitif de la médiocrité sur le génie. Napoléon n'est
plus mais Ben Laden est. La médiocrité a, de nouveau, du souci à se faire. Le
président Bush est bien décidé à en finir avec les musulmans, il veut inculquer
à ces obscurantistes un peu de civilisation commerciale ; appelons cela le
commerce à main armée, main basse sur l'Arabie. L'emmerdant, c'est que, Arabes
ou non, ils sont un milliard et demi. Le hold-up du siècle va-t-il
échouer ? Dieu exténue les stratagèmes des dénégateurs. Les
dénégateurs prodiguent leurs biens pour intercepter le chemin de Dieu. (70
milliards de dollars déjà !) Qu'ils les prodiguent donc, après quoi ils
n'en tireront qu'amertume et, pis que cela, seront vaincus. Naipaul
reproche aux musulmans de n'avoir que la foi et non la technique. Mais au moins
ils ont la foi et savent merveilleusement détourner de leur but les techniques
qu'ils furent incapables d'inventer (ils ont encore quelques problèmes avec les
cartes SIMM, on ne les y reprendra plus). Un chose échappe à Naipaul. Ils sont
également une nation internationale, ils peuvent frapper où ils veulent, quand
ils veulent, ce que ne peuvent pas les Serbes, auraient-ils la plus grande
ferveur du monde. Dans ces conditions, la foi se révèle une arme redoutable.
Ils sont nuls en dépôt de brevet, mais très forts en vengeance à une échelle
mondiale. Déjà, il y a plus d'un siècle, la férocité arabe était un cliché
littéraire chez Balzac (Illusions perdues) ou Flaubert (Madame Bovary).
Si la ressource humaine n'était pas scandaleusement innocente, c'est à dire
strictement incapable de nuire — innocence due non à la vertu mais à
l'incapacité. La Rochefoucauld a traité la question : « On ne peut
appeler bon celui qui n'a pas la force d'être méchant. » La ressource
humaine est l'éternelle mineure, incapable au sens du droit romain —, tel
le bétail (même le bétail est capable de se venger avec le prion farceur), cet
esprit ne serait pas nécessaire, il ne serait même pas possible. Les Arabes ont
donc bien frappé les vrais coupables, coupables de servitude. Si les Arabes ne
disaient pas, à leur brutale manière, combien sont méprisables les conditions
de vie faites à la ressource humaine, qui le dirait ? Qui le dirait dans
un monde de l'autocélébration, de l'industrie de l'éloge. Que sont les cinq
prières quotidiennes des musulmans comparées à l'autocélébration permanente,
nuit et jour, sur les ondes, dans la presse, de ce monde parfait, démocratique,
libre, si beau ? Les musulmans sont soumis à leur dieu par l'amour ou le
respect. Dans le monde libre la ressource humaine est soumise par subornation.
Dans le monde libre, ce n'est pas le fidèle qui prie son dieu, c'est Dieu
lui-même qui fait la retape. Une caste entière est dévolue à cette tâche. Dans
le monde libre, Dieu est une industrie. Crevez, salauds. Si des Arabes
méprisent le monde libre, c'est parce que ce monde est méprisable. Des hommes
ont enfin les moyens de le dire haut et fort, au péril de leur vie. Le problème
n'est pas chez les Arabes, il est dans le monde libre. Le problème de ce monde
est justement que seul ce monde est libre car il est peuplé de prisonniers.
Engels faisait déjà la même remarque à propos de l'Angleterre en 1840.
L'ineptie, le cynisme, la vulgarité, la cupidité, la brutalité, la mesquinerie
de ce monde est une insulte permanente au genre humain avant que d'être une
insulte à Allah. C'est pourquoi des Arabes lui ont donné une leçon de générosité
(suicide de type altruiste, selon Émile Durkheim) et une leçon de monde. Le
moindre plouc américain sait aujourd'hui où se trouvent la Mecque et Madrid, ce
qui n'était pas la cas il y a peu. Etats-Unis, grande île. Un ami new-yorkais
qualifia son pays de deux mots : mythe et mensonge, ce qui signifie que
pour les Américains, il n'y a plus, il n'y aura plus d'histoire. Il y en a eu,
il n'y en a plus. America for ever. Ces
deux mots conviennent aussi bien au monde libre. Le crime est énorme parce que
le monde libre est une énorme et permanente insulte au genre humain, avec ses
gros gras roses socialistes bien nourris dans les meilleurs restaurants de luxe
parisiens et ses sévères WASP, impeccablement sapés, siégeant dans
d'innombrables conseils d'administration. Il n'a de cesse de transformer tout
homme en pignouf (kâfir en arabe, traduit par Berque en dénégateur) :
La plus vile des bêtes pour Dieu, ce sont les dénégateurs, parce qu'ils ne
croient pas. Vous qui croyez, si vous rencontrez en ordre de bataille les
dénégateurs, ne leur tournez pas le dos. Et... il grandira (le monde ou le
châtiment, on ne sait pas encore), il grandira, il grandira car il est
Espagnol. Ainsi, c'est du fait même de la force et de la perfection des armes
des Etats-Unis que seuls des civils peuvent faire ce que ces civils arabes
font. Un Etat qui le ferait serait immédiatement anéanti, ce qu'a bien compris
Kadhafi. Un monde est donc entré en résistance et, ce qui est remarquable, pour
des raisons purement humaines, c'est à dire spirituelles. L'esprit est avec
eux. Je suppose que « les musulmans de France » et d'ailleurs
accepteront de procéder à « une critique radicale de leur vision du
monde » quand la ressource humaine procèdera elle-même à une critique
radicale de sa vision du monde qui est, dans son cas, pas de vision du monde du
tout sinon celle de ses maîtres qu'elle lit dans le Monde et le New
York Times. Tout ce que sait faire la ressource humaine c'est obéir et se
plaindre, gémir, voter (pour Charybde ou Scylla), donner des leçons de morale
et vitupérer Le Pen, commode épouvantail à moineaux. Comme du temps de
l'occupation turque et des Haïdouks, lorsque le maître est à son balcon et
qu'il laisse tomber sa chéchia dans la cour, la ressource humaine sursaute, les
patineurs à roulette se cassent la figure, les pédés mariés débandent. Vivent
les Haïdouks, ces terribles bandits. Messieurs de la ressource humaine,
totalement solidaires parce que totalement séparés (Marx et Durkheim),
critiquez-vous les premiers. Visiblement, les musulmans, pas seulement les
Arabes, conchient « votre » démocratie qui n'est que la démocratie de
vos maîtres, la démocratie des copains, des coquins et des patineurs à
roulettes, démocratie d'une haute élévation morale dont la seule devise effective
est : « Si je t'attrape je t'encule » (stricto sensu en
Irak). Moi aussi je la conchie. C'est d'ailleurs mon seul point commun avec les
Arabes, à part la foi, évidemment. Simplement, nous n'avons pas la même
religion mais bien la même foi. Il y a beaucoup de religions mais une seule
foi, car il n'y a qu'un seul objet de la foi, quel que soit le nom de cet
objet. Cet objet porte de nombreux noms et en fait on ne connaît de lui que ses
noms. Ils ont donc tous le même sens. Ils sont synonymes. D'autre part, comment
demander à une religion qui, comme le relève le perspicace Tocqueville, se mêle
de politique, d'être ouverte et tolérante. Autant demander à l'État chrétien du
roi de Prusse du temps de Marx — État qui se mêlait de religion, politique en
religion et religieux en politique — d'être ouvert et tolérant. On connaît la
suite. Bismarck, une main de fer dans un gant de fer, unité, charbon, acier,
guerre (bis, avec une autre main de fer dans un autre gant de fer,
associés de démence et de ministres keynésiens). Esprit de conquête, n'est-il
pas ? Il est heureux qu'un monde basé sur la prostitution de masse aille
aussi mal. Il serait immoral qu'il aille bien.
En
ces temps d'apprentissage de la lecture par la méthode globale, je tiens à
préciser pour éviter toute équivoque, que lorsque j'attaque les pédés mariés,
ce n'est pas les pédés que j'attaque mais le mariage bourgeois, l'institution
la plus ridicule qui soit, assortie dans ce cas d'un militantisme agressif et
présentée comme la perle de l'Occident. Quelle avancée de la liberté et de
l'humanité que le mariage des pédés. En réclamant le droit au mariage
bourgeois, les pédés se renient (ces prétendus proud officialisent en
fait leur honte de n'être pas comme tout le monde, c'est un comble, un
conformisme militant, le beurre et l'argent du beurre. Allô, maman, bobo.) et
offensent la mémoire de Turing, atrocement martyrisé par le bourgeois anglais.
Que l'on sache également que je suis pour la légalisation de la marijuana, de
la zoophilie, mais également pour l'interdiction formelle, sous peine de mort,
du patinage à roulette passé l'âge de douze ans. Pourquoi cette peine
draconienne ? Il s'agit d'une question de salubrité publique. Chacun a
remarqué combien les Arabes sont sourcilleux. Il s'agit donc d'éviter tout
sujet d'irritation. Cela risque de leur donner l'envie de bombarder Paris
plage (pas le Touquet, cette charmante bourgade qui d'ailleurs bénéficie
d'un terrain d'aviation où l'on peut atterrir normalement si toutefois on a
appris à atterrir). D'autre part, il est inutile de leur donner à penser qu'ils
ont à faire à des enfants, quoique de toute façon ils l'aient déjà compris.
Bush junior n'a jamais grandi. Il veut à tout prix casser ses jouets nucléaires
tactiques. Pourquoi son papa n'a-t-il pas terminé le travail il y a dix ans en
délivrant les Irakiens de leur terrible et facétieux dictateur ? C'est
qu'il craignait une alliance des chiites d'Irak et des chiites d'Iran. Non
contente de cela, la CIA, toujours pleine de malice, tendit un traquenard aux
malheureux chiites irakiens, comme on sait. J'espère que les chiites feront
payer cela au prix fort à leurs prétendus libérateurs. C'est que, il y a dix
ans, les sunnites étaient respectables, riches, modérés, bourgeois,
occidentalisés. C'était sans compter avec les wahhabites, à l'origine de la
fortune des Saoud, et particulièrement avec les salafistes. En dix ans les
sunnites ont bien mérité leur mauvaise réputation égalant ainsi leurs frères
ennemis chiites. Qu'ils soient loués. C'est cela avoir mauvaise réputation,
déplaire à la CIA et au président des Etats-Unis. Les dirigeants américains ont
voulu appliquer en Irak les méthodes (mythe et mensonge) qui réussissent si
bien avec leur propre ressource humaine, at home. En Irak il n'y a pas de
ressource humaine, mais il y a encore des hommes. Les Etats-Unis sont un
désert, l'Irak non, du moins pas encore.
Par
le temps l'homme est en perdition exception faite de ceux qui croient,
effectuent les œuvres salutaires, se conseillent mutuellement le bien, se
conseillent mutuellement la patience.