Ô siècles !
 Ne taillez jamais les tilleuls

L'économie selon Durkheim

 

« Il n'en est pas autrement de l'économie politique*. Elle a pour objet, dit Stuart Mill, les faits sociaux qui se produisent principalement ou exclusivement en vue de l'acquisition des richesses [ donc, pour Stuart Mill lui-même, l'objet de l'économie politique n'est pas l'économie, mystérieuse chose générale, mais seulement les faits d'une certaine classe ]. Mais pour que les faits ainsi définis pussent être assignés, en tant que choses, à l'observation du savant, il faudrait tout au moins que l'on pût indiquer à quel signe [ à quel signe de classe, à quel concept, nous sommes d'accord ] il est possible de reconnaître ceux qui satisfont à cette condition. Or, au début de la science, on n'est même pas en droit d'affirmer qu'il en existe, bien loin qu'on puisse savoir quels ils sont. Dans tout ordre de recherches, en effet, c'est seulement quand l'explication des faits est assez avancée qu'il est possible d'établir qu'ils ont un but et quel il est. Il n'est pas de problème plus complexe ni moins susceptible d'être tranché d'emblée. Rien donc ne nous assure par avance qu'il y ait une sphère de l'activité sociale où le désir de la richesse joue réellement ce rôle prépondérant. Par conséquent, la matière de l'économie politique, ainsi comprise, est faite non de réalités qui peuvent être montrées du doigt, mais de simples possibles, de pures conceptions de l'esprit; à savoir, des faits que l'économiste conçoit comme se rapportant à la fin considérée, et tels qu'il les conçoit. Entreprend-il, par exemple, d'étudier ce qu'il appelle la production ? D'emblée, il croit pouvoir énumérer les principaux agents à l'aide desquels elle a lieu et les passer en revue. C'est donc qu'il n'a pas reconnu leur existence en observant de quelles conditions dépendait la chose qu'il étudie ; car alors il eût commencé par exposer les expériences d'où il a tiré cette conclusion. Si, dès le début de la recherche et en quelques mots, il procède à cette classification, c'est qu'il l'a obtenue par une simple analyse logique. Il part de l'idée de production ; en la décomposant, il trouve qu'elle implique logiquement celles de forces naturelles, de travail, d'instrument ou de capital et il traite ensuite de la même manière ces idées dérivées [ C'est la ménagerie de Marx. NB comme le dira le surintendant Fourquet, Durkheim le dit aussi : c’est une classification, c’est un classement ].

 

» La plus fondamentale de toutes les théories économiques, celle de la valeur, est manifestement construite d'après cette même méthode. Si la valeur y était étudiée comme une réalité doit l'être, on verrait d'abord l'économiste indiquer à quoi l'on peut reconnaître la chose appelée de ce nom, puis en classer les espèces, chercher par des inductions méthodiques en fonction de quelles causes elles varient, comparer enfin ces divers résultats pour en dégager une formule générale. La théorie ne pourrait donc venir que quand la science a été poussée assez loin. Au lieu de cela, on la rencontre dès le début. C'est que, pour la faire, l'économiste se contente de se recueillir, de prendre conscience de l'idée qu'il se fait de la valeur, [ de Locke, Durkheim dit qu'il ne sait rien de la sensation, mais ne connaît que l'idée de la sensation ] c'est-à-dire d'un objet susceptible de s'échanger ; il trouve qu'elle implique l'idée de l'utile, celle du rare, etc., et c'est avec ces produits de son analyse qu'il construit sa définition [ encore une ménagerie ]. Sans doute il la confirme par quelques exemples. Mais quand on songe aux faits innombrables dont une pareille théorie doit rendre compte, comment accorder la moindre valeur démonstrative aux faits, nécessairement très rares, qui sont ainsi cités au hasard de la suggestion ?

 

» Aussi, en économie politique comme en morale, la part de l'investigation scientifique est-elle très restreinte ; celle de l'art, prépondérante. En morale, la partie théorique est ré­duite à quelques discussions sur l'idée du devoir, du bien et du droit. Encore ces spéculations abstraites ne constituent-elles pas une science, à parler exactement, puisqu'elles ont pour objet de déterminer non ce qui est, en fait, la règle suprême de la moralité, mais ce qu'elle doit être. De même, ce qui tient le plus de place dans les recherches des économistes, c'est la question de savoir, par exemple, si la société doit être organisée d'après les conceptions des individualistes ou d'après celles des socialistes ; s'il est meilleur que l'État intervienne dans les rapports industriels et commerciaux ou les abandonne entièrement à l'initiative privée ; si le système monétaire doit être le monométallisme ou le bimétallisme, etc., etc. Les lois proprement dites y sont peu nombreuses ; même celles qu'on a l'habitude d'appeler ainsi ne méritent généralement pas cette qualification, mais ne sont que des maximes d'action, des préceptes pratiques déguisés. Voilà, par exemple, la fameuse loi de l'offre et de la demande. Elle n'a jamais été établie inductivement, comme expression de la réalité économique. Jamais aucune expérience, aucune comparaison méthodique n'a été instituée pour établir que, en fait, c'est suivant cette loi que procèdent les relations économiques. Tout ce qu'on a pu faire et tout ce qu'on a fait, c'est de démontrer dialectiquement que les individus doivent procéder ainsi, s'ils entendent bien leurs intérêts ; c'est que tout autre manière de faire leur serait nuisible et impliquerait de la part de ceux qui s'y prêteraient une véritable aberration logique. Il est logique que les industries les plus productives soient les plus recherchées ; que les détenteurs des produits les plus demandés et les plus rares les vendent au plus haut prix. Mais cette nécessité toute logique ne ressemble en rien à celle que présentent les vraies lois de la nature. Celles-ci expriment les rapports suivant lesquels les faits s'enchaînent réellement, non la manière dont il est bon qu'ils s'enchaînent. [ magnifique, n'est-ce pas ? Le président Bush sait, lui, ce qui est bon pour les Arabes. Les idées de Durkheim ne sont pas comme celles de Debord, elles n'ont pas pris une ride ]

 

» Ce que nous disons de cette loi peut être répété de toutes celles que l'école économique orthodoxe qualifie de naturelles et qui, d'ailleurs, ne sont guère que des cas particuliers de la précédente. Elles sont naturelles, si l'on veut, en ce sens qu'elles énoncent les moyens qu'il est ou qu'il peut paraître naturel d'employer pour atteindre telle fin supposée ; mais elles ne doivent pas être appelées de ce nom, si, par loi naturelle, on entend toute manière d'être de la nature, inductivement constatée. Elles ne sont en somme que des conseils de sagesse pratique et, si l'on a pu, plus ou moins spécieusement, les présenter comme l'expression même de la réalité, c'est que, à tort ou à raison, on a cru pouvoir supposer que ces conseils étaient effectivement suivis par la généralité des hommes et dans la généralité des cas. [ magnifique. La sagesse du président Bush s'exerce maintenant en Irak ]

 

» Et cependant les phénomènes sociaux sont des choses et doivent être traités comme des choses. Pour démontrer cette proposition, il n'est pas nécessaire de philosopher sur leur nature, de discuter les analogies qu'ils présentent avec les phénomènes des règnes inférieurs. Il suffit de constater qu'ils sont l'unique datum offert au sociologue. Est chose, en effet, tout ce qui est donné, tout ce qui s'offre ou, plutôt, s'impose à l'observation. Traiter des phénomènes comme des choses, c'est les traiter en qualité de data qui constituent le point de départ de la science. Les phénomènes sociaux présen­tent incontestablement ce caractère. Ce qui nous est donné, ce n'est pas l'idée que les hommes se font de la valeur, car elle est inaccessible : ce sont les valeurs qui s'échangent réellement au cours des relations économiques. Ce n'est pas telle ou telle conception de l'idéal moral ; c'est l'ensemble des règles qui déterminent effectivement la conduite. Ce n'est pas l'idée de l'utile ou de la richesse ; c'est tout le détail de l'organisation économique. Il est possible que la vie sociale ne soit que le développement de certaines notions ; mais, à supposer que cela soit, ces notions ne sont pas données immédiatement. On ne peut donc les atteindre directement, mais seulement à travers la réalité phénoménale qui les exprime. Nous ne savons pas a priori quelles idées sont à l'origine des divers courants entre lesquels se partage la vie sociale ni s'il y en a ; c'est seulement après les avoir remontés jusqu'à leurs sources que nous saurons d'où ils proviennent.

 

» Il nous faut donc considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes, détachés des sujets conscients qui se les représentent ; il faut les étudier du dehors comme des choses extérieures ; car c'est en cette qualité qu'ils se présentent à nous. Si cette extériorité n'est qu'apparente, l'illusion se dissipera à mesure que la science avancera et l'on verra, pour ainsi dire, le dehors rentrer dans le dedans. [ il est grand temps, en effet, que le dehors rentre dans le dedans. C'est la cas de le dire : avec les phénomènes sociaux, « l'intérieur naît du phénomène ». Oui, les choses générales sont des choses dotées d'un intérieur. Durkheim lui-même en est persuadé mais il juge, à raison, que la science doit commencer par l'étude de l'extérieur. L'essentiel est de ne jamais perdre de vue que ce n'est qu'un pis aller, de ne jamais perdre de vue l'intérieur. Cette réduction des phénomènes sociaux à l'extérieur est parfaitement justifiée car, comme le montre Durkheim, indispensable pour qu'il s'agisse véritablement de science. Mais ce réductionnisme n'est qu'un passage, une entrée en matière. On ne peut s'y cantonner, même si l'on doit y piétiner longtemps, selon Durkheim lui-même. La preuve : la sociologie est née avec Durkheim, elle est morte avec son neveu Mauss. Depuis le réductionnisme prétend, longtemps avant que le singe Minc ne grimpe sur les tables, être la seule possibilité et donc se maintenir éternellement. Les troupes américaines donnent une leçon de réductionnisme aux Irakiens ] Mais la solution ne peut être préjugée et, alors même que, finalement, ils n'auraient pas tous les caractères intrinsèques de la chose, on doit d'abord les traiter comme s'ils les avaient. Cette règle s'applique donc à la réalité sociale tout entière, sans qu'il y ait lieu de faire aucune exception. Même les phénomènes qui paraissent le plus consister en arrangements artificiels doivent être considérés de ce point de vue. Le caractère conventionnel d'une pratique ou d'une institution ne doit jamais être présumé. Si, d'ailleurs, il nous est permis d'invoquer notre expérience personnelle, nous croyons pouvoir assurer que, en procédant de cette manière, on aura souvent la satisfaction de voir les faits en apparence les plus arbitraires présenter ensuite à une observation plus attentive des caractères de constance et de régularité, symptômes de leur objectivité.

 

» Du reste, et d'une manière générale, ce qui a été dit précédemment sur les caractères distinctifs du fait social, suffit à nous rassurer sur la nature de cette objectivité et à prouver qu'elle n'est pas illusoire. En effet, on reconnaît principalement une chose à ce signe qu'elle ne peut pas être modifiée par un simple décret de la volonté. [ Ce critère pose problème. Un simple décret de votre volonté ne peut faire qu'un nombre premier ne soit pas premier, par exemple. Cependant, s'ils sont bien des objets, les nombres ne sont pas des choses. ] Ce n'est pas qu'elle soit réfractaire à toute modification. Mais, pour y produire un changement, il ne suffit pas de le vouloir, il faut encore un effort plus ou moins laborieux, dû à la résistance qu'elle nous oppose et qui, d'ailleurs, ne peut pas toujours être vaincue. Or nous avons vu que les faits sociaux ont cette propriété. Bien loin qu'ils soient un produit de notre volonté, ils la déterminent du dehors ; ils consistent comme en des moules en lesquels nous sommes nécessités à couler nos actions. Souvent même, cette nécessité est telle que nous ne pouvons pas y échapper. Mais alors même que nous parvenons à en triompher, l'opposition que nous rencontrons suffit à nous avertir que nous sommes en présence de quelque chose qui ne dépend pas de nous. Donc, en considérant les phénomènes sociaux comme des choses, nous ne ferons que nous conformer à leur nature. »

 

         *. Durkheim vient de traiter de la morale.

 

CHAPITRE II. RÈGLES RELATIVES À L'OBSERVATION DES FAITS SOCIAUX. La première règle et la plus fondamentale est de considérer les faits sociaux comme des choses.

 

 

Boucle d'ébène se hâte vers une mystérieuse maison tief in dem Wald

Les règles de la méthode sociologique
1894

 

Table des matières

 

 

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION

 

INTRODUCTION : État rudimentaire de la méthodologie dans les sciences sociales. Objet de l'ouvrage.

 

CHAPITRE PREMIER. - Qu'est-ce qu'un fait social ?

 

Le fait social ne peut se définir par sa généralité à l'intérieur de la société. Caractères distinctifs du fait social : 1 son extériorité par rapport aux consciences individuelles ; 2 l'action coercitive qu'il exerce ou est susceptible d'exercer sur ces mêmes consciences. Application de cette définition aux pratiques constituées et aux courants sociaux. Vérification de cette définition.

 

Autre manière de caractériser le fait social : l'état d'indépendance où il se trouve par rapport à ses manifestations individuelles. Application de cette caractéristique aux pratiques constituées et aux courants sociaux. Le fait social se généralise parce qu'il est social, loin qu'il soit social parce qu'il est général. Comment cette seconde définition rentre dans la première.

 

Comment les faits de morphologie sociale rentrent dans cette même définition. Formule générale du fait social.

 

 

CHAPITRE II - Règles relatives à l'observation des faits sociaux

 

Règle fondamentale : Traiter les faits sociaux comme des choses. [ Soit, mais des choses générales, c'est-à-dire des choses dotées d'un intérieur. Ces choses sont infinies parce qu'elles sont dotées d'un intérieur. ]

 

I.       Phase idéologique que traversent toutes les sciences et au cours de laquelle elles élaborent des notions vulgaires et pratiques, au lieu de décrire et d'expliquer des choses. Pourquoi cette phase devait se prolonger en sociologie plus encore que dans les autres sciences. Faits empruntés à la sociologie de Comte, à celle de M. Spencer, à l'état actuel de la morale et de l'économie politique et montrant que ce stade n'a pas encore été dépassé.

 

Raisons de le dépasser : 1 Les faits sociaux doivent être traités comme des choses parce qu'ils sont les data immédiats de la science, tandis que les idées, dont ils sont censés être le développement, ne sont pas directement données. 2 Ils ont tous les caractères de la chose.

 

Analogies de cette réforme avec celle qui a récemment transformé la Psychologie. Raisons d'espérer, dans l'avenir, un progrès rapide de la sociologie.

 

II.     Corollaires immédiats de la règle précédente

 

         Écarter de la science toutes les prénotions. Du point de vue mystique qui s'oppose à l'application de cette règle.

 

         Manière de constituer l'objet positif de la recherche : grouper les faits d'après leurs caractères extérieurs communs. Rapports du concept ainsi formé avec le concept vulgaire. Exemples des erreurs auxquelles on s'expose en négligeant cette règle ou en l'appliquant mal : M. Spencer et sa théorie sur l'évolution du mariage ; M. Garofalo et sa définition du crime ; l'erreur commune qui refuse une morale aux sociétés antérieures. Que l'extériorité des caractères qui entrent dans ces définitions initiales ne constitue pas un obstacle aux explications scientifiques.

 

         Ces caractères extérieurs doivent en outre être les plus objectifs qu'il est possible. Moyen pour y arriver : appréhender les faits sociaux par le côté où ils se présen­tent isolés de leurs manifestations individuelles.

 

 

CHAPITRE III. - Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique

 

Utilité théorique et pratique de cette distinction. Il faut qu'elle soit scientifiquement possible pour que la science puisse servir à la direction de la conduite.

 

I.          Examen des critères couramment employés : la douleur n'est pas le signe distinctif de la maladie, car elle fait partie de l'état de santé ; ni la diminution des chances de survie, car elle est produite parfois par des faits normaux (vieillesse, parturition, etc.), et elle ne résulte pas nécessairement de la maladie ; de plus, ce critère est le plus souvent inapplicable, surtout en sociologie.

 

            La maladie distinguée de l'état de santé comme l'anormal du normal. Le type moyen ou spécifique. Nécessité de tenir compte de l'âge pour déterminer si le fait est normal ou non.

 

            Comment cette définition du pathologique coïncide en général avec le concept courant de la maladie : l'anormal est l'accidentel ; pourquoi l'anormal, en général, constitue l'être en état d'infériorité.

 

II.         Utilité qu'il y a à vérifier les résultats de la méthode précédente en cherchant les causes de la normalité du fait, c’est-à-dire de sa généralité. Nécessité qu'il y a de procéder à cette vérification quand il s'agit de faits se rapportant à des sociétés qui n'ont pas achevé leur histoire. Pourquoi ce second critère ne peut être employé qu'à titre complémentaire et en second lieu.

 

Énoncé des règles.

 

III.       Application de ces règles à quelques cas, notamment à la question du crime. Pourquoi l'existence d'une criminalité est un phénomène normal. Exemples des erreurs dans lesquelles on tombe quand on ne suit pas ces règles. La science même devient impossible.

 

 

CHAPITRE IV. - Règles relatives à la constitution des types sociaux

 

La distinction du normal et de l'anormal implique la constitution d'espèces sociales. Utilité de ce concept d'espèce, intermédiaire entre la notion du genus homo et celle de sociétés particulières.

 

I.          Le moyen de les constituer n'est pas de procéder par monographies. Impossibilité d'aboutir par cette voie. Inutilité de la classification qui serait ainsi construite. Principe de la méthode à appliquer : distinguer les sociétés d'après leur degré de composition.

 

II.         Définition de la société simple : la horde. Exemples de quelques-unes des manières dont la société simple se compose avec elle-même et ses composés entre eux.

 

À l'intérieur des espèces ainsi constituées, distinguer des variétés, suivant que les segments composants sont coalescents ou non.

 

Énoncé de la règle.

 

III.       Comment ce qui précède démontre qu'il y a des espèces sociales. Différences dans la nature de l'espèce en biologie et en sociologie.


CHAPITRE V. - Règles relatives à l'explication des faits sociaux

 

 

I.       Caractère finaliste des explications en usage. L'utilité d'un fait n'en explique pas l'existence. Dualité des deux questions, établie par les faits de survivance, par l'indépendance de l'organe et de la fonction et la diversité de services que peut rendre successivement une même institution. Nécessité de la recherche des causes efficientes des faits sociaux. Importance prépondérante de ces causes en sociologie, démontrée par la généralité des pratiques sociales, même les plus minutieuses.

 

La cause efficiente doit donc être déterminée indépendamment de la fonction. Pourquoi la première recherche doit précéder la seconde. Utilité de cette dernière.

 

II.      Caractère psychologique de la méthode d'explication généralement suivie. Cette méthode méconnaît la nature du fait social qui est irréductible aux faits purement psychiques en vertu de sa définition. Les faits sociaux ne peuvent être expliqués que par des faits sociaux.

 

Comment il se fait qu'il en soit ainsi, quoique la société n'ait pour matière que des consciences individuelles. Importance du fait de l'association qui donne naissance à un être nouveau et à un ordre nouveau de réalités. Solution de continuité entre la sociologie et la psychologie analogue à celle qui sépare la biologie des sciences physico-chimiques.

 

Si cette proposition s'applique au fait de la formation de la société.

 

Rapport positif des faits psychiques et des faits sociaux. Les premiers sont la matière indéterminée que le facteur social transforme : exemples. Si les sociologues leur ont attribué un rôle plus direct dans la genèse de la vie sociale, c'est qu'ils ont pris pour des faits purement psychiques des états de conscience qui ne sont que des phénomènes sociaux transformés.

 

Autres preuves à l'appui de la même proposition : 1º Indépendance des faits sociaux par rapport au facteur ethnique, lequel est d'ordre organico-psychique ; 2º l'évolution sociale n'est pas explicable par des causes purement psychiques.

 

Énoncé des règles à ce sujet. C'est parce que ces règles sont méconnues que les explications sociologiques ont un caractère trop général qui les discrédite. Nécessité d'une culture proprement sociologique.

 

III.     Importance primaire des faits de morphologie sociale dans les explications sociologiques ; le milieu interne est l'origine de tout processus social de quelque importance. Rôle particulièrement prépondérant de l'élément humain de ce milieu. Le problème sociologique consiste donc surtout à trouver les propriétés de ce milieu qui ont le plus d'action sur les phénomènes sociaux. Deux sortes de caractères répondent en particulier à cette condition : le volume de la société et la densité dynamique mesurée par le degré de coalescence des segments. Les milieux internes secondaires ; leur rapport avec le milieu général et le détail de la vie collective.

 

Importance de cette notion du milieu social. Si on la rejette, la sociologie ne peut plus établir de rapports de causalité, mais seulement des rapports de succession, ne comportant pas la prévision scientifique : exemples empruntés à Comte, à M. Spencer. Importance de cette même notion pour expliquer comment la valeur utile des pratiques sociales peut varier sans dépendre d'arrangements arbitraires. Rapport de cette question avec celle des types sociaux.

 

Que la vie sociale ainsi conçue dépend de causes internes.

 

IV.    Caractère général de cette conception sociologique. Pour Hobbes, le lien entre le psychique et le social est synthétique et artificiel ; pour M. Spencer et les économistes, il est naturel mais analytique ; il est pour nous, naturel et synthé­tique. Comment ces deux caractères sont conciliables. Conséquences générales qui en résultent.

 

 

CHAPITRE VI. - Règles relatives à l'administration de la preuve

 

I.       La méthode comparative ou expérimentation indirecte est la méthode de la preuve en sociologie. Inutilité de la méthode appelée historique par Comte. Réponse aux objections de Mill relativement à l'application de la méthode comparative à la sociologie. Importance du principe : à un même effet correspond toujours une même cause.

 

II.      Pourquoi, des divers procédés de la méthode comparative, c'est la méthode des variations concomitantes qui est l'instrument par excellence de la recherche en sociologie ; sa supériorité : 1 en tant qu'elle atteint le lien causal par le dedans ; 2 en tant qu'elle permet l'emploi de documents plus choisis et mieux critiqués. Que la sociologie, pour être réduite à un seul procédé, ne se trouve pas vis-à-vis des autres sciences dans un état d'infériorité à cause de la richesse des variations dont dispose le sociologue. Mais nécessité de ne comparer que des séries continues et étendues de variations, et non des variations isolées.

 

III.    Différentes manières de composer ces séries. Cas on les termes en peuvent être empruntés à une seule société. Cas où il faut les emprunter à des sociétés différentes, mais de même espèce. Cas où il faut comparer des espèces différentes. Pourquoi ce cas est le plus général. La sociologie comparée est la sociologie même.

 

Précautions à prendre pour éviter certaines erreurs au cours de ces comparaisons.

 

 

CONCLUSION

 

Caractères généraux de cette méthode -

 

         Son indépendance vis-à-vis de toute philosophie (indépendance qui est utile à la philosophie elle-même) et vis-à-vis des doctrines pratiques. Rapports de la sociologie avec ces doctrines. Comment elle permet de dominer les partis.

 

         Son objectivité. Les faits sociaux considérés comme des choses. Comment ce principe domine toute la méthode.

 

         Son caractère sociologique : les faits sociaux expliqués tout en gardant leur spécificité ; la sociologie comme science autonome. Que la conquête de cette autonomie est le progrès le plus important qui reste à faire à la sociologie.

 

Autorité plus grande de la sociologie ainsi pratiquée.

 

Mais ! c'est la maison des trois ours !

 Cassini - 1754

 

M. Ripley s'amuse