Le sionisme en questions

Condamné en 1975, " acquitté " en 1991 dans l’euphorie trompeuse des accords d’Oslo, puis remis en examen à Durban en 2001, le sionisme refuse toujours son procès et, d’un appel à l’autre, se barricade derrière une posture intellectuelle inquisitoire qui domine le discours public et médiatique et dont le postulat est que toute critique du sionisme serait le masque d’un antisémitisme. Cette accusation a longtemps dissuadé les intellectuels de soumettre cette idéologie à la critique historique et au jugement politique qui en découle. La proximité de la seconde guerre mondiale, des évènements de 1947-1949 ne suffit pas à expliquer un tel silence. Au contraire, elle le rend plus coupable encore car cette attitude tourne le dos au procès de Nuremberg qui se voulait l’antidote aux entreprises destructrices des idéologies raciales.

Mieux placés que d’autres, des historiens israéliens ont crevé l’abcès et transgressé cet interdit très politiquement correct. Depuis les années quatre-vingts, en effet, ceux que l’on nomme désormais les " nouveaux historiens " ont entrepris de revisiter les mythes fondateurs du sionisme et les vérités officielles qui l’expriment, en puisant dans les archives ouvertes des années 1947-1949. En réalité, ils n’ont fait que rejoindre les positions de certains historiens palestiniens, comme Walid Khalidi ou le journaliste irlandais Erskine Childers, notamment sur la question centrale du "Transfert ". Ils ont, néanmoins, le mérite de restaurer les faits et de donner davantage de crédibilité à leurs thèses.

De la négation à la purification : le plan " Dalet " :

Le mythe fondateur du sionisme commence par une négation radicale du peuple palestinien en tant que réalité physique, culturelle et politique : " une terre sans peuple pour un peuple sans terre ". Plus qu’une expression destinée à vendre le projet sioniste à la communauté internationale, ce slogan-programme annonce déjà le sort que réserve le mouvement sioniste aux Palestiniens.

Le 11 octobre 1961, devant la Knesset, Ben Gourion déclare : " Les Arabes ont quitté les régions assignées à l’État juif… immédiatement après le vote de la résolution de l’ONU [le plan de partage de 1947] Et nous possédons des documents explicites témoignant qu’ils sont partis de Palestine en suivant les instructions des leaders arabes, mufti en tête, qui affirmaient qu’à la fin du mandat [le 15 mai 1948], les armées arabes d’invasion détruiraient l’État juif et jetteraient les Juifs à la mer, morts ou vifs. " Cet argument a récemment été repris par Arnaud Klarsfeld dans un article au Monde en y ajoutant le petit détail qui fait les grands mensonges, à savoir que les dites " instructions " ont été données sur les ondes de la radio. Ce mensonge d’État intervient en réponse à un article retentissant de Erskine Childers, publié dans le Spectator du 21 mai 1961, sous le titre " L’autre Exodus ", où l’auteur fait états de ses recherches dans les archives radios de la BBC au British Museum de Londres et qui infirment catégoriquement l’existence de tels appels. Childers, ainsi que Walid Khalidi qui mena un travail parallèle et plus approfondi sur le sujet, concluent tous deux que les raisons de cet exode massif de toute une nation sont à chercher ailleurs. Ben Gourion avait toutes les raisons politiques et personnelles pour étouffer cette affaire puisqu’il était à la tête de l’Agence Juive qui a élaboré et suivi l’exécution du " Plan D. "

Il s’agit d’un plan de guerre (discuté dès les années 30 et constamment mis à jour) destiné à prendre le contrôle des institutions mandataires dès leur évacuation par les Britanniques, et de la destruction des centres névralgiques de l’économie palestinienne, de leurs récoltes, commerces, moyens de communications etc. afin de rendre impossible toute vie économique et sociale chez les Palestiniens. Ce plan recommande le " nettoyage " des villages palestiniens qui se trouvent aux abords des routes stratégiques afin de sécuriser les lignes de communications autour des centres urbains juifs et le ravitaillement des colonies juives isolées dans la partie arabe du plan de partage de l’ONU. " L’essence du plan [D] était de nettoyer le territoire futur de l’État juif de toutes les forces hostiles ou potentiellement hostiles ", dira l’historien israélien Benny Morris. Sachant que le plan D désignait les villages arabes comme des " bases ennemies ", leur sort est fixé.

Dans ses Mémoires, Itzhak Rabin rapporte cet ordre que lui donna Ben Gourion en personne concernant le sort des habitants de Lydda et Ramleh, deux villages palestiniens pris en juillet 1948 ; " Expulsez-les. "

Ainsi, plus de 400 villages palestiniens ont été totalement rasés pour rendre impossible leur retour et effacer de la mémoire du monde toute trace de ce crime de masse. 750 000 Palestiniens, estimation basse et néanmoins officielle de l’ONU, ont été chassés de leurs terres. Le butin de guerre est énorme :

plus de 8000 habitations, 78% des terres de la Palestine mandataire (les juifs n’en possédaient que 7,6% en 1947), plus de 5000 comptes en banque, des têtes de bétails et autres biens abandonnés, le tout confisqué et officialisé par une loi de 1950 sur " les biens des absents. "

En déclarant que " la guerre d’indépendance n’est pas encore terminée ", Ariel Sharon pensait-il, avec regret, à l’inaccompli du plan D ? En pensant à l’invasion du Liban où Sharon se donnait pour mission de chasser les Palestiniens d’un pays voisin et souverain, on ne peut que craindre le pire pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.

Zakaria

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