L’anti-bloc-notes de Louis-Henri Brulard

(n° 18)

       

        

       À Monsieur Bernard-Henri Lévy

Paris, 7 mars 1997.

Cher Monsieur et Lévy,

       Je me suis complètement trompé. Votre chef-d’œuvre n’a fait pour sa troisième semaine que 2188 entrées sur quatre salles, soit 500 entrées par salle et par semaine. Si cela peut vous consoler, sachez que les films de Debord faisaient encore moins d’entrées du temps où le falsificateur juif Lebovici avait acheté une salle pour la consacrer à leur projection. Il avait tout simplement oublié d’acheter aussi un public tandis que vous n’aviez pas oublié d’Hachetter une partie de la presse. Vous étiez fort mal inspiré de vous moquer du tandem Tapie-Lelouch qui fit tranquillement son gros million d’entrées. Ça y est, monsieur, vous faites partie des cinéastes maudits.

       J’ai une nouvelle inteprétation de votre film. C’est un épisode de Tintin et Milou. Il faut expliquer pourquoi Tintin est brun. C’est facile, il s’est teint les cheveux pour échapper à sa célébrité et ne pas ressembler à l’affreux pédé albinos Warhol. Il faut expliquer pourquoi Milou n’est pas là. C’est facile, les zapatistes le retiennent en otage. Il faut expliquer enfin pourquoi il y a tant de jolies femelles alors qu’elles sont obstinément absentes de l’œuvre de Hergé. L’explication est aussi aisée. Vous n’ignorez pas que Hergé était belge. Donc en ces temps de pédophilie belge galopante, il aurait certainement tenu à montrer patte et petites culottes blanches pour se dédouaner.

       Ça y est, on ne parle déjà plus des petits cons pétitionnaires de la semaine dernière, ces grands désobéissants. Je vais leur communiquer une recette pour désobéir sans peine et sans risque. Qu’ils accrochent dans leur chambre une pancarte avec écrit dessus : " Ne tenez pas compte de cette pancarte ". Ainsi il désobéiront nécessairement dès qu’ils porteront les yeux dessus. C’est la désobéissance garantie par la logique à défaut d’être garantie par le gouvernement. La semaine prochaine, on ne parlera déjà plus de votre chef-d’œuvre mais je gage que vous nous parlerez d’autre chose d’aussi passionnant. Il faut du nouveau pour le consommateur qui n’a cure de se soucier des vieilles querelles. La guerre du Péloponnèse dura quand même quarante ans, la guerre civile à Rome cent ans et la querelle de Port-Royal, plusieurs siècles.

       N’oubliez pas que lorsque les taux d’intérêt montent d’un demi-point, le singe Minc grimpe sur la table.

       Hegelsturmführer Voyer.

       

 

M. Ripley s'amuse